Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 décembre 2015, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 mai 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 12 décembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de délivrance d'un titre de séjour dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à Me C... en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le préfet a méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention précitée.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ouillon,
- et les observations de Me A..., substituant Me C..., représentant M. B....
1. Considérant que M. B..., ressortissant marocain né en 1957, relève appel du jugement du 28 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les dispositions de ce code s'appliquent " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an, renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. (...) " ; que l'article 9 de cet accord prévoit : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " et que l'article L. 5221-2 du code du travail énonce que : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. " ;
3. Considérant qu'il résulte de la combinaison des textes précités que si la situation des ressortissants marocains souhaitant bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est régie par les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour " salarié " prévu à l'article 3 de cet accord est subordonnée, en vertu de son article 9, contrairement à ce que soutient le requérant, à la condition prévue à l'article L. 311-7 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la production par ce ressortissant d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; qu'il est constant que M. B... ne justifiait pas d'un visa de long séjour à la date de la décision contestée ; que, dès lors, le préfet a pu légalement lui refuser pour ce seul motif la délivrance du titre de séjour en qualité de salarié prévu par l'article 3 de l'accord franco-marocain et n'a commis ni erreur de fait ni erreur de droit ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des motifs de la décision contestée, que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de M. B... ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet se serait estimé à tort en situation de compétence liée ou aurait méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;
6. Considérant que M. B... soutient qu'il réside en France depuis 1992 soit depuis plus de dix ans à la date du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ; que, toutefois, les preuves de présence produites par l'intéressé, pour les années 2004 à 2007, constituées pour chacune d'elle d'une ou deux ordonnances médicales, sont insuffisantes pour démontrer une présence habituelle sur le territoire national ; qu'aucun document n'atteste de la présence en France de M. B... au cours de l'année 2008 ; que les attestations établies par des proches ne sont pas suffisamment circonstanciées pour établir que M. B... résiderait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait entaché sa décision d'un vice de procédure en ne saisissant pas, préalablement à sa décision, la commission du titre de séjour ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. " et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que M. B... soutient qu'il réside en France depuis plus de dix ans, que plusieurs de ses frères et soeurs résident régulièrement sur le territoire national ou sont de nationalité française, qu'il vit en concubinage avec une compatriote titulaire d'une carte de résident et que ses parents sont décédés ; que, toutefois, comme indiqué au point 6, l'intéressé ne justifie pas de l'ancienneté de son séjour en France ; que les pièces qu'il produit ne permettent d'établir l'existence d'une vie commune avec une compatriote qu'à compter du mois de juillet 2012 ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas de charges de famille en France ; que l'intéressé n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales au Maroc ; que, par ailleurs, M. B... ne justifie pas d'une insertion sociale ou professionnelle particulière en France et a déjà fait l'objet le 1er décembre 2008, le 10 février 2011 et le 7 juin 2012 de décisions de refus de séjour assorties de mesures d'éloignement auxquelles il ne s'est pas conformé ; que, par suite, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés et ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle du requérant ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant, en premier lieu, que l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écartée ;
10. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce rappelées au point 8, la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, où siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Ouillon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
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N° 15MA04940