Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 décembre 2014, M. et Mme C..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 septembre 2014 ;
2°) de leur accorder la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration fiscale a réintégré, à tort, dans les résultats de la SCI de la Roquette des charges justifiées ;
- les dépenses engagées pour l'opération de Châteaurenard concernent des terrains appartenant à la SCI de la Roquette ;
- l'administration n'est pas fondée à remettre en cause l'accord intervenu entre les parties portant sur le bien et sur le prix s'agissant de l'opération d'Eyragues ;
- l'application des pénalités pour manquement délibéré est injustifiée.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2015, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'imposition de la somme de 145 182 euros qui correspond à des travaux en cours non inscrits à l'actif du bilan au titre de l'année 2009 trouve sa base légale dans les dispositions du 2. et du 3. de l'article 38 du code général des impôts en lieu et place des dispositions du 1. de l'article 39 du même code initialement retenues ;
- les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant M. et Mme C....
1. Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la SCI de la Roquette dont Mme C... est associée et gérante, M. et Mme C... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des années 2008 et 2009 ; que M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 30 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009 à la suite de ce contrôle ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les frais et charges non admis en déduction des bénéfices de la SCI de la Roquette :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
3. Considérant, en premier lieu, que la SCI de la Roquette a pris en charge, à concurrence de la somme de 13 200 euros, des loyers relatifs à un local meublé occupé de façon saisonnière et mis à la disposition de sa gérante ; que l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de cette charge au motif qu'elle était dépourvue d'intérêt pour la société ; qu'en se bornant à produire un bail civil de location saisonnière du local, ne comportant aucune stipulation prévoyant l'exercice d'une activité professionnelle, les requérants ne justifient pas de la contrepartie retirée par la société de l'engagement de cette charge, que l'administration fiscale a pu, à bon droit, remettre en cause ;
4. Considérant, en second lieu que l'administration fiscale a réintégré dans les résultats de la SCI de la Roquette des frais de déplacement, de missions et de réceptions pour un montant de 24 631 euros aux motifs qu'ils n'étaient pas justifiés ou engagés dans l'intérêt de l'entreprise ; que, si les requérants soutiennent que les opérations entreprises par la société les ont conduits à faire de nombreux déplacements pour rencontrer les interlocuteurs de projets immobiliers, ils ne justifient pas le caractère professionnel des charges exposées ; que, par suite, l'administration fiscale était fondée à écarter le caractère déductible de ces charges ;
En ce qui concerne les opérations réalisées sur la commune de Châteaurenard :
5. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que, dans la mesure où ces dernières ont eu pour effet de diminuer le bénéfice net de la société en réduisant ses profits ou en augmentant ses charges, il y a lieu de procéder aux réintégrations correspondantes pour la détermination du bénéfice net imposable ; que la cession des biens immeubles à un tiers à un prix notablement inférieur à leur valeur réelle ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage consenti sans contrepartie à l'occasion de cette cession constitue, à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé, un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié, en retour, de contreparties ;
6. Considérant que la SCI de la Roquette et M. et Mme C...ont cédé le 10 décembre 2008 des parcelles contiguës à la commune de Châteaurenard pour un montant total de 1 047 150 euros, la société percevant 57,46 % du prix total et les requérants, les 42,54 % restants ; qu'au titre de l'année 2008, la société, parallèlement à la comptabilisation de la vente, a constaté une charge de 303 376,59 euros correspondant à diverses dépenses de travaux et de frais d'études engagés au fur et à mesure de l'avancement de l'opération immobilière ; que l'administration a relevé que ces dépenses concernaient indistinctement les parcelles appartenant à la société et à M. et Mme C... et a estimé que la prise en charge par la société de la totalité des frais ne relevait pas d'une gestion normale et s'était traduite pour les requérants par un avantage injustifié à hauteur de 42,54 % des charges, pourcentage ramené à 39 % pour tenir compte d'observations de la société ; que, devant la Cour, les requérants soutiennent, comme devant les premiers juges, que les études et demandes de permis de construire ont toujours porté sur la surface constructible appartenant à la société et que les surfaces leur appartenant ne seraient pas concernées du fait de leur caractère non constructible ; que, toutefois, M. et Mme C... ne critiquent pas utilement la clé de répartition des charges retenue par l'administration fiscale sur proposition de la société, faute d'apporter des éléments de preuve suffisants et ne précisent ni ne justifient de quelle contrepartie la société aurait bénéficié en prenant en charge une quote-part des dépenses leur incombant ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale établit que la prise en charge par la société de telles dépenses ne relevait pas d'une gestion commerciale normale et a pu procéder, à bon droit, au rehaussement, à due concurrence, de la base imposable à l'impôt sur le revenu des requérants ;
En ce qui concerne les opérations réalisées sur la commune d'Eyragues :
7. Considérant qu'aux termes du 2. de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " et que le 3. du même article dispose que : " Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. / Les travaux en cours sont évalués au prix de revient " ;
8. Considérant que l'administration fiscale a relevé que la SCI de la Roquette, qui avait acquis à Eyragues le 27 février 2009 un hangar avec piscine et terrain attenant, avait déduit au titre de l'année 2009 des travaux réalisés sur cet ensemble immobilier pour un montant de 146 182,08 euros ; que, dans le dernier état de ses écritures, le ministre chargé du budget demande que, par voie de substitution de base légale, l'imposition, initialement fondée sur les dispositions du 1. de l'article 39 du code général des impôts, soit maintenue sur le fondement des dispositions du 2. et du 3. de l'article 38 du même code aux motifs que la somme de 146 182,08 euros correspond à des travaux en cours et que les dépenses qui ont pour effet d'augmenter l'actif net de l'entreprise ne peuvent être immédiatement admises en déduction du résultat imposable ; qu'il est constant que les dépenses qui ont pour effet d'augmenter la valeur d'un élément de l'actif ne peuvent être comptabilisées en charges et doivent être inscrites dans des comptes d'actif ; qu'il y a lieu, par suite, d'accueillir la substitution de base légale invoquée par le ministre, dès lors qu'elle ne prive les requérants d'aucune des garanties de procédure auxquelles ils ont droit ; que, par conséquent, les requérants, qui ne contestent pas le montant des travaux réalisés par la SCI de la Roquette, ne sont pas fondés à contester ce chef de rehaussement des résultats de la société et le rehaussement consécutif de leur propre imposition ;
Sur l'application des pénalités :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
10. Considérant qu'en relevant que Mme C..., gérante et coassociée de la SCI de la Roquette, ne pouvait ignorer ni l'existence et la nature des nombreuses dépenses engagées à des fins étrangères à l'intérêt de la société ni, en sa qualité de professionnelle de l'immobilier, la prise en charge par la SCI de la Roquette de frais ne lui incombant pas au cours des opérations réalisées sur la commune de Châteaurenard ni la minoration d'actif consécutive aux opérations réalisées sur la commune d'Eyragues, l'administration fiscale doit être regardée, compte tenu du caractère répété des infractions et de leur nature, comme apportant la preuve qui lui incombe des manquements délibérés justifiant l'application de la majoration de 40 % ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Markarian, premier conseiller,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2016.
''
''
''
''
2
N° 14MA04812