Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 avril 2016, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Montpellier du 3 mars 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 14 octobre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir et, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C... en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce dernier renonçant dans ce cas à percevoir l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ne pouvait pas rejeter sa demande par ordonnance ;
- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code précité ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation avant de prendre cette décision ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le délai de départ est insuffisamment motivée ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée en fixant un délai de départ volontaire de trente jours.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Ouillon.
1. Considérant que M. B..., ressortissant turc né en 1984, relève appel de l'ordonnance du 3 mars 2015 par laquelle le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : / (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) " ;
3. Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier, M. B... a notamment invoqué à l'encontre de la décision contestée les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ces moyens, qui étaient assortis de faits susceptibles de venir à leur soutien, tels que sa présence habituelle en France avec son épouse et ses enfants depuis plusieurs années, et n'étaient pas dépourvus des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé, n'étaient ni inopérants ni irrecevables ; que les termes dans lesquels ils étaient exprimés, qui permettaient d'en saisir le sens et la portée, les rendaient suffisamment intelligibles pour que le juge exerçât son office en appréciant leur bien-fondé au regard des pièces produites ; que, dès lors, ainsi que le soutient à juste titre M. B..., sa demande n'entrait pas dans le champ d'application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et relevait de la seule compétence du tribunal administratif statuant en formation collégiale ; qu'il suit de là que l'ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Montpellier du 3 mars 2015 est entachée d'irrégularité et doit être annulée pour ce motif ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) " et qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi, alors en vigueur : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que la décision contestée vise, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision fait mention également d'éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. B... et notamment de ce qu'il est père de deux enfants ; qu'ainsi, cette décision comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée alors même qu'elle ne vise pas la circulaire du ministérielle du 28 novembre 2012 ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et particulièrement des mentions de la décision contestée, qui rappelle notamment la situation familiale de l'intéressé, que le préfet de l'Hérault a procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ; que le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. B... doit, dès lors, être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que M. B... soutient qu'il réside en France depuis le 2 juillet 2010, que sa femme l'y a rejoint, que deux de ses soeurs et son frère ainsi que des membres de sa belle-famille séjournent régulièrement sur le territoire national, qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche et a exercé des emplois dans le secteur du bâtiment et que son fils est scolarisé ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. B..., également de nationalité turque, séjourne irrégulièrement en France et fait l'objet d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; que l'intéressé ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'il reconstitue sa cellule familiale hors de France et notamment en Turquie alors qu'il ne démontre pas une insertion particulière dans la société française et a déjà fait l'objet d'une décision de refus de séjour le 15 avril 2013 ; que, par suite, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés et ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de ce qui précède que, dès lors que M. B... ne remplissait pas les conditions lui permettant de bénéficier de plein droit de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
10. Considérant que, pour les motifs évoqués au point 8, le préfet a pu, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimer que les circonstances dont le requérant faisait état devant lui ne justifiaient pas qu'une carte de séjour temporaire lui soit délivrée au titre de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels ;
11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
12. Considérant que s'il se prévaut de la présence en France de ses deux enfants, M. B... est en situation irrégulière en France et ne fait état, ainsi qu'il a été dit précédemment, d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue hors de France, et notamment en Turquie ; que, par ailleurs, la décision de refus de séjour contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants du requérant de leurs parents ou de l'un de leurs parents ; que, par suite, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...). " ;
14. Considérant que le préfet de l'Hérault a, par un même arrêté, refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressé et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à M. B..., n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour qui, en l'espèce, est suffisamment motivée comme il a été indiqué au point 5 ;
15. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault a procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement ; que le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. B... doit, dès lors, être écarté ;
16. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce rappelées au point 8, la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
17. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ;
18. Considérant que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français correspond au délai de droit commun susceptible d'être accordé en application du II de l'article L. 511-1 du code précité ; que, dans ces conditions, la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire accordé à M. B... n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, dès lors notamment qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait expressément demandé au préfet à bénéficier d'une prolongation de ce délai ; qu'au demeurant, l'arrêté du préfet de l'Hérault, support de la décision contestée, qui mentionne des éléments de fait propres à la situation de M. B..., précise, dans son article 2, que ce dernier est obligé de " quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification " de l'arrêté et que sa situation personnelle ne justifiait pas " l'octroi d'un délai supérieur, à titre exceptionnel " ; que la motivation de cette décision, qui se réfère aux éléments d'appréciation de la situation de M. B... qui sont relevés dans les motifs de l'arrêté en cause, est suffisante et permet d'établir que le préfet ne s'est pas estimé en situation de compétence liée pour déterminer ce délai ; que, par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur de droit qui entacheraient la décision du préfet doivent être écartés ;
19. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2014 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 1405939 du 3 mars 2015 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2016, où siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Ouillon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 décembre 2016.
N° 16MA01609 7