Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 février 2016 et le 28 juillet 2016, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 octobre 2015 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 mars 2015 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation de son conseil à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est illégale en ce que la délégation de signature vise le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 qui a été abrogé ;
- la motivation de la décision de refus de séjour démontre un défaut d'examen réel et complet de sa demande ;
- son admission exceptionnelle au séjour était justifiée ;
- le préfet a méconnu l'étendue de son pouvoir discrétionnaire, rappelé par les termes de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- le préfet a commis une erreur de fait quant à la durée de sa présence en France ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire national est illégale pour les mêmes motifs que ceux énoncés au sujet de la décision de refus de séjour ;
- l'interdiction de retour est disproportionnée quant à sa durée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ouillon,
- et les observations de Me A..., substituant Me B..., représentant M. C....
1. Considérant que M. C..., ressortissant algérien né en 1979, relève appel du jugement du 15 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de sa notification, a fixé le pays de destination et a prononcé, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée a été signée par M. Olivier Jacob, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, lequel avait reçu, par arrêté n° 2014-I-1341 du 31 juillet 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département accessible tant au juge qu'aux parties, délégation du préfet de l'Hérault à fin de signer " tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault (...) " ; que les décisions relatives aux attributions de l'Etat dans le département comprennent, sauf s'il en est disposé autrement par l'arrêté portant délégation de signature, les décisions préfectorales en matière de police des étrangers ; que, par ailleurs, la circonstance que les dispositions du décret du 29 décembre 1962 relatives à la réquisition des comptables publics ont été abrogées par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique demeure sans incidence sur la régularité de la délégation accordée, dès lors que la matière concernée, si elle est désormais régie par ce dernier décret, reste exclue de la délégation en litige ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;
3. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen particulier et complet du dossier de M. C... en relevant notamment que le requérant déclarait être entré en France en 2008 sans pouvoir le justifier et dépourvu de tout visa, qu'il avait fait l'objet de sept précédentes mesures d'éloignement jamais exécutées et qu'il ne pouvait se voir attribuer un titre de séjour en tant que salarié en l'absence de visa de long séjour ainsi qu'en précisant que l'intéressé était célibataire, sans enfant à charge et ne démontrait ni avoir établi le centre de ses intérêts privés en France ni être dans l'impossibilité de regagner son pays d'origine où résidaient sa mère et ses frères et soeurs ;
En ce qui concerne la légalité interne de la décision :
4. Considérant, en premier lieu, que M. C... a été condamné le 6 août 2008 par le tribunal correctionnel de Montpellier à une peine de deux mois d'emprisonnement puis, de nouveau, le 5 février 2010 et le 21 mars 2001, à des peines de quatre et trois mois d'emprisonnement ; qu'à l'exception de ces périodes d'incarcération, qui n'ont pas à être prises en compte pour apprécier la durée de séjour d'un étranger en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait résidé de façon habituelle sur le territoire depuis son entrée alléguée sur celui-ci en 2008 ; que, par suite, le préfet n'a commis aucune erreur de fait en relevant que le requérant ne justifiait pas résider sur le territoire depuis 2008 ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... est célibataire et sans enfant à charge ; que le préfet soutient, sans être contredit, que résident en Algérie sa mère et ses frères et soeurs ; que, par suite, même si le père du requérant réside régulièrement en France, le préfet de l'Hérault, en prenant l'arrêté attaqué, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive et disproportionnée au but en vue duquel cette mesure a été décidée et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
7. Considérant, en troisième lieu, que le préfet a pu légalement refuser à M. C... le titre de séjour que ce dernier sollicitait en qualité de salarié dès lors qu'il ne disposait pas du visa de long séjour prévu par les stipulations de l'article 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; qu'en outre, le préfet n'a pas méconnu l'étendue de son pouvoir discrétionnaire en refusant au requérant un tel titre de séjour alors même que M. C... était titulaire d'une promesse d'embauche ; qu'enfin, les termes de la circulaire du 28 novembre 2012, qui n'a pas de valeur réglementaire, ne peuvent être utilement invoqués par le requérant ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
8. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux évoqués aux points 2 à 7, les moyens invoqués à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés ;
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. Considérant qu'aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) / Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;
10. Considérant qu'il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour de tenir compte des quatre critères énumérés par les dispositions mentionnées ci-dessus sans nécessairement préciser expressément les circonstances qu'elle ne retient pas après prise en compte de chacun de ces critères ; qu'au cas d'espèce, le préfet de l'Hérault a relevé que, même si M. C... ne présentait pas de trouble à l'ordre public, l'intéressé était dépourvu d'attaches familiales en France et n'avait pas déféré aux précédentes mesures d'éloignement et notamment à celle du 19 juillet 2013 dont la légalité avait été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 juillet 2013 ; qu'au vu de ces éléments, le préfet pouvait, sans erreur d'appréciation, assortir l'obligation de quitter le territoire français notifiée à M. C... d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2017, où siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Ouillon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 avril 2017.
N° 16MA00757 2