Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 décembre 2014 et un mémoire enregistré le 27 juillet 2015, la SCI de la Roquette, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 septembre 2014 ;
2°) à titre principal, d'accorder la décharge demandée ;
3°) à titre subsidiaire, d'accorder le remboursement demandé ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- la cession de l'immeuble situé sur la commune d'Eyragues n'est pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'il s'agit d'un immeuble inachevé assimilé à des terrains à bâtir au sens du A de l'article 1594-0 G du code général des impôts et en vertu de la doctrine de l'administration exprimée par le paragraphe 5 de l'instruction du 24 juin 1999 référencée 8 A-6-99 et par le paragraphe 4 de la documentation administrative de base référencée 8 A-1141 à jour au 5 novembre 2001 ;
- le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière est l'acquéreur ;
- l'estimation de la valeur vénale du bien par l'administration fiscale est entachée d'erreur d'appréciation ;
- une instruction du 7 juin 2004 qui précise les conditions d'application de la notion de valeur vénale pour les opérations entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière, ne permet la substitution par l'administration fiscale d'un prix au prix convenu par les parties qu'en cas de livraisons d'immeubles et dans le but de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale ;
- elle a droit au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 56 587 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2015, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la SCI de la Roquette n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la SCI de la Roquette.
1. Considérant que la SCI de la Roquette relève appel du jugement du 30 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé, à la suite d'une vérification de comptabilité, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 et, à titre subsidiaire, au remboursement, à hauteur de la somme de 56 587 euros, de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière ayant grevé le montant de travaux qu'elle a réalisés ;
Sur l'assujettissement de la société à la taxe sur la valeur ajoutée immobilière :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. / Ces opérations sont imposables même lorsqu'elles revêtent un caractère civil. / 1. Sont notamment visés : / a) Les ventes et les apports en société de terrains à bâtir, des biens assimilés à ces terrains par le A de l'article 1594-0 G ainsi que les indemnités de toute nature perçues par les personnes qui exercent sur ces immeubles un droit de propriété ou de jouissance, ou qui les occupent en droit ou en fait ; / Sont notamment visés par le premier alinéa, les terrains pour lesquels, dans un délai de quatre ans à compter de la date de l'acte qui constate l'opération, l'acquéreur ou le bénéficiaire de l'apport obtient le permis de construire ou commence les travaux nécessaires pour édifier un immeuble ou un groupe d'immeubles ou pour construire de nouveaux locaux en surélévation " ; qu'aux termes de l'article 285 du même code : " Pour les opérations visées au 7° de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est due : (...) / 3° Par l'acquéreur, la société bénéficiaire de l'apport, ou le débiteur de l'indemnité, lorsque la mutation ou l'apport porte sur un immeuble qui, antérieurement à ladite mutation ou audit apport, n'était pas placé dans le champ d'application du 7° de l'article 257 " et qu'aux termes de l'article 1594-0 G du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " Sont exonérées de taxe de publicité foncière ou de droit d'enregistrement : A. I. Lorsqu'elles donnent lieu au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, les acquisitions : 1° De terrains nus ou recouverts de bâtiments destinés à être démolis ; 2° D'immeubles inachevés ; 3° Du droit de surélévation d'immeubles préexistants et d'une fraction du terrain supportant ceux-ci, proportionnelle à la superficie des locaux à construire " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les acquisitions de terrains effectuées par les personnes physiques en vue de construire un immeuble qu'elles affectent à un usage d'habitation ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et que sont notamment concernés les terrains à bâtir et biens assimilés tels que les terrains nus, les bâtiments destinés à être démolis et les immeubles inachevés ; que pour l'application des dispositions de l'article 1594-0 G du code général des impôts, la notion d'immeuble inachevé implique une construction ou une reconstruction interrompue ;
4. Considérant, en premier lieu, que la SCI de la Roquette a acquis le 27 février 2009, pour un montant de 79 000 euros, un hangar avec piscine et terrain attenant situé sur la commune d'Eyragues, qu'elle a revendu le 18 janvier 2010 à sa gérante, Mme B..., et son époux pour un montant de 250 000 euros, ces mêmes biens étant désignés dans l'acte de cession du 18 janvier 2010 comme " deux corps de bâtiment, l'un en cours de transformation et l'autre en cours de construction avec piscine et terrain attenant " ; que la SCI de la Roquette a placé cette opération de vente hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière au motif qu'elle concernait des biens inachevés s'apparentant à une vente de terrain à bâtir et que ces biens avaient été acquis par des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles à usage d'habitation ; qu'il résulte en fait de l'instruction que la répartition de la surface totale de 326,11 m² de l'immeuble telle que figurant dans le permis de construire déposé par la SCI de la Roquette le 20 octobre 2008 et obtenu le 13 février 2009, auquel l'acte de cession du 18 janvier 2010 se réfère, porte pour 87,52 m² sur des locaux d'habitation, pour 92,60 m² sur des locaux à usage de bureaux et pour 145,99 m² sur des ateliers, les locaux à usage d'habitation étant déclarés en tant que logement de fonction destiné à " accueillir la famille créatrice de l'entreprise ", emportant ainsi l'affectation de la surface totale du bien immobilier à un usage à caractère professionnel ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a imposé l'opération à la taxe sur la valeur ajoutée immobilière dès lors qu'elle ne pouvait être regardée comme portant sur des immeubles inachevés ou sur des immeubles acquis par des personnes physiques en vue de la construction d'un immeuble à usage d'habitation ;
5. Considérant, en second lieu, que si la société requérante entend se prévaloir des prévisions du paragraphe n° 4 de la doctrine administrative de base 8 A-1141 du 15 novembre 2001, qui reprend en matière de taxe sur la valeur ajoutée immobilière les prévisions de l'instruction 8 A-6-99 du 24 juin 1999 commentant l'exonération à partir du 22 octobre 1998 des ventes de terrains à bâtir affectés par des personnes physiques à l'habitation et assimilant les immeubles inachevés à des terrains à bâtir, ces doctrines ne remettent pas en cause la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des opérations portant sur des immeubles à construire, comme celle examinée au point précédent ; que, par suite, la situation de la société requérante n'entre pas dans les prévisions des doctrines qu'elle invoque ;
Sur le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 285 du code général des impôts, alors en vigueur : " Pour les opérations visées au 7° de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est due : (...) 2° Par le vendeur (...) pour les mutations à titre onéreux (...) ; / 3° Par l'acquéreur (...) lorsque la mutation (...) porte sur un immeuble qui, antérieurement à ladite mutation (...), n'était pas placé dans le champ d'application du 7° de l'article 257 " ;
7. Considérant qu'il résulte des dispositions du 2° de cet article que l'administration fiscale a retenu à bon droit que la société requérante était, en sa qualité de vendeur du bien immobilier, redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, si la société soutient que l'opération relèverait des dispositions du 3° du même article dans la mesure où l'immeuble, antérieurement à la mutation, aurait été replacé dans le champ d'application des droits d'enregistrement et n'était, par suite, plus placé dans le champ d'application du 7° de l'article 257, elle ne justifie ni avoir procédé à un tel replacement ni avoir procédé à la régularisation de droits d'enregistrement ;
Sur la valeur vénale du bien immobilier :
8. Considérant qu'aux termes du 2. de l'article 266 du code général des impôts : " En ce qui concerne les opérations mentionnées au I de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : (...) b. Pour les mutations à titre onéreux (...) sur : Le prix de la cession (...) augmenté des charges qui s'y ajoutent ; La valeur vénale réelle des biens, établie dans les conditions prévues à l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, si cette valeur vénale est supérieure au prix (...) augmenté des charges " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le bien objet de la cession a été estimé le 30 avril 2009 par notaire à 250 000 euros compte tenu des travaux réalisés, prix retenu le 10 novembre 2009 dans le compromis de vente signé entre la société requérante et M. et Mme B... et lors de la vente finale intervenue le 18 janvier 2010 ; que l'administration fiscale, après avoir relevé au cours des opérations de contrôle de la société, que de nouveaux travaux avaient été réalisés après la signature du compromis pour un montant de 146 182 euros et que la société avait vendu le bien à sa valeur estimée au 30 avril 2009 sans tenir compte de ces nouvelles dépenses, a estimé que la valeur réelle du bien au 18 janvier 2010 était supérieure au prix exprimé dans l'acte de vente et, faute de pouvoir procéder à une évaluation par comparaison avec des biens similaires, a pris en compte la valeur comptable du bien portée au compte de stocks de la société pour un montant de 250 000 euros en y ajoutant les dépenses de travaux à hauteur de 146 182 euros ;
10. Considérant, en premier lieu, que si la société requérante soutient que le prix de cession de 250 000 euros résulterait d'une erreur d'estimation par le notaire de la valeur du bien à la date du compromis de vente, et que le bien qui a été achevé en mai 2011 n'a été estimé à cette date que pour un montant de 400 000 euros, elle ne conteste pas sérieusement le prix de l'immeuble en cause convenu entre les parties à la date du compromis de vente et retenu dans l'acte notarié de vente lui-même en se bornant à produire une attestation de l'ancien propriétaire du terrain et des photos de l'état du bien, sans date certaine ; qu'en outre, la circonstance que la valeur de l'immeuble en mai 2011 serait de 400 000 euros demeure sans incidence sur l'appréciation de la valeur vénale de ce bien en 2009 ; que, par suite, l'administration établit, comme le lui permettent les dispositions du b. du 2. de l'article 266 du code général des impôts, que la valeur vénale du bien doit être fixée à la somme de 396 182 euros pour l'imposition de l'opération en retenant la valeur vénale réelle du bien, établie dans les conditions prévues à l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, dès lors que cette valeur vénale était supérieure au prix de cession ;
11. Considérant, en second lieu, que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir des termes de l'instruction administrative du 7 juin 2004 référencée 8 A-3-04 qui admet que l'administration fiscale ne peut substituer au prix convenu par les parties sa propre détermination de la valeur vénale d'un bien que dans le but de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, dès lors qu'au cas particulier, la détermination de la valeur vénale du bien par l'administration fiscale répond précisément au souci d'éviter l'évasion fiscale, la taxe sur la valeur ajoutée collectée par le vendeur ne pouvant être déduite par les acquéreurs du bien, qui ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient la société, cette instruction ne limite pas aux livraisons d'immeubles la possibilité pour l'administration de substituer au prix convenu par les parties sa propre détermination de la valeur vénale d'un bien ;
Sur les conclusions subsidiaires de la société :
12. Considérant que la société requérante sollicite à titre subsidiaire le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses de travaux réalisés pour un montant de 56 587 euros ; que, faute de produire des éléments justificatifs probants de paiements de ces travaux, elle n'est pas fondée à demander la compensation d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible avec la taxe sur la valeur ajoutée collectée ;
Sur l'application des pénalités :
13. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
14. Considérant que l'administration fiscale, en rappelant que la SCI de la Roquette a minoré le prix de la mutation et volontairement fait application d'un régime fiscal erroné et en ajoutant qu'elle ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnelle de l'immobilier, les conséquences de ses choix de qualification de l'opération, établit, comme il lui incombe de le faire en application de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, les manquements délibérés de la société requérante ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI de la Roquette n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles tendant au remboursement des dépens ne peuvent être que rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI de la Roquette est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI de la Roquette et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Markarian, premier conseiller,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2016.
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N° 14MA04814