Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 août 2016 et deux mémoires enregistrés le 1er mars 2017 et le 31 octobre 2017, la SARL A...et Fils et Me F... liquidateur judiciaire de la SARL A...et Fils, représentés par Me Pellegrini, demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 23 juin 2016 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2012 en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration n'a pas informé la SARL A...et Fils de l'origine et de la teneur de documents obtenus de tiers ;
- l'administration n'a pas apporté la preuve de l'acte anormal de gestion ;
- la méthode retenue par l'administration est contestable, viciée dans son principe ;
- les chantiers en litige ont permis d'éviter le dépôt de bilan de l'entreprise ;
- M. A... E...et M. H... n'ont pas bénéficié d'un enrichissement personnel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2017, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête de la SARL A...et Fils ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Évelyne Paix, président assesseur, pour présider par intérim la 3ème chambre de la cour administrative de Marseille.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane,
- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,
- et les observations de Me Pellegrini, avocat de la SARL A...et Fils.
1. Considérant que la SARL A...a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a rehaussé le chiffre d'affaires de l'exercice 2012 d'une somme de 147 000 euros représentant la renonciation à recettes consentie par la société, à la suite de deux ventes intervenues à un tarif préférentiel qualifiées d'acte anormal de gestion ; qu'en conséquence, l'administration l'a assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2012 en suivant la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ; que la SARL A...relève appel du jugement du 23 juin 2016 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés en litige ;
Sur la régularité de la procédure :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur, par lettre du 9 avril 2013, a demandé au gérant de la SARL A...et fils, de mettre à sa disposition les documents contenant les éléments d'analyse de rentabilité de chacun des chantiers ouverts et clôturés sur la période et les exercices vérifiés, permettant d'établir pour chacun d'entre eux, leurs prix de revient respectifs en fonction des matériaux livrés ; qu'en réponse, un document synthétique a été établi par le comptable de la SARL A...et communiqué au vérificateur pour lui permettre de déterminer le prix de revient des maisons construites pour les proches de M. A... ; que, dès lors, les informations contenues dans ce document ne constituent ni un renseignement ni un document obtenu d'un tiers mais sont issues de la comptabilité de la société ; que sont, à cet égard, sans incidence sur la régularité de la procédure, les désaccords survenus entre la société contribuable et son comptable ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que lorsque l'administration soutient, comme en l'espèce, qu'une opération retracée en comptabilité et consistant en une fourniture de services aurait été insuffisamment évaluée, il lui appartient, sauf si trouvent à s'appliquer des dispositions législatives ou réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve, d'établir les faits dont il ressortirait que l'entreprise aurait renoncé à percevoir une fraction des recettes qui lui auraient été dues et qui conféreraient à cet acte un caractère anormal ;
5. Considérant que l'administration fait valoir qu'au cours de la procédure de contrôle de la SARLA..., le vérificateur a totalisé le montant des achats de matériaux affectés à six chantiers distincts de construction de maisons individuelles dont quatre de ces chantiers concernaient des clients étrangers à la famille A...et deux autres chantiers terminés en 2012 pour le fils et la fille de M. C... A..., gérant de la SARLA... ; que, pour les clients étrangers à la famille, le coefficient multiplicateur entre les prix facturés et les achats de matériaux de gros oeuvre nécessaires au chantier est égal au minimum à 2,8 alors que ce même coefficient pour les clients appartenant à la famille A...ressortissait à seulement 1,23 ; que, pour évaluer l'insuffisance de chiffre d'affaires, l'administration a appliqué le différentiel entre le coefficient minimum constaté sur les chantiers de l'entreprise et le coefficient constaté pour les chantiers relatifs à la familleA..., qui s'établit à 1,589, aux facturations de l'entreprise à la famille d'un montant de 92 558 euros, pour arriver à une insuffisance de chiffre d'affaires de 147 000 euros ; que ce montant a été ramené à 137 258 euros après prise en compte des observations formulées par la société devant le tribunal administratif ; que la démonstration de l'existence de cette sous-estimation est confortée, selon l'administration fiscale, par la plus-value de 89 072 euros réalisée lors de la vente en février 2013 par M. et Mme E... A...de la maison construite par la SARLA... ;
6. Considérant que la SARL A...conteste, en premier lieu, la méthode suivie par le vérificateur qui aboutit à comparer des chantiers différents et fait valoir que le coût au m² des constructions est sans rapport avec les caractéristiques de celles-ci ; que, toutefois, la surévaluation du coût des matériaux alléguée par la société n'est pas démontrée alors qu'il est constant que le coût des matériaux sur lequel s'est basée l'administration a été communiqué par le comptable de la société et procède des propres écritures comptables de la société ; que si la société soutient que la qualité des matériaux différente d'un chantier à l'autre explique la différence des coefficients de marge relevés par l'administration, elle n'apporte la preuve, qu'elle seule est en mesure d'apporter, à l'appui de ses allégations ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que si la société requérante soutient que des achats divers d'un montant de 48 375 euros n'ont pas été pris en compte par erreur et que le dégrèvement de 4 185 euros accordé par l'administration en première instance est insuffisant compte tenu de cette erreur, ce moyen n'est toutefois pas assorti des précisions suffisantes permettant à la Cour d'en examiner le bien-fondé ;
8. Considérant, en troisième lieu, que l'absence de prise en compte des frais de main-d'oeuvre par le vérificateur est sans influence dès lors que ces frais ont été omis pour l'ensemble des chantiers pour le calcul du coefficient multiplicateur entre les prix facturés et les achats ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que si la SARL A...soutient que les deux chantiers en litige ont eu pour but de sauver la société du dépôt de bilan en raison de la chute de son chiffre d'affaires du fait de la perte de son principal client qui représentait 80 % de son chiffre d'affaires, il n'est pas contesté que les chantiers facturés aux membres de la famille A...ont généré un surcroît de chiffre d'affaires pour la SARLA... ; que, toutefois, cette circonstance reste sans influence sur l'existence de ventes intervenues à un tarif préférentiel aux seuls membres de la familleA..., lesquelles ont généré un manque à gagner pour la société ;
10. Considérant, en dernier lieu, que l'absence alléguée d'enrichissement personnel de M. E... A...et de Mme B..., qui ont dû recourir à des prêts bancaires pour financer l'achat de la maison construite par la SARLA..., reste sans influence sur l'existence d'un acte anormal de gestion, lequel ne s'apprécie qu'en fonction des circonstances propres à la société contribuable, et non en fonction des circonstances personnelles des bénéficiaires de l'acte anormal de gestion ; que la circonstance que chacun des deux enfants de M. C...A...aurait effectué un apport en compte courant à la société reste pareillement sans influence sur l'appréciation d'un acte anormal de gestion ;
11. Considérant que la SARL A...ne peut être regardée comme apportant la preuve de l'existence d'intérêts commerciaux ou financiers expliquant les avantages consentis lors de la réalisation des deux villas à M. E... A...et de Mme B... ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a considéré les deux ventes intervenues à un tarif préférentiel comme constitutives d'un acte anormal de gestion et qu'elle a rehaussé le chiffre d'affaires de l'exercice 2012 d'un montant de 137 258 euros ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL A...et Fils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés en litige ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL A...et Fils est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me G...F..., liquidateur judiciaire de la SARL A...et Fils, et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2018, où siégeaient :
- Mme Paix, président assesseur, président par intérim de la formation de jugement,
- M. Haïli, premier conseiller,
- M. Sauveplane, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
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N° 16MA03343