Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2016, la commune de Marseille, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 juin 2016 ;
2°) de rejeter la requête de Mme C... ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a statué ultra petita, dès lors qu'il ne pouvait se dispenser de soulever d'office un moyen d'ordre public pour que les parties puissent formuler des observations ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'arrêté de délégation habilitant M. E... était trop général ;
- le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que l'arrêté du 20 décembre 2013 aurait dû être signé par le maire ;
- les moyens soulevés par Mme C..., au soutien de sa demande d'annulation, ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2018, Mme B... C..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune appelante la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a annulé, à juste titre, l'arrêté en litige pour incompétence ;
- les moyens soulevés par la commune de Marseille ne sont pas fondés ;
- elle maintient tous ses moyens d'annulation soulevés en première instance, dont l'incompétence de M. E....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pecchioli,
- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
1. Considérant que, par jugement du 8 juin 2016, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté de péril n° 13/610/SPGR du 20 décembre 2013 par lequel le maire de la commune de Marseille a interdit toute occupation et utilisation de l'immeuble sis 9 rue Plan Fourmiguier - 8 rue du Chantier à Marseille (13007) dont est copropriétaire Mme C..., motif pris de l'incompétence de son signataire ; que la commune de Marseille relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, estimant que M. E..., adjoint au maire et signataire de l'arrêté de péril attaqué n° 13/610/SPGR du 20 décembre 2013, était incompétent en raison de l'illégalité de l'arrêté de délégation du 7 avril 2008 qui ne définissait pas avec une précision suffisante le domaine de compétence ainsi délégué, l'ont annulé après avoir précisé que l'annulation se fondait sur ce seul motif ; qu'ils ont ainsi fait application du principe de l'économie de moyens, leur permettant d'annuler la décision en litige sans être tenus d'examiner les autres moyens soulevés ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'omission à statuer sur le moyen tiré de ce que l'arrêté du 20 décembre 2013 aurait dû être signé par le maire doit être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation à des membres du conseil municipal. (...) " ; qu'une délégation consentie sur ce fondement, pour être régulière, doit porter sur des attributions effectives et identifiées de façon suffisamment précise pour permettre d'en apprécier la consistance ;
4. Considérant, d'une part, que la commune de Marseille soutient que le tribunal ne pouvait se dispenser de soulever d'office un moyen d'ordre public afin que les parties puissent formuler des observations ; que, toutefois, le juge n'a l'obligation de relever d'office un moyen d'ordre public que si celui-ci n'a pas été soulevé préalablement par une des parties ; qu'en l'espèce, Mme C... a soulevé ce moyen dans sa demande enregistrée le 18 juin 2014, ayant soutenu que l'arrêté en litige avait été signé par M. E... et non par le maire seul compétent ; qu'il ressort des pièces du dossier que le juge a alors demandé et obtenu la communication de cette délégation le 4 mai 2016 ; que, dans ces conditions et eu égard à la formulation du moyen, laquelle inclut la vérification du degré de précision suffisante de la délégation qui a été accordée, le juge n'était pas tenu de la relever d'office ; que, par suite, le moyen suivant lequel le tribunal ne pouvait se dispenser de soulever d'office un moyen d'ordre public pour que les parties puissent formuler des observations doit être écarté ;
5. Considérant, d'autre part, que suivant arrêté du 7 avril 2008 le maire de la commune de Marseille a donné compétence à M. E... pour se prononcer sur " la gestion des risques " ; que, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le maire, compte tenu du caractère excessivement général de la notion usitée de " gestion des risques " au regard de son acception couramment admise, n'a pas défini avec une précision suffisante l'objet et l'étendue de la compétence ainsi déléguée ; que, par suite, la délégation du 7 avril 2008 est illégale ; que, par voie de conséquence, l'arrêté de péril en litige pris en vertu de cet arrêté portant délégation est entaché d'incompétence et doit être annulé ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
8. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme C..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser une quelconque somme à la commune de Marseille, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Marseille, partie perdante, la somme de 1 000 euros à verser à Mme C... au titre des mêmes frais ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Marseille est rejetée.
Article 2 : La commune de Marseille versera la somme de 1 000 euros à Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Marseille et à Mme B...C....
Délibéré après l'audience du 9 avril 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2018.
2
N° 16MA03116