Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er décembre 2014 et un mémoire enregistré le 2 octobre 2015, M. B..., représenté par la SELARL D...avocats agissant par Me D..., demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du 16 octobre 2014 en tant que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de lui accorder le remboursement de la somme de 70 780 euros correspondant au solde du crédit de taxe sur la valeur ajouté demandé ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa qualité de nouveau redevable de la taxe sur la valeur ajoutée au 25 mars 2012 n'a pas été prise en compte ;
- le délai de deux ans opposé par l'administration est un délai de péremption et non de prescription ;
- en application des dispositions du II de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, l'excédent de taxe déductible qui n'a pu être imputé est reporté jusqu'à épuisement et ne se prescrit pas ;
- la doctrine de l'administration fiscale exprimée par l'instruction 3 D-1981 du 18 février 1981, la doctrine administrative 3 D-1321 du 2 novembre 1996 et la réponse ministérielle du 31 juillet 1995 faite à M. E..., député, sont fixées en ce sens ;
- l'application du délai de péremption aux nouveaux redevables est contraire aux principes d'effectivité et d'équivalence ;
- le délai de péremption ne peut s'appliquer qu'aux assujettis, ce qu'il n'était pas jusqu'au 25 mars 2012.
Par des mémoires en défense enregistrés le 17 mars 2015 et le 15 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête et demande à la Cour, à titre incident, de réformer le jugement du 16 octobre 2014 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a accordé à M. B... le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 21 255 euros et la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à la date d'acquisition des biens en cause, la taxe sur la valeur ajoutée concernant les ventes en l'état futur d'achèvement était exigible à l'acte et non lors du paiement des acomptes relatifs à l'avancement des travaux ;
- la taxe d'un montant total de 92 512 euros dont le droit à déduction est né en décembre 2007 et portée sur la déclaration CA 12 déposée le 30 avril 2012 au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 était atteinte par la prescription en application de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts ;
- à titre subsidiaire, que la taxe soit déductible à la date de l'acte en 2007 ou lors des paiements successifs échelonnés de 2007 à 2011, M. B..., qui a acquis avec son épouse un bien sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement le 28 décembre 2007 sans faire état d'une intention de réaliser une activité professionnelle et n'a réalisé des opérations imposables qu'à compter du 1er mai 2011, n'a déclaré l'existence de son activité professionnelle que le 25 mars 2012 et ne pouvait être regardé comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- à titre incident, les paiements effectués en 2011 par M. B... étaient sans influence sur les droits à déduction du requérant qui étaient prescrits ;
- la méconnaissance de l'obligation de déclaration d'existence était de nature à priver le requérant de faire valoir le droit à déduction de la somme de 21 255 euros.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative à l'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Markarian,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., de la SELARLD..., représentant M. B....
1. Considérant que M. et Mme B... ont acquis le 28 décembre 2007 en l'état futur d'achèvement deux villas constituant deux lots d'un ensemble immobilier situé à l'Isle-sur-la-Sorgue ; qu'après livraison des maisons et de leur mobilier, ils ont signé le 10 février 2011 avec la société Privilège Hôtels et Resorts un bail commercial pour leur exploitation locative ; qu'après avoir déclaré le 25 mars 2012 son activité de loueur en meublé non professionnel, M. B... a adressé au service des entreprises de Cavaillon une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 92 035 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée grevant les acquisitions immobilières et mobilières ; qu'après avoir effectué une vérification de sa comptabilité, l'administration a refusé d'accorder à M. B... le remboursement demandé ; que M. B... a contesté ce refus devant le tribunal administratif de Nîmes qui, par jugement du 16 octobre 2014, a fait droit partiellement à sa demande en lui accordant un remboursement de 21 255 euros au titre de la période correspondant à l'année 2011 ; que M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; que, par la voie du recours incident, le ministre des finances et des comptes publics demande la réformation de ce même jugement en tant qu'il a accordé à M. B... le remboursement de la somme de 21 255 euros et la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur l'appel principal de M. B... :
En ce qui concerne la date à laquelle prend naissance le droit à déduction :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 5, paragraphe 1, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, dont les dispositions ont été reprises au paragraphe 1 de l'article 14 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 : " Est considéré comme " livraison d'un bien " le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire " ; qu'aux termes du 2 de l'article 10 de la même directive du 17 mai 1977, dont les dispositions ont été reprises en substance aux articles 64 et 65 de la directive du 28 novembre 2006 : " Le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment de la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée. Les livraisons de biens autres que celles visées à l'article 5 § 4 b et les prestations de services qui donnent lieu à des décomptes ou à des paiements successifs sont considérés comme effectuées au moment de l'expiration des périodes auxquelles ces décomptes ou paiements se rapportent (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la date d'acquisition du bien en cause : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : (...) c) Pour les mutations à titre onéreux (...) entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257, à la date de l'acte qui constate l'opération ou, à défaut, au moment du transfert de propriété ; (...) 2. La taxe est exigible : a. Pour les livraisons et (...) pour les opérations mentionnées aux b, c, d et e du 1, lors de la réalisation du fait générateur " ;
4. Considérant que, dans le cas d'une vente en l'état futur d'achèvement, la livraison de l'immeuble intervient au fur et à mesure de l'avancement des travaux ; que la taxe devient exigible au moment de l'encaissement par le vendeur des acomptes réclamés pendant la période de construction de l'immeuble ; que, par suite, et ainsi qu'en a jugé le tribunal, il convient de retenir, pour apprécier le droit à déduction de M. B..., les dates des acomptes qu'il a versés avec son épouse, correspondant aux différentes échéances contractuelles et non la date de vente des biens au 28 décembre 2007 ;
En ce qui concerne le droit à déduction correspondant aux paiements intervenus entre le 20 décembre 2007 et le 9 janvier 2009 :
5. Considérant, d'une part, que, comme il a été dit au point précédent, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible ; que, par conséquent, seule la qualité en laquelle un particulier agit à ce moment peut déterminer l'existence d'un droit à déduction ;
6. Considérant, d'autre part, que, pour déterminer si une personne physique ou morale acquiert des biens en tant qu'assujettie, lorsqu'il n'y a pas utilisation immédiate à des activités économiques, il faut se référer à son intention, laquelle est mise en évidence par des éléments de fait comme notamment la nature des biens concernés ou la période écoulée entre acquisition et utilisation professionnelle ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'à la date de chacun des paiements intervenus entre le 20 décembre 2007 et le 9 janvier 2009, l'intention de M. B... de se livrer à des activités économiques ne résulte ni de la nature des biens concernés, qui sont des villas affectées en principe à un usage privé, ni d'aucun élément de fait susceptible de mettre en évidence l'affectation de ces biens à une activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'avenant du 10 février 2011 au bail conclu le même jour par M. B... avec la société Hôtels et Resorts, qui manifeste l'intention du requérant de destiner les biens à la location dans le cadre d'une activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ne saurait, compte-tenu de la période écoulée entre la date à laquelle le droit à déduction a pu naître et l'utilisation professionnelle envisagée, être pris en compte s'agissant des versements effectués entre le 20 décembre 2007 et le 9 janvier 2009 ;
8. Considérant, en second lieu, que la doctrine de l'administration fiscale exprimée par l'instruction 3 D-1981 du 18 février 1981, la doctrine administrative 3 D-1321 du 2 novembre 1996 et la réponse ministérielle du 31 juillet 1995 faite à M. E..., député, ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui dont il est fait ici application ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur l'appel incident du ministre des finances et des comptes publics :
10. Considérant, en premier lieu, que, si l'administration soutient que M. B... n'avait pas la qualité d'assujetti lui permettant d'exercer son droit à déduction dans la mesure où il n'a déclaré l'existence de son activité professionnelle, ainsi que l'exige l'article 286 du code général des impôts, que le 25 mars 2012, l'avenant du 10 février 2011 au bail commercial conclu le même jour par M. B... avec la société Hôtels et Resorts, manifeste l'intention du requérant d'affecter les biens à la location dans le cadre d'une activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée lui ouvrant ainsi droit à l'imputation ou au remboursement de la taxe ayant grevé le coût d'acquisition des biens et de leur mobilier ; que, dans ces conditions, M. B... était fondé à exercer le droit à déduction prenant naissance à la date des versements intervenus le 21 avril et le 6 juin 2011 ;
11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts : " Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission (...) " ;
12. Considérant que, dès lors qu'il convient de retenir, pour apprécier le droit à déduction de M. B..., les dates de versement des acomptes correspondant aux différentes échéances contractuelles et non la date de vente des biens au 28 décembre 2007, ainsi qu'il a été dit au point 4, sa demande de remboursement reçue le 15 mai 2012 par le service n'était pas tardive au regard des dispositions de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, s'agissant de la taxe acquittée sur les acomptes effectués par M. et Mme B... le 21 et le 29 avril 2011 pour le montant de taxe sur la valeur ajoutée de 21 255 euros retenu par le tribunal, contrairement à ce que soutient l'administration ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander la réformation du jugement en tant qu'il a accordé à M. B... le remboursement de la somme de 21 255 euros et la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... et les conclusions incidentes présentées par le ministre chargé du budget sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre des finances et des comptes publics
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré à l'issue de l'audience du 9 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Markarian, premier conseiller.
- M. Sauveplane, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2016.
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N° 14MA04733 2