Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 mars 2015, le préfet de la Haute-Corse demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 février 2015 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) de rejeter la demande de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'en prenant en considération la circonstance que M. A... avait bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé entre 2008 et 2014 et en s'appuyant sur un certificat médical du 12 novembre 2014 alors même que ce certificat médical ne contredisait pas l'avis du médecin inspecteur de santé publique, les premiers juges ont entaché leur décision " d'une erreur manifeste d'appréciation ".
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Sauveplane.
1. Considérant que M. A..., ressortissant marocain né en 1959, s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade régulièrement renouvelé jusqu'au 26 septembre 2014 ; que, par arrêté du 3 novembre 2014, le préfet de la Haute-Corse a refusé de renouveler ce titre de séjour et a obligé M. A... à quitter le territoire français ; que le préfet de la Haute-Corse relève appel du jugement du 12 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Bastia a accueilli la demande de M. A... et annulé son arrêté du 3 novembre 2014 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ; que selon l'article R. 313-22 du même code : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " et qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) " ;
3. Considérant que, par un avis du 26 septembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé de la Corse a indiqué que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existait un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé pour sa prise en charge médicale ; que le certificat médical du 12 novembre 2014 du médecin traitant de M. A... se borne à indiquer que " ce patient apparaît dépendant de son milieu familial à Ghisonaccia et dépendant de plusieurs intervenants dont des soins infirmiers à domicile biquotidiens " ;
4. Considérant, d'une part, que le traitement médical approprié dans le pays d'origine, sur lequel le médecin inspecteur de santé publique est appelé à se prononcer, comprend l'ensemble des soins nécessaires au traitement du malade et notamment les soins infirmiers ; qu'ainsi, le préfet n'avait pas à se prononcer spécifiquement sur la disponibilité des soins infirmiers au Maroc dès lors que le médecin inspecteur de santé publique avait relevé qu'il existait un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé pour sa prise en charge médicale ; que, précisément, M. A... n'a pas soutenu que de tels soins seraient indisponibles au Maroc et s'est borné à soutenir, devant les premiers juges, que le préfet ne justifiait pas qu'un traitement approprié à son état était disponible au Maroc ; que, d'autre part, la seule circonstance que l'état de santé de M. A... serait " dépendant " de la présence à ses côtés de " son milieu familial " n'est pas de nature à faire regarder l'arrêté du préfet de la Haute-Corse comme entaché d'erreur d'appréciation ; que, par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia, en retenant que M. A... " était dépendant de son milieu familial à Ghisonaccia et d'intervenants dont des soins infirmiers à domicile biquotidiens ", s'est fondé sur l'existence d'une telle erreur pour annuler son arrêté ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Bastia ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ;
7. Considérant que si M. A... est entré pour la première fois en France en 2003, il ne séjourne habituellement en France que depuis 2007 ; que, dès lors, le préfet n'était pas tenu de soumettre pour avis son cas à la commission prévue à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, de même, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser à titre exceptionnel la situation de M. A... dès lors que, ainsi qu'il a été déjà dit au point 4, la seule circonstance que l'état de santé de M. A... serait " dépendant " de la présence de " son milieu familial " est insuffisante à cet égard ;
8. Considérant, en second lieu, que, si M. A... soutient qu'il souffre de troubles psychiatriques graves, qu'il s'est vu reconnaître la qualité d'adulte handicapé et que le préfet ne justifie pas qu'un traitement approprié à son état serait disponible au Maroc, pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 4, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de renouveler le titre de séjour de l'intéressé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Corse est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé son arrêté en date du 3 novembre 2014 ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du préfet de la Haute-Corse tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1401036 du 12 février 2015 du tribunal administratif de Bastia est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Bastia est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du préfet de la Haute-Corse tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Markarian, premier conseiller,
- M. Sauveplane, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 juin 2016.
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N° 15MA00991