Par une requête, enregistrée le 27 février 2015, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 10 octobre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 4 avril 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet à titre principal de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et à titre subsidiaire de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la mesure d'éloignement méconnaît le II de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 7 de l'accord franco-tunisien.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré, présentée par Me B...pour M. C...a été enregistrée le 3 juin 2016.
1. Considérant que M. C..., de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 10 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 avril 2014 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le jugement attaqué, qui vise le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, y a répondu dans son point 6 ; que ce jugement n'est dès lors pas entaché d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité du refus de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de séjour, qui vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'accord franco-tunisien, mentionne l'avis défavorable de la commission du titre de séjour qui a été saisie par le préfet, le mariage récent de l'intéressé avec une ressortissante tunisienne en situation irrégulière, fait état de ses liens en France et en Tunisie, indique que M. C... ne démontre pas ne pas pouvoir poursuivre sa vie en Tunisie ni avoir transféré en France le centre de ses intérêts et que sa situation ne justifie pas une dérogation à titre exceptionnel ou au regard de considérations humanitaires aux conditions d'octroi d'un titre de séjour ; que cette décision est par suite suffisamment motivée ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; que M. C... s'est marié le 2 février 2012 avec une ressortissante tunisienne dont il ne conteste pas qu'elle est en situation irrégulière ; qu'il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales ou privées dans son pays d'origine ni que le couple ne pourrait vivre en Tunisie ; qu'il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, avoir transféré en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, malgré la présence régulière en France de son père arrivé en 1973 et de sa mère entrée dans ce pays en 2003, et malgré les emplois occupés pendant de courtes périodes ; qu'il ne démontre enfin pas être le seul à pouvoir s'occuper de ses parents âgés et malades ; que les stipulations et dispositions précitées n'ont ainsi pas été méconnues ;
5. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que M. C..., qui ne démontre pas par les pièces qu'il a produites tant devant le tribunal administratif que devant la Cour être présent en France de manière habituelle depuis dix ans, ne fait pas état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels qui justifieraient son admission au séjour sur le fondement précité ;
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ; que l'intéressé a été mis à même, pendant la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour, de présenter, s'il l'estimait utile, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu des décisions administratives concernant non seulement son droit au séjour en France, mais aussi son possible éloignement du territoire français ; qu'au surplus, il résulte des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative ne pouvait procéder d'office à l'exécution d'une mesure d'éloignement avant l'expiration du délai prévu par ces dispositions, ni avant que le tribunal administratif éventuellement saisi n'ait statué, ce qui mettait l'intéressé en mesure de faire valoir son point de vue et présenter, le cas échéant, des pièces nouvelles avant que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'ait été susceptible de l'affecter défavorablement par une telle exécution ; qu'ainsi, la procédure suivie par le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté, en tout état de cause, atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que la décision de refus de séjour n'étant pas entachée des illégalités invoquées, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " d) Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : - les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans " ; que l'accord signé à Tunis le 24 avril 2008 est entré en vigueur le 1er juillet 2009 ; qu'il résulte de ces stipulations que les ressortissants tunisiens ne justifiant pas d'une présence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans au 1er juillet 2009 ne sont pas admissibles au bénéfice du d de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien ; que M. C..., qui, en tout état de cause, a déclaré être entré en France en 2000, ne justifiait donc pas, au 1er juillet 2009, d'une résidence de plus de dix ans sur le territoire français ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait méconnu les stipulations du d de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien, ce qui ferait obstacle à son éloignement ;
9. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il convient d'écarter le moyen tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt ;
10. Considérant que le requérant qui n'établit pas remplir les conditions pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire de plein droit au titre des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut dès lors soutenir qu'il ne pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2016, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- M. Laso, président-assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 16 juin 2016.
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N° 15MA00902