Procédure devant la Cour :
I°) Par une requête enregistrée le 29 mai 2018 sous le n° 18MA02492, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 janvier 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 17 juillet 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
le jugement contesté comme la décision du préfet est entaché d'erreur de fait dès lors qu'il justifie de son entrée en France le 27 mai 2012 et de sa résidence continue sur le territoire depuis lors ;
l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle ;
l'arrêté du préfet méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation particulière au regard de ces stipulations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
II°) Par une requête enregistrée le 29 mai 2018 sous le n° 18MA02493, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement du 24 janvier 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
L'exécution du jugement, qui rend possible son renvoi aux Comores, risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;
Les moyens d'annulation développés dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 20 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
La convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
La convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
* le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Courbon.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 17 juillet 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M.A..., ressortissant comorien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel cette mesure d'éloignement pouvait être exécutée d'office. Par deux requêtes enregistrées le 29 mai 2018 sous les nos 18MA02492 et 18MA02493, M. A..., d'une part, relève appel du jugement du 24 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et, d'autre part, sollicite le sursis à exécution de ce jugement.
2. Ces requêtes concernent le même requérant, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 18MA02492 :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... partage depuis septembre 2015 la vie de Mme B..., ressortissante comorienne titulaire d'un titre de séjour pluriannuel valable jusqu'en décembre 2018 et mère d'une enfant de nationalité française, Nadjima, née le 28 février 2014. M. A... et Mme B..., ont conclu un pacte civil de solidarité le 26 janvier 2016 et ont eu un enfant, Nasser, né à Marseille le 27 avril 2016. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier et n'est pas contesté par le préfet des Bouches-du-Rhône, que M. A... s'occupe de son enfant et de celui de sa compagne et participe à leur éducation. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que l'exécution des décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français en litige aurait nécessairement pour effet de le séparer de son jeune fils, dont il partage le quotidien, en méconnaissance de l'intérêt supérieur de celui-ci, alors notamment que ne peut lui être valablement opposée l'alternative d'un départ de France vers les Comores de l'ensemble de la cellule familiale, sa compagne titulaire d'un titre de séjour et surtout la fille française de cette dernière n'ayant pas vocation à quitter le territoire national. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté du 17 juillet 2017 a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et doit être annulé.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 juillet 2017.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
7. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas soutenu par l'administration que la situation de M. A... depuis l'intervention de l'arrêté contesté aurait évolué dans des conditions telles que sa demande de titre de séjour serait devenue sans objet, ou que des circonstances postérieures fonderaient désormais légalement une nouvelle décision de rejet. Dans ces conditions, l'exécution du présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu pour la Cour d'enjoindre au préfet de délivrer au requérant un tel titre dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que le conseil du requérant renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 000 euros.
Sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 18MA02493 :
9. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement du 24 janvier 2018 du tribunal administratif de Marseille, la requête n° 18MA02493 tendant au sursis à exécution de ce jugement est devenue sans objet.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 18MA02493 de M. A....
Article 2 : Le jugement n° 1708607 du 24 janvier 2018 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 17 juillet 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera la somme de 1 000 euros à Me D... en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, où siégeaient :
- Mme Mosser, présidente,
- Mme Paix, présidente assesseure,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.
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N os 18MA02492, 18MA02493