Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 février 2016, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour d'un an sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- elle vit en France avec M. A..., son ex époux et actuel compagnon ;
- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- son époux peut prétendre au séjour en tant qu'étranger malade ;
- le signataire de la décision attaquée est incompétent ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire national est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Ouillon.
1. Considérant que Mme C..., ressortissante albanaise née le 11 avril 1984, relève appel du jugement du 12 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de sa notification et a fixé le pays de destination ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision :
2. Considérant, en premier lieu, que M. B..., adjoint au chef du bureau des mesures administratives, du contentieux et des examens spécialisés de la préfecture des Bouches-du-Rhône, signataire de la décision attaquée, a reçu délégation de signature à l'effet de signer " tout document relatif à la procédure de délivrance de titre de séjour (...) " par arrêté du préfet en date du 22 mai 2015, régulièrement publié au recueil n° 84 bis du même jour des actes administratifs de la préfecture des Bouches-du-Rhône ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;
3. Considérant, en second lieu, que l'arrêté attaqué vise notamment les articles applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales ; que la décision mentionne que la demande d'asile de Mme C... a été rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 2 avril 2015 ; que cette même décision précise qu'elle n'entre dans aucune des catégories de plein droit définie aux articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'enfin, l'arrêté précise que Mme C... n'établit pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où elle aurait vécu jusqu'en septembre 2013 et où elle peut reconstituer sa cellule familiale avec son compagnon et ses enfants mineurs ; que Mme C... n'est donc pas fondée à soutenir que la décision serait insuffisamment motivée ;
En ce qui concerne la légalité interne de la décision :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;
5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... aurait établi en France le centre de sa vie privée et familiale ni qu'elle justifierait d'une insertion socioprofessionnelle particulaire ; que la requérante ne démontre ni même n'allègue être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans ; que si Mme C... soutient que ses deux filles aînées sont scolarisées à Marseille, cette circonstance ne lui ouvre aucun droit particulier au séjour ; que son compagnon, de même nationalité, étant lui-même en situation irrégulière et ne justifiant pas d'un état de santé lui ouvrant droit au séjour, rien ne s'oppose à la reconstruction de la cellule familiale en Albanie ; qu'il s'ensuit que le préfet, en prenant l'arrêté attaqué, n'a pas porté au droit de l'intéressée, entrée en septembre 2013 en France, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive et disproportionnée au but en vue duquel cette mesure a été décidée et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant, en premier lieu, que les conclusions d'annulation dirigées contre la décision portant refus de séjour venant d'être rejetées, Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision pour soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 5, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, en prenant la décision attaquée, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Considérant, en premier lieu, que les conclusions d'annulation dirigées contre les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français venant d'être rejetées, Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de ces décisions pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que selon les termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
11. Considérant que Mme C... soutient encourir un risque pour sa sécurité en cas de retour en Albanie du fait de ses liens avec M. A... qui a fait l'objet, dans cet État, de " graves menaces " ; que, toutefois, alors que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 septembre 2014 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 2 avril 2015, la requérante ne produit aucun commencement de preuve de nature à établir la réalité des risques que son compagnon ou elle-même encourraient en cas de retour en Albanie ; que, dans ces conditions, le moyen tiré par Mme C... de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
12. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, en prenant la décision attaquée, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation de la requérante ;
13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, où siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Ouillon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
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N° 16MA00592