Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 10 mars 2017, le 26 juin 2018 et le 21 février 2019, M.B..., représenté par la SCP Delpeyroux et associés, agissant par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 janvier 2017 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) de prononcer la réduction des impositions en litige.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à l'ensemble de ses moyens sur son insolvabilité ;
- il n'a pas établi l'intention libérale de la société Sofremi ;
- il n'a pas tenu compte pour l'analyse de l'acte anormal de gestion, de sa situation en tant que débiteur, et de ce que la transaction permettait à la Sofremi d'être assurée du recouvrement de sa créance ;
- les premiers juges n'ont pas davantage établi son intention de recevoir une libéralité ;
- il n'a perçu aucune somme de la SA Sofremi ;
- l'article 177 du code général des impôts n'a pas été mis en oeuvre ;
- la majoration de 25% de la base de la contribution sociale généralisée a été jugée inconstitutionnelle ;
- sa mauvaise foi n'est pas, contrairement à ce qui a été jugé, établie.
Par des mémoires enregistrés le 29 juin 2017 et le 20 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de prendre acte des dégrèvements prononcés et de rejeter le surplus des conclusions de la requête de M.B....
Il soutient qu'il est fait droit à la demande de M. B...s'agissant de la contribution sociale généralisée, et que, pour le surplus, les moyens invoqués par M. B...ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Paix, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Mosser, présidente de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Paix,
- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,
- et les conclusions de Me C...pour le requérant.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 29 juin 2017 le ministre de l'action et des comptes publics a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à la charge du requérant par l'application de la majoration prévue au 2° de l'article 158-7 du code général des impôts pour un montant total, en droits et pénalités, de 116 417 euros. Les conclusions de la requête aux fins de décharge sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Il n'y plus lieu d'y statuer.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. Le jugement attaqué a répondu à l'ensemble des moyens invoqués par M. B...à l'appui de ses conclusions. Dans son point 5, il a relevé la disproportion entre la créance à laquelle la société pouvait prétendre et celle qu'elle a effectivement réclamée à son ancien directeur adjoint. Les premiers juges ont également répondu à l'argumentation du contribuable sur le paiement trimestriel des sommes prévues par la transaction. Ils n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments du contribuable, et notamment à son insolvabilité invoquée. Le jugement est régulier.
En ce qui concerne le bien fondé des impositions en litige :
4. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". Lorsqu'une société n'a pas fait figurer dans sa comptabilité une créance qu'elle détenait sur un tiers, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du débiteur, cette créance pour la totalité de sa valeur initiale, d'établir, d'une part, qu'elle a été abandonnée au profit du débiteur dans des conditions qui sont contraires à l'intérêt de la société qui la détenait, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour le créancier, d'octroyer, et pour le débiteur, de recevoir, une libéralité.
S'agissant de l'absence d'intérêt pour la SA Sofremi à l'opération de transaction :
5. Il résulte de l'instruction que par jugement du TGI de Paris du 11 décembre 2007, confirmé le 29 mai 2009 par la Cour d'appel de Paris, la SA Sofremi a perçu une somme globale de 5 335 715 euros, ainsi que des frais de justice pour un montant de 15 000 euros, à l'issue d'un contentieux engagé contre plusieurs de ses anciens salariés, dont le contribuable, ancien directeur adjoint de la société entre les mois de mai 1993 et novembre 1997. Les salariés ont été condamnés solidairement pour des faits d'abus de biens sociaux, et de recel. La SA Sofremi n'a pas inscrit en comptabilité la créance acquise de 5 335 715 euros ainsi que les frais de justice de 15 000 euros. Cette absence de comptabilisation alors que la société était créancière, s'est accompagnée de la signature, au mois de juin 2012, d'une transaction passée entre la SA Sofremi et M. B...pour un montant global de 150 000 euros (70 000 euros outre le cautionnement de 80 000 euros prélevé par la société), montant très inférieur aux condamnations prononcées, la quote part des sommes dues par M. B...ayant été fixée à 2 146 990 euros. La SA Sofremi s'est ainsi privée de la créance qu'elle détenait sur son ancien salarié pour un montant excédant 90% de son montant. Le contribuable indique que cette transaction était dans l'intérêt de la SA Sofremi, compte tenu de ce que sa situation financière ne lui permettait pas en tout état de cause de rembourser les sommes dues. Toutefois, il n'établit pas qu'il aurait été dans l'incapacité de payer une somme supplémentaire à celle résultant de la transaction, par la seule production d'un état de ses pensions de retraite perçues au titre de l'année 2011et des saisies y afférentes, dès lors notamment qu'il ne fournit aucun élément sur la consistance de son patrimoine mobilier et immobilier en 2012, et qu'il résulte par ailleurs de l'instruction et des constatations de fait du juge pénal que M.B..., condamné pour les faits sus évoqués, a détenu des avoirs à l'étranger et a également acquis un appartement à Levallois-Perret le 24 mai 1994. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la renonciation, par la SA Sofremi à sa créance, par la signature de la transaction du 7 juin 2012 ne saurait être regardée comme ayant été accomplie dans son intérêt.
S'agissant de l'intention pour la SA Sofremi d'octroyer et pour M. B...de recevoir une libéralité :
6. L'article 3 de l'accord transactionnel conclu entre la SA Sofremi et M. B...organise un échéancier très avantageux pour ce dernier, puisqu'il prévoit un versement trimestriel de 900 euros du 30 juin 2012 au 31 mars 2014, puis de 1 350 euros à compter du 30 juin 2014, et ce jusqu'à apurement intégral de la dette. Ainsi, compte tenu des modalités d'étalement de cette somme de 70 000 euros, l'apurement ne pouvait intervenir qu'en 2025, alors même que, par assemblée générale extraordinaire, les actionnaires ont prononcé la dissolution anticipée de la SA Sofremi le 25 juin 2013. Enfin, si le contribuable produit une citation à comparaître du 10 février 2011, devant le TGI de Paris, à la demande de la SA Sofremi, il résulte de l'instruction que cette procédure a été abandonnée. Ces circonstances établissent la volonté de la SA Sofremi de consentir une libéralité, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'aucun lien juridique ne liait plus M. B...à la SA Sofremi depuis 15 ans à la date de la signature de la transaction. La circonstance invoquée par le contribuable, qu'il n'a pas perçu de sommes de la SA Sofremi est à cet égard sans incidence sur l'existence d'une distribution constituée par l'avantage résultant de la remise de dette. Enfin, la procédure de l'article 117 du code général des impôts n'était dans les circonstances de l'espèce, pas nécessaire, le bénéficiaire de l'avantage étant le signataire de la transaction.
7. Par ailleurs, M.B..., ancien directeur adjoint de la société, qui ne pouvait ignorer les conditions et le caractère extrêmement avantageux de cet accord doit également, eu égard à l'ensemble des éléments détaillés ci-dessus, être regardé comme ayant eu l'intention de recevoir la libéralité dont s'agit. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bastia a considéré que les sommes litigieuses constituaient un avantage occulte consistant en une libéralité taxable en application des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts.
En ce qui concerne les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
9. Eu égard à ce qui a été dit aux points 6 et 7, M.B..., ancien dirigeant de la SA Sofremi, ne pouvait ignorer le caractère imposable de la libéralité dont il a été bénéficiaire. Par suite, l'administration a pu à bon droit lui infliger une majoration de 40 % en application des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté le surplus de sa demande.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à la charge de M. B... à hauteur de 116 417 euros au titre de l'année 2012.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Ouest.
Délibéré après l'audience du 28 février 2019, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Haïli, premier conseiller,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mars 2019.
N°17MA00972 5