Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2014, la société Mascareignes Consulting Ltd, représentée par Me A... et Me B... de la société Fidal, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 mai 2014 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- au cours de la reconstitution de son chiffre d'affaires, le vérificateur a opéré une confusion entre elle-même, la société Mascareignes Consulting Ltd, et la société Masconsulting Ltd, créée en 2007 et dirigée par M. C... ; le contrat conclu avec la société CDR Consortium de Réalisation Ltd l'a été par cette société et non par elle-même ; elle en justifie par la production de factures, de relevés de comptes et de documents financiers de cette société ;
- son activité ne s'est exercée qu'auprès de l'un de ses clients, la société Thema Properties, au cours des exercices clos en 2007 et 2008 ;
- il n'y a pas lieu de retenir les frais fixes retenus par le vérificateur pour 51 320 euros, qui ont été engagés par la société Masconsulting Ltd, mais la somme de 128 100 euros, versée par elle à M. D... au titre de l'année 2008, doit être prise en compte et répartie au titre des charges d'exploitation pour moitié sur chacun des exercices clos en 2007 et 2008 ;
- il y a lieu de retenir aussi un montant proportionnel de charges fixes de 10 % du chiffre d'affaires au titre des frais fixes ;
- les revenus regardés comme distribués à M. D... sont inexistants ou sans commune mesure avec ceux reconstitués ;
- c'est à tort que l'administration fiscale a estimé qu'elle avait exercé une activité occulte en France ; en application de la convention franco-mauricienne, et compte tenu de la nature et de l'ampleur des activités développées, elle ne dispose pas d'un établissement stable en France ;
- son dirigeant disposait d'un domicile en France à Aix-en-Provence où il exerçait son activité à titre principal ; s'il a pu échanger quelques courriers avec elle, il ne peut s'agir que de travaux préparatoires et auxiliaires à son objet ;
- la majoration de 80 % pour activité occulte se trouve dépourvue de tout fondement.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la société Mascareignes Consulting Ltd ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'Île Maurice du 11 décembre 1980 tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune, modifiée par l'avenant du 23 juin 2011 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Paix,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,
- et les observations de Me E... de la société Fidal, pour la société Mascareignes Consulting Ltd.
1. Considérant que la société Mascareignes Consulting Ltd, société de droit mauricien, qui exerce une activité de consultant en implantation hôtelière et immobilière dans l'océan indien, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur un établissement situé en France, regardé par l'administration fiscale comme un établissement stable, au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2009 ; que des redressements lui ont été notifiés par voie de taxation d'office le 30 novembre 2010 ; que la société interjette appel du jugement du 6 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 et des pénalités pour activité occulte qui ont assorti ces impositions ;
Sur les exercices clos en 2008 et 2009 :
2. Considérant que le tribunal administratif de Marseille a rejeté comme irrecevables les conclusions de la société tendant à la décharge d'impositions auxquelles celle-ci aurait été assujettie au titre des années 2008 et 2009, au motif qu'aucune imposition n'avait été établie au titre de ces deux années ; que cette irrecevabilité n'est pas contestée en appel ;
Sur l'exercice clos en 2007 :
En ce qui concerne l'assujettissement en France à l'impôt sur les sociétés de la société Mascareignes Consulting Ltd :
3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur le sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " et qu'aux termes de l'article 5 de la convention franco-mauricienne du 11 décembre 1980 destinée à éviter les doubles impositions : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a) Un siège de direction ; b) Une succursale ; c) Un bureau (...) 6. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu'une personne - autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant auquel s'applique le paragraphe 7 - agit pour le compte d'une entreprise et dispose dans un Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que cette personne exerce pour l'entreprise à moins que les activités de cette personne ne soient limitées à celles qui sont mentionnées au paragraphe 5 et qui, si elles étaient exercées par l'intermédiaire d'une installation fixe d'affaires, ne permettraient pas de considérer cette installation comme un établissement stable selon les dispositions de ce paragraphe (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Mascareignes Consulting Ltd a été créée le 11 septembre 2006 et enregistrée l2 septembre 2006 en vue d'exercer une activité de consultant en implantation hôtelière et immobilière dans l'océan indien ; que le siège social de la société a été fixé avenue des Cardinaux 38 Morc Bismic Ph2, Flic en Flac, à l'Île Maurice ; que le capital social de la société, initialement détenu par M. F..., demeurant à..., domicilié... ; que M. D... est l'unique associé de la société, occupe les fonctions de directeur et représente la société à l'égard des tiers ; qu'il contrôle la trésorerie de la société, en détient les documents confidentiels à son domicile et dispose de deux comptes bancaires à l'Île Maurice sur lesquels il passe des ordres à partir de la France ; que la société Mascareignes Consulting Ltd est donc dirigée par M. D..., qui exerce cette fonction de direction à son domicile et dans les locaux de son activité professionnelle même s'il se rend régulièrement à l'Île Maurice ; que si la société Mascareignes Consulting Ltd soutient que ses opérations immobilières, qui nécessitaient des démarches de négociation et de recherche de terrains et de financements, ne pouvaient se dérouler que sur le lieu d'implantation des ensembles immobiliers, il résulte de l'instruction et notamment des informations communiquées par les autorités mauriciennes dans le cadre de l'assistance administrative, que la société ne disposait pas de locaux ou de matériels humains à l'Île Maurice et qu'elle n'a pas acquitté l'" Income Tax " en vigueur dans cet Etat ; que l'adresse dont la société Mascareignes Consulting Ltd dispose à l'Île Maurice constitue une simple adresse de domiciliation ; que, de plus, il ne résulte pas de l'instruction que, comme le soutient la société Mascareignes Consulting Ltd, les opérations effectuées par M. D... ne constitueraient que de simples opérations préparatoires à la réalisation d'opérations de prospection qui ne pourraient être développées que depuis l'Île Maurice ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le lieu d'exploitation de la société Mascareignes Consulting Ltd, au sens de l'article 209 du code général des impôts, doit être regardé comme se situant en France, à Châteauneuf-le-Rouge ; que la société disposait également en France d'une installation fixe d'affaires, caractérisant un établissement stable au sens de l'article 5 de la convention franco-mauricienne, ce qui justifiait qu'elle soit assujettie à l'impôt sur les sociétés en France ;
En ce qui concerne la charge de la preuve :
5. Considérant que la société Mascareignes Consulting Ltd n'a déclaré aucune activité en France et n'a déposé aucune déclaration au titre de l'impôt sur les sociétés ; que la procédure de taxation d'office prévue par le 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales était donc applicable ; qu'en application des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, la société supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration fiscale ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
6. Considérant, en premier lieu, que pour reconstituer les recettes de la société Mascareignes Consulting Ltd, le service a pris en considération les prestations de services effectuées par la société, dans le cadre de son activité de consultant, avec la société Thema Properties, dont le siège social est à Paris, en vertu d'une convention d'intermédiation du 1er février 2006, et avec la société CDR Consortium de Réalisation Ltd, sise aux Seychelles en vertu d'un contrat d'assistance au management conclu le 11 janvier 2007 ; que la société requérante soutient que, s'agissant du contrat conclu avec la société CDR Consortium de Réalisation Ltd, le vérificateur aurait confondu deux sociétés distinctes, elle-même et la société Masconsulting, représentée par M. C..., dans laquelle M. D... détenait 50 % des parts ; qu'elle indique que la société Masconsulting était en cours d'immatriculation lors de la signature du contrat signé entre la société CDR Consortium de Réalisation Ltd et elle-même, mais, qu'en réalité, c'est la société Masconsulting qui a été cocontractante, elle-même n'assurant que le rôle de sous-traitante pour la faisabilité financière du projet ; que, toutefois, si certaines factures, relatives aux mois d'avril à décembre 2007, mentionnent la société Masconsulting, les factures de janvier 2007 à mars 2007 ont été, quant à elles, établies par la société requérante ; que, de plus il résulte de l'instruction, qu'en réponse à la proposition de rectification du 30 novembre 2010, la société requérante a indiqué que, compte tenu d'un litige l'ayant opposée à la société CRD Consortium de Réalisation Ltd, une transaction avait été finalement conclue au mois de décembre 2009, le montant des sommes dues par la société CDR Consortium de Réalisation Ltd étant finalement fixé à 75 000 euros ; que ces observations ont été prises en compte par l'administration fiscale lors de la réponse qu'elle a adressée aux observations du contribuable le 28 février 2011 ; que, dans ces conditions, la société requérante n'établit nullement qu'elle n'aurait pas perçu les sommes regardées par l'administration fiscale comme provenant de la société CDR Consortium de Réalisation Ltd ; que ses prétentions sur ce point doivent donc être rejetées ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante soutient que, s'agissant des charges d'exploitation, il conviendrait de prendre en compte les sommes versées à titre de rémunération pour un montant de 128 100 euros à son gérant, M. D... ; qu'elle demande que cette somme soit répartie par moitié sur chacun des exercices clos en 2007 et en 2008 ; que, toutefois, ses prétentions ont été admises, comme le rappelle le ministre en défense, les 25 mars et 29 mars 2011, en réponse à son recours hiérarchique du 24 mars 2011 ; que ses conclusions sur ce point sont donc irrecevables ;
8. Considérant, en troisième lieu, que la société Mascareignes Consulting Ltd n'établit pas le surplus des charges fixes dont elle souhaiterait la prise en compte, pour frais de comptabilité et de domiciliation, auprès de la société Lancaster ; que ses conclusions sur ce point ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les revenus regardés comme distribués à M. D... :
9. Considérant que la société Mascareignes Consulting Ltd, qui n'est pas redevable des revenus regardés comme distribués à M. D... et à qui l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts en cas d'absence de révélation de l'identité des bénéficiaires de tels revenus n'a pas été infligée, ne peut utilement les contester dans le présent litige ; que ses conclusions sur ce point ne peuvent être accueillies ; qu'il y a lieu également d'écarter le moyen de la société requérante par lequel elle soutient que la position de l'administration fiscale aboutit à une situation de double imposition ; qu'en effet, la société ne saurait arguer utilement de l'existence d'une double imposition du fait des impositions mises à la charge d'un tiers ;
Sur l'application des majorations pour activité occulte :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) " ;
11. Considérant que, pour l'interprétation de la notion d'activité occulte, il convient de se référer à la définition qui en est donnée à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, comme désignant la situation du contribuable qui n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations prévues par la loi et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ; qu'il incombe à l'administration d'apporter la preuve de l'exercice occulte de l'activité professionnelle ;
12. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit notamment aux points 4 et 5, la société Mascareignes Consulting Ltd n'a procédé à aucune déclaration en France alors qu'elle y disposait d'un établissement stable ; qu'elle ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ; que c'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Marseille a jugé que la preuve de l'exercice d'une activité occulte devait être regardée comme apportée par l'administration fiscale et a rejeté l'argumentation de la société relative à l'application des majorations ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Mascareignes Consulting Ltd est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mascareignes Consulting Ltd et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Paix, président assesseur,
- Mme Markarian, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 février 2016.
''
''
''
''
N° 14MA03214 3