Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 mai 2017 et un mémoire enregistré le 21 juin 2018, l'EURL Agri Prest représentée par Me A...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mars 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les deux procédures de vérification sont irrégulières dès lors qu'elles ont été menées avec une personne non habilitée à représenter la société, privant ainsi la société contribuable de débat oral et contradictoire et, que le vérificateur n'a pas établi de dialogue avec le gérant ;
- s'agissant des deux contrôles, elle a adressé une lettre de contestation des rehaussements et l'administration fiscale n'y a pas répondu s'abstenant d'une réponse motivée ;
- l'absence de réponse de l'administration aux observations du contribuable a privé ce dernier de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- ce défaut de réponse du service équivaut en outre à une acceptation des observations du contribuable emportant abandon des impositions contestées ;
- la doctrine administrative admet que les observations du contribuable puissent consister en un refus pur et simple auquel l'administration devra répondre (BOI-CF-IOR-10-50 n° 360, 4-2-2015 ; instruction 13-L-1514 n° 29 du 1er juillet 2002) ou comporter une argumentation à laquelle l'administration devra répondre ;
- l'administration a obtenu des documents bancaires de façon illicite pour fonder les impositions en litige, se rendant coupable de délit de recel.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2017 et un mémoire enregistré le 11 juillet 2018, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.
Une note en délibéré présentée pour la société requérante a été enregistrée le 18 mai 2019.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Agri Prest ayant pour associé unique M.B..., exerce une activité de prestations de services et travaux agricoles. A l'issue des deux vérifications de comptabilité dont elle a fait l'objet, des rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2010 au 30 avril 2012 lui ont été notifiés selon la procédure de rectification contradictoire. L'EURL Agri Prest relève appel du jugement n°1501727 du 23 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que les pénalités correspondantes, auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 avril 2012.
Sur le débat oral et contradictoire :
En ce qui concerne la première vérification de comptabilité du 4 juillet 2012 au 10 décembre 2012 :
2. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...)". Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites, sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.
3. Il résulte de l'instruction que neuf interventions ont eu lieu au siège de la société, dont un entretien de synthèse, les 4 juillet, 11 juillet, 17 juillet, 12 septembre, 14 septembre, 21 septembre, 28 septembre, 4 décembre et 10 décembre 2012 et que M.B..., associé unique, qui n'a pas souhaité assister aux visites du vérificateur, malgré plusieurs reports et occasions offerts par l'administration fiscale, était présent à la réunion de synthèse au cours de laquelle l'intéressé a été informé des constations faites et des conséquences fiscales envisagées ainsi que des infractions comptables et fiscales résultant de la dissimulation de recettes, de l'établissement de fausses factures et de la détention par l'EURL Agri Prest de compte financier dans un établissement bancaire du Luxembourg. Dans ces conditions, la société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que le vérificateur se serait refusé à un débat oral et contradictoire. Le moyen doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne la seconde vérification de comptabilité du 20 mars 2013 au 26 juin 2013 :
4. Il résulte de l'instruction que par avis de vérification du 18 février 2013, l'administration fiscale a entendu examiner sur place les conséquences de la réponse des autorités fiscales luxembourgeoises intervenue le 14 janvier 2013 à une demande d'assistance administrative internationale formulée le 7 novembre 2012 durant le premier contrôle et a porté une nouvelle fois le contrôle sur les déclarations fiscales de la période du 1er janvier 2010 au 30 avril 2012. Cette deuxième vérification de comptabilité a donné lieu à quatre interventions du vérificateur les 20 et 25 mars, 14 juin et 28 juin 2013, dont M. B...a été dûment informé, en la seule présence de la personne mandatée pour mettre à disposition du service les documents comptables et pièces justificatives prévues dans le cadre de la vérification de comptabilité alors qu'il est constant que M. B...a été invité vainement par courriers des 31 mai, 17 juin et 1er juillet 2013 à rencontrer le vérificateur lors de ces interventions dans les locaux de l'entreprise et n'a consenti qu'à un entretien téléphonique le 11 juillet 2013. Dans ces conditions, la société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que le vérificateur se serait refusé à un débat oral et contradictoire. Le moyen doit, par suite, être écarté.
Sur l'absence d'une personne habilitée à représenter la société durant la procédure de vérification de comptabilité :
5. Il appartient aux représentants de l'entreprise vérifiée de désigner la personne habilitée à la représenter lors des opérations de contrôle, qui sera tenue, comme le prévoit l'article 54 du code général des impôts : " de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration ".
6. La société requérante soutient qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur dès lors que ce dernier a eu pour interlocuteur, au cours des opérations de contrôle, une employée dont le mandat spécifique ne l'habilitait pas à représenter la société puisqu'il était limité à " la mise à disposition des documents comptables et pièces justificatives prévues dans le cadre de la procédure de vérification de comptabilité ". Toutefois il ne résulte pas de l'instruction que le vérificateur a regardé cette personne comme habilitée à dialoguer avec elle et que ladite personne, unique interlocutrice de ce dernier, ait outrepassé les termes dudit mandat. Par suite, alors que les absences du représentant de l'EURL Agri Prest durant l'ensemble desdites interventions des deux vérifications de comptabilité lui sont imputables, la société requérante ne peut soutenir avoir été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur dès lors que la vérification s'est déroulée au siège de l'entreprise et qu'elle ne démontre pas que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues.
Sur l'absence de réponse motivée aux observations du contribuable et l'absence de possibilité de saisir la commission départementale des impôts :
En ce qui concerne le respect des garanties consécutives à la notification de la proposition de rectification du 20 décembre 2012 :
7. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". L'exigence de motivation qui s'impose à l'administration dans ses relations avec le contribuable vérifié en application du dernier alinéa de cet article s'apprécie au regard de l'argumentation de celui-ci. En tout état de cause, l'administration n'est tenue de motiver sa réponse aux observations du contribuable que sur les éléments relatifs au bien-fondé des impositions qui lui ont été notifiées. Ainsi, lorsque le contribuable vérifié ne présente pas d'observations concernant un redressement ou que ses observations ne permettent pas d'en critiquer utilement le bien-fondé, dès lors qu'elles se bornent à contester la régularité de la procédure d'imposition, l'absence de réponse de l'administration sur ce point ne le prive pas de la garantie instaurée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Ce défaut de réponse n'est enfin susceptible de priver le contribuable de la garantie découlant de la possibilité, en cas de persistance du désaccord, de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en application de l'article L. 59 du même livre, que lorsque les redressements en cause relèvent de la compétence de cette commission.
8. Il résulte de l'instruction qu'en réponse à la proposition de rectification en date du 20 décembre 2012, la société appelante a adressé un courrier en date du 19 janvier 2013, réceptionné par l'administration fiscale le 22 janvier 2013, ainsi que l'atteste le volet recommandé avec accusé de réception n° 1A 079 288 6062 4 ainsi que le tampon du service à la même date sur ledit courrier. Par ce courrier, la société requérante a pris acte de la réception de la proposition de rectification n° 3924 " en date du 20 novembre 2012 " par signification par voie d'huissier et a sollicité une rencontre avec le supérieur hiérarchique du vérificateur et demande des précisions sur les modalités de rencontre dudit interlocuteur hiérarchique. Par lettre n° 751 du 29 janvier 2013, l'administration fiscale a apporté ces précisions et relève que " vous n'avez exprimé aucun désaccord sur les rectifications proposées ". Par suite, eu égard aux termes dudit courrier qui ne peut être regardé comme l'expression d'un désaccord du contribuable sur les redressements qui lui sont notifiés et ne comportait pas des observations au sens des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale n'était pas tenue de répondre à la société requérante. Par conséquent, l'EURL Agri Prest doit être regardée comme ayant accepté les redressements et ne peut, par suite, utilement se prévaloir de la méconnaissance des prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ni de l'absence de saisine de la commission départementale des impôts.
9. La société requérante soutient cependant qu'elle a adressé une lettre de contestation des rehaussements en cause en date du 19 janvier 2013, réceptionnée par l'administration fiscale le 22 janvier 2013 dans laquelle, outre des moyens de contestation de la procédure de contrôle, elle critique les motifs de rejet de la comptabilité et le bien-fondé des pénalités appliquées. Toutefois, alors que l'administration fiscale conteste avoir reçu ce second courrier, en produisant pour la première fois en appel ledit courrier non signé et ne comportant pas de numéro d'envoi de lettre recommandée, l'EURL Agri Prest n'établit pas de façon suffisamment probante que le volet recommandé avec avis de réception n° 1A 079 288 6062 4 en date du 22 janvier 2013, concernait également ce courrier d'observations non plus qu'elle n'établit ni même n'allègue que le pli contenant la lettre du 19 janvier 2013 d'acceptation tacite des redressements contenait également cette lettre de contestation datée du même jour. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'absence de réponse de l'administration fiscale à ce courrier dont la preuve de notification n'est pas apportée, l'a privé de la garantie instaurée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Pour les mêmes motifs, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie découlant de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en application de l'article L. 59 du même livre.
En ce qui concerne le respect des garanties consécutives à la notification de la proposition de rectification du 22 juillet 2013 :
10. Il résulte de l'instruction qu'en réponse à la proposition de rectification n° 3924 du 22 juillet 2013 qui lui a été notifiée, l'EURL Agri Prest a adressé à l'administration fiscale trois lettres en date du 22 août 2013, réceptionnée par le service le 26 août 2013 dans laquelle elle déclarait refuser la totalité des redressements notifiés, [réfutait] les arguments concernant les majorations contenus dans la lettre n° 3924 du 22 juillet 2013, demandait la prorogation du délai de trente jours imparti pour présenter ses observations et la communication intégrale des textes cités dans ladite proposition de rectification ne figurant pas aux pages 48 et 49. Par lettre du 6 septembre 2013, l'administration fiscale a accordé la prorogation du délai de trente jours, rappelle que chaque chef de redressement a été mentionné de manière distincte dans la proposition de rectification du 22 juillet 2013, refuse de fournir les textes réclamés par la société requérante ayant fondé la proposition de rectification et enfin, relève que le refus des pénalités n'est appuyé d'aucun élément et en prend note. La société requérante n'a adressé à l'administration fiscale aucun autre courrier en réponse à la proposition de rectification dans le délai prorogé. Par suite, la société requérante s'étant limitée à contester l'ensemble des redressements sans assortir cette contestation sommaire et globale de précision en fait ou en droit sur les chefs de rectification en litige, l'administration fiscale n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en se bornant à prendre note de cette contestation et a suffisamment motivé sa réponse aux observations du contribuable. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence de garantie découlant de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en application de l'article L. 59 du même livre doit être écarté comme inopérant.
11. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) " .
12. Si la société requérante se prévaut des prévisions de la doctrine mentionnée dans la documentation 13-L-1514 n° 29 du 1er juillet 2002 et la documentation BOI-CF-IOR-10-50 n° 360, du 4 février 2015, relative à la procédure de rectification et aux conditions de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, celle-ci, qui porte sur la procédure d'imposition, ne constitue pas une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
Sur l'utilisation de renseignements et documents obtenus de tiers :
13. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Cette obligation d'information sur l'origine des renseignements ne s'étend pas aux informations nécessairement détenues par les différents services de l'administration fiscale en application de dispositions législatives ou réglementaires. Lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés.
14. Il résulte de l'instruction que l'EURL Agri Prest a été informée de l'envoi d'une demande d'assistance administrative internationale formulée le 7 novembre 2012 auprès des autorités fiscales luxembourgeoises et de la réponse à cette demande reçue le 29 janvier 2013, à l'origine de la seconde procédure de vérification de comptabilité et des redressements subséquents. Si la société requérante soutient que l'administration fiscale a obtenu des documents bancaires de façon illicite, par voie de délation, pour fonder les impositions en litige, se rendant coupable de délit de recel, la circonstance, à la supposer établie que le déclenchement de la demande d'assistance administrative internationale ait eu pour origine un renseignement de son ex-compagne, est sans incidence sur le respect par l'administration fiscale de la garantie offerte au contribuable d'être informé par l'administration de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication.
15. Il résulte de ce qui précède que l'EURL Agri Prest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'EURL Agri Prest est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Agri Prest et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2019, où siégeaient :
- Mme Mosser, présidente,
- Mme Paix, présidente assesseure,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2019.
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N° 17MA02040