Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2016 l'EURL Ann Chau représentée par Me A... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 mai 2016 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses en droits et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que:
- en méconnaissance de l'article L 57-2 du code général des impôts, la proposition de rectification du 30 novembre 2012 ne précise pas la nature des traitements opérés dans le contrôle de la comptabilité informatisée ;
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires retenue par l'administration est excessivement sommaire et viciée dans son principe en ce qu'elle n'a pas tenu compte des conditions d'exploitation de l'établissement ;
- en vertu de ce que retient généralement l'administration fiscale dans des contrôle similaires, un taux de 5 % de la consommation du personnel des boissons alcoolisées et un taux de 5 à 10 % de pertes et casses doivent être retenus compte tenu des spécificités de l'établissement ;
- les premiers juges ont omis de prendre en compte et de répondre aux divers arguments sur les taux de réfaction ;
Par un mémoire, enregistré le 2 décembre 2016, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir qu'aucun moyen de la requête de la société n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Évelyne Paix, président assesseur, pour présider par intérim la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, magistrat-rapporteur,
- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.
1. Considérant l'EURL Ann Chau, qui exploite une discothèque située au Cap d'Agde sous l'enseigne " Le Palma ", interjette appel du jugement du 12 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2010 et 2011, en ce qu'ils procèdent de la reconstitution du chiffre d'affaires de cette activité ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; que contrairement à ce que soutient l'EURL Ann Chau, les premiers juges ont répondu dans le point n° 8 de leur jugement sur le moyen tiré de ce que des taux supérieurs de réfaction au titre des pertes, offerts et casses devaient être appliqués au regard des spécificités de l'établissement ; que le moyen tiré de l'omission à statuer doit, par suite, être écarté ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 de ce même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) En cas d'application des dispositions du II de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " II.- En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. (...) " ;
4. Considérant que l'EURL Ann Chau soutient que l'administration fiscale ne lui aurait pas précisé, dans la proposition de rectification du 30 novembre 2012, la nature des traitements effectués dans le cadre du contrôle de sa comptabilité informatisée ; qu'il résulte de l'instruction que par courrier du 19 septembre 2012, l'administration fiscale a remis au gérant de la société requérante une demande de traitement qui indiquait qu'elle avait pour objectif le contrôle des boissons vendues, offertes ou consommées par le personnel afin de vérifier le chiffre d'affaires déclaré, le contrôle des remises effectuées et la vérification des écritures de fin de journée ainsi que la recherche de toutes anomalies ; qu'à la suite de cette demande, la société a opté pour le régime fixé au c) du II de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales précité et a remis à l'administration fiscale la copie des fichiers informatiques du système de caisse de la discothèque afin de permettre à l'administration fiscale de réaliser elle-même les traitements informatiques nécessaires dont la restitution a eu lieu le 11 janvier 2013 ; que s'agissant des rehaussements trouvant leur origine dans les traitements réalisés, la proposition de rectification dont il s'agit adressée à l'EURL Ann Chau indique en page 4 §143 que " le résultat du traitement informatique en ce qui concerne l'année 2011, se trouve dans le présent document : annexe 2 pour la totalisation des consommations vendues ou offertes. Annexe 5 colonne 5 pour le détail des consommations offertes " ; que lesdites annexes qui listent les consommations obtenues dans les fichiers informatiques précisent ainsi l'information des traitements effectués tenant à une totalisation des consommations constatées et indiquent ainsi les modalités de détermination des éléments servant au calcul des rehaussements ; que par suite, l'administration fiscale n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
6. Considérant qu'après avoir notamment constaté le défaut de production de certaines factures d'achats et de certains relevés bancaires, l'absence de détail de plusieurs postes de ventes sur les feuilles de caisse, des anomalies de billetterie et concernant la tenue des stocks, ainsi qu'une erreur comptable de 2 000 euros , le vérificateur a rejeté, comme non probante, la comptabilité de l'EURL Ann Chau ; que la société appelante ne conteste pas les irrégularités dont était entachée sa comptabilité ; que, dès lors, l'administration a pu, à bon droit, procéder à la reconstitution des recettes ;
7. Considérant que pour reconstituer ce chiffre d'affaires pour l'exercice clos en 2011, le vérificateur a utilisé, à partir des factures fournisseurs de la totalité de l'exercice, la méthode dite des " achats revendus ", en évaluant, dans un premier temps, les quantités de boissons disponibles à partir de l'ensemble des factures d'achat de boissons alcoolisées, de champagne, de bouteilles de bière et de boîtes de " Red Bull " et de l'état de stocks fournis lors des interventions sur place, en comparant, dans un deuxième temps et après avoir ramené en centilitres les volumes de boissons alcoolisées et de champagne, les quantités disponibles et les quantités consommées d'après les feuilles journalières de caisse fournies, en déterminant, dans un troisième temps, les volumes non comptabilisés, en définissant, dans un quatrième temps, les prix moyens au centilitre ou à la bouteille et en appliquant, dans un cinquième temps, ces prix moyens aux différences de quantités constatées ; que pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société pour l'exercice clos en 2010, le vérificateur a déterminé un coefficient résultant du rapport entre le chiffre d'affaires rectifié toutes taxes comprises de l'exercice clos en 2011 et les achats revendus hors taxes du même exercice ; que ce même coefficient a été appliqué aux achats revendus hors taxes de l'exercice clos en 2010 ;
8. Considérant que l'EURL Ann Chau fait grief à l'administration fiscale de n'avoir pas tenu compte des conditions d'exploitation de l'entreprise notamment au regard du taux de réfaction retenu sur les boissons au titre des offerts, pertes et casses ; que toutefois il résulte de l'instruction que les données retenues dans la méthode de reconstitution de l'exercice clos en 2011 par le vérificateur résultent d'interventions sur place, en présence du gérant, et de constat sur le fonctionnement et le mode d'exploitation de la discothèque ; que si la société requérante sollicite des prélèvements et offerts plus importants que ceux retenus par le service, en se bornant à faire référence à des quantités généralement admises, elle n'apporte aucun élément permettant de justifier ses prétentions au titre des offerts et consommations du personnel, alors que l'administration fiscale a appliqué des réfactions sur les achats revendus correspondant à la comptabilité produite par la société, notamment en admettant en déduction des quantités de boissons offertes aux clubs sportifs partenaires ou prélevées par les salariés ; qu'en revanche, au titre des pertes et casses, le vérificateur n'a retenu aucun coefficient de réfaction du chiffre d'affaires sur les deux exercices vérifiés ; que si l'administration fiscale indique que la société appelante ne justifie pas la prise en compte d'abattements supplémentaires, l'absence de réfaction ainsi opérée par le vérificateur n'intègre pas de façon réaliste l'ensemble des causes de pertes et casses de bouteilles et ne correspond pas aux taux habituellement constatés pour ce type d'établissement, sans que l'administration fiscale établisse que les conditions particulières de fonctionnement du restaurant justifient l'application d'un taux nul ; qu'il y a lieu de fixer, pour les deux exercices en litige, ce taux à 2 % du chiffre d'affaires TTC reconstitué et de réduire à due concurrence les bases d'impositions supplémentaires mises à la charge de la société ; que par suite, il y a lieu d'accorder à l'EURL Ann Chau la décharge des impositions supplémentaires correspondant à cette réduction des bases imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des deux exercices clos les 31 décembre 2010 et 2011 et à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2011 ;
9. Considérant que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que la méthode utilisée au titre de l'exercice clos en 2010, repose sur des données propres à l'exercice reconstitué, et sur la constatation non discutée qu'aucune modification dans l'activité de l'entreprise n'est intervenue entre les deux exercices ; que par suite, ladite méthode ne peut être regardée comme sommaire ou comme viciée dans son principe même ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que l'EURL Ann Chau est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier n'a pas appliqué un taux de réfaction de 2 % au chiffre d'affaires TTC reconstitué pour le calcul des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010 et 2011, et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2011 ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société requérante tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat les frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Les bases d'imposition de l'EURL Ann Chau à l'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos en 2010 et 2011, et à la taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2011, sont réduites conformément aux motifs figurant au point 8 du présent arrêt.
Article 2 : Il est accordé à l'EURL Ann Chau la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2011, à raison de la réduction de base prononcée à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EURL Ann Chau est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Ann Chau et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Paix, président assesseur, président de la formation de jugement par intérim,
- M. Haili, premier conseiller,
- M. Sauveplane, premier-conseiller ;
Lu en audience publique le 19 avril 2018 .
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N° 16MA02778