Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2016, M. B..., représenté par Me Summerfield, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 février 2016 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 février 2016 du préfet des Pyrénées-Orientales ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de réexaminer sa demande de titre de séjour pour raisons de santé et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision n'a pas été régulièrement notifiée ;
- son épouse a déposé une demande de titre de séjour pour raisons de santé que le préfet n'a pas examinée alors qu'elle constitue un élément nouveau que le préfet devait prendre en compte ;
- la décision est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- son épouse ne peut pas recevoir de prise en charge médicale appropriée en Albanie ;
- son épouse et lui-même étaient assignés à résidence pour une durée de six mois, ce qui vaut autorisation provisoire de séjour, de sorte que le préfet ne pouvait assortir l'obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire d'une assignation à résidence de quarante-cinq jours ;
- le préfet devait abroger explicitement la précédente mesure d'assignation à résidence ;
- la décision fixant l'Albanie comme pays de renvoi doit être annulée dès lors que son épouse et lui-même ne pourront faire l'objet d'une protection efficace de la part de l'Etat albanais contre la tradition dite du " kanun ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2016, le préfet conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Sauveplane.
1. Considérant que M. B..., ressortissant albanais né en 1974, est entré irrégulièrement en France en mars 2013, accompagné de son épouse et de leurs trois enfants pour solliciter le bénéfice de l'asile ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande par une décision du 31 juillet 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 28 janvier 2015 ; que, par arrêté du 16 février 2015, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ; que, par jugement du 16 juin 2015, confirmé par un arrêt de la Cour du 15 septembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté ; que, par un nouvel arrêté du 3 février 2016, le préfet des Pyrénées-Orientales a obligé M. B... à quitter le territoire français sans délai à destination de l'Albanie et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ; que M. B... relève appel du jugement du 8 février 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 3 février 2016 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;
3. Considérant que le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile interdit de prendre une mesure d'obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays d'origine ; qu'il est, par ailleurs, précisé à l'article R. 511-1 du même code, que cet état de santé est constaté dans les mêmes conditions que celles prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22 ; que cet article renvoie à un avis émis par le médecin inspecteur de santé publique rendu au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressée ; qu'il résulte d'une lecture combinée de ces dispositions que, même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour fondée sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'administration qui dispose d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 doit saisir préalablement à sa décision le médecin inspecteur de la santé publique pour avis dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22 du même code ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par deux courriels du 26 août 2015 et du 30 novembre 2015, l'association la Cimade du département des Pyrénées-Orientales a saisi le préfet d'une demande de rendez-vous pour le compte de M. B... en arguant de l'état de santé de l'épouse de l'intéressé et en faisant valoir que le compte-rendu du médecin traitant avait été envoyé au médecin inspecteur de l'agence régionale de santé ; que le préfet ne conteste pas avoir été destinataire de cette information suffisamment précise et circonstanciée devant nécessairement conduire l'autorité administrative à réexaminer la situation de M. B... avant de procéder effectivement à la prise d'une nouvelle décision d'éloignement à destination de l'Albanie, notamment en procédant à la saisine du médecin de l'agence régionale de santé pour avis au sujet de l'état de santé de son épouse ; qu'il résulte au contraire de la motivation de l'arrêté 3 février 2016 que le préfet mentionne que " depuis la notification de la précédente mesure portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, l'intéressé ne fait valoir aucun nouvel élément de fait ou de droit susceptible de constituer un cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou un motif exceptionnel ou humanitaire permettant de justifier une admission exceptionnelle au séjour " et " qu'il ne saurait de ce fait se prévaloir des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux protections contre les mesures d'éloignement " ; que cette appréciation est ainsi entachée d'une erreur de fait, qui a exercé une influence sur le sens de la décision ; que, dès lors, M. B..., dont la situation administrative est solidairement liée à celle de son épouse et de ses enfants, est fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français par l'arrêté contesté du 3 février 2016 ; qu'il est également fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision du même jour l'assignant à résidence sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Pyrénées-Orientales réexamine la situation de M. B... ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à un tel réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Summerfield, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Summerfield de la somme de 800 euros ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 8 février 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 3 février 2016 du préfet des Pyrénées-Orientales sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de réexaminer dans un délai de deux mois la situation administrative de M. B....
Article 3 : L'Etat versera à Me Summerfield la somme de 800 euros en application combinée de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de sa mission d'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Summerfield et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Sauveplane, premier conseiller.
Lu en audience publique le 29 décembre 2016.
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N° 16MA01005