Par un jugement n° 1801809 du 30 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. - Par une requête enregistrée le 25 juin 2018 sous le n° 18MA02993, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 9 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault d'enregistrer sa demande d'asile dès la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à Me A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu les dispositions du règlement n° 343/2003 du 18 février 2003 ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant tenu de remettre l'intéressé aux autorités allemandes sans examiner la possibilité de faire application des dispositions du 2 de l'article 3 et de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 en se dispensant de demander aux autorités allemandes des garanties quant à la possibilité de soins adaptés à son état de santé ;
- la décision procède d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions du 2 de l'article 3 et de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 car son état de santé devait conduire à son maintien en France ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2018, le préfet de l'Hérault conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il a convoqué le requérant afin d'enregistrer sa demande d'asile ;
- les moyens soulevés par M. C... sont infondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2018.
II. - Par une requête enregistrée sous le n° 18MA02994 enregistrée le 25 juin 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 30 avril 2018 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, à verser à Me A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement et de l'arrêté attaqué aurait des conséquences difficilement réparables sur sa situation personnelle ;
- les moyens soulevés dans la requête n° 18MA02993 sont sérieux.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2018, le préfet de l'Hérault conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il a convoqué le requérant afin d'enregistrer sa demande d'asile ;
- les moyens soulevés par M. C... sont infondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant mongol né le 12 mars 1983, est entré irrégulièrement en France le 6 décembre 2017 selon ses déclarations et a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture de l'Hérault, qui a été rejetée le 9 avril 2018. La demande présentée contre cette décision a été rejetée par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier le 30 avril 2018.
Sur le non-lieu à statuer :
2. Si le préfet de l'Hérault affirme avoir convoqué M. C... en vue du réexamen de sa situation, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas retiré la décision attaquée, qui n'est pas à ce jour frappée de caducité et demeure dès lors dans l'ordonnancement juridique. La requête de M. C... conserve donc son objet et il y a lieu de statuer sur son bien-fondé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, le 2 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride dispose : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Selon l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) " ;
4. D'une part, contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de l'arrêté attaqué, que le préfet de l'Hérault a examiné la situation personnelle de M. C... et ne s'est pas estimé tenu d'édicter une décision de remise. Le moyen tiré d'une erreur de droit tenant au défaut d'examen de la possibilité de faire application des dispositions précitées doit dès lors être écarté.
5. D'autre part, si les certificats médicaux délivrés à M. C... les 24 janvier 2018, 27 février 2018 et 16 avril 2018 indiquent que son pronostic vital est affecté par une maladie " sévère ", le patient encourant un risque d'hémorragie, et soulignent la nécessité de conditions de vie et d'hygiène " de bon niveau " et l'impossibilité de longs déplacements, aucune de ces pièces ne fait état ni d'un risque grave et imminent pour la vie ou la santé de M. C..., ni de l'impossibilité d'un voyage de courte durée tel que celui entre Montpellier et l'Allemagne, ni de l'absence de traitement adapté dans ce pays. Par ailleurs, si M. C... a été hospitalisé en juillet 2018, cette circonstance, postérieure de plusieurs mois à l'édiction de l'arrêté et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle était prévisible à cette date, est sans incidence sur sa légalité. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet, au vu de l'ensemble des pièces relatives à son état de santé, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de s'assurer auprès des autorités allemandes des conditions dans lesquelles serait assurée la continuité de ses soins ou de faire usage de la possibilité ouverte par les dispositions précitées d'examiner lui-même la demande d'asile du requérant.
6. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France quelques mois seulement avant l'arrêté attaqué et que son épouse, de même nationalité, se trouve également en situation irrégulière en France, où le couple vit avec ses enfants. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, l'état de santé de M. C... imposait son hospitalisation en France et s'opposait à son transfert vers l'Allemagne. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.
8. En dernier lieu, l'article 48 du règlement du 26 juin 2013 a abrogé le règlement n° 343/2003 du 18 février 2003. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de ce celui-ci est donc inopérant.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 avril 2018. Il y a donc lieu de rejeter sa requête.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
11. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C.... Il n'implique dès lors aucune mesure d'exécution et il convient par voie de conséquence de rejeter les conclusions à fin d'injonction du requérant.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article R. 811-17 du code de justice administrative :
12. Le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué. Dès lors, les conclusions de M. C... tendant à ce que le sursis à exécution de ce jugement soit ordonné sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 s'opposent à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée sur leur fondement par M. C... dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18MA02994 présentée par M. C....
Article 2 : La requête n° 18MA02993 de M. C... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2018, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,
- M. B... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2018.
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N°s 18MA02993-18MA02994