Procédure devant la Cour :
I - Par une requête, enregistrée le 23 avril 2021, sous le n° 21MA01628, et un mémoire présenté le 20 août 2021, M. C..., représenté par Me Carmier, dans le dernier état de ses écritures, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 février 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et subsidiairement, de réexaminer sa situation ;
4°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 1 500 euros à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- sa demande devant le tribunal administratif et sa requête devant la présente Cour sont recevables ;
- l'auteur de l'arrêté est incompétent ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6 5°) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la décision d'éloignement doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- la décision d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de cette convention ;
- l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant est méconnu ;
- la décision fixant le pays d'éloignement doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de la décision d'éloignement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
La demande d'aide juridictionnelle de M. C... a été définitivement rejetée par une décision du 18 octobre 2021.
II - Par une requête, enregistrée le 10 juin 2021, sous le n° 21MA02270,
M. C..., représenté par Me Carmier, demande à la Cour :
1°) de suspendre à l'exécution du jugement du 8 février 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de condamner l'Etat au versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'exécution de ce jugement entraînerait sur sa situation des conséquences difficilement réparables ;
- un doute sérieux existe sur la légalité de l'arrêté attaqué au regard des mêmes moyens que ceux soulevés dans la requête n° 21MA01628.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco- algérien du 27 décembre 1968 modifié entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a décidé de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Ury.
Considérant ce qui suit :
Sur la jonction :
1. Par les deux requêtes susvisées n° 21MA01628 et n° 21MA02270, M. C..., ressortissant algérien, né le 2 août 1986, sollicite l'annulation et le sursis à exécution du jugement du 8 février 2021 du tribunal administratif de Marseille, qui a rejeté sa requête dirigée contre l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et la même décision administrative, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la requête n° 21MA01628 :
2. En premier lieu, le signataire de la décision en litige, M. A..., bénéficie en sa qualité de chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile de la préfecture des Bouches-du-Rhône, d'une délégation à l'effet de signer notamment les refus de séjour, les obligations de quitter le territoire, les décisions relatives au délai de départ volontaire et les décisions fixant le pays de destination, en vertu d'un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 février 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture
n° 13-2020-065 du même jour. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien :
" Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ", et aux termes de l'article 4 du même accord : " (...) / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1- Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance. ".
4. M. C... fait valoir que son épouse ne répond pas aux conditions posées par l'article 4 de l'accord franco-algérien, contrairement à ce que lui oppose le préfet des Bouches-du-Rhône, lequel renvoie à la mise en œuvre d'une procédure de regroupement familial au profit de son mari, car, il indique qu'elle ne justifie pas d'un montant égal ou supérieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance sur les 12 derniers mois précédant la demande. Cependant, il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de l'arrêté attaqué, l'épouse du requérant est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en qualité de vendeuse depuis le mois d'août 2018, et qu'elle perçoit une rémunération correspondante au salaire minimum interprofessionnel de croissance. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que son épouse n'est pas susceptible de percevoir une rémunération au moins égale ou supérieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance. La circonstance postérieure à l'arrêté en litige, que celle-ci ait décidé de ne plus travailler en raison de la naissance de leur second enfant est sans incidence sur la légalité de la décision à la date à laquelle elle a été prise. Dans ces conditions, l'épouse de M. C... qui réside sur le territoire français au moyen d'un certificat de résidence valable jusqu'en février 2028, peut solliciter le bénéfice du regroupement familial pour son mari. En outre, le requérant ne soutient ni même allègue que son épouse aurait fait une demande de regroupement familial qui aurait été refusée. Ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, M. C... entre dans l'une des catégories ouvrant droit au regroupement familial. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord précité ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... déclare être entré en France le 30 janvier 2013 et s'y maintenir depuis. Il s'est marié le 30 juin 2018 avec une compatriote et le couple a eu, à la date de l'arrêté attaqué, une fille née le 11 décembre 2019, à Marseille, les époux étant également parent d'un fils, né postérieurement à la date de l'arrêté attaqué. Ainsi, il estime avoir transféré en France le centre de sa vie privée et familiale. Cependant, le droit à mener une vie privée et familiale ne saurait s'interpréter comme comportant pour un État contractant l'obligation générale de respecter le choix par des couples mariés de leur domicile commun sur son territoire. S'il prouve sa présence continue en France depuis l'année 2016, le requérant ne démontre aucune insertion socio-professionnelle sur le territoire français depuis son arrivée, et il ne justifie que de deux années de communauté de vie avec son épouse à la date de l'acte contesté, sans établir que sa belle-mère et ses beaux-frères sont également présents sur le territoire français. Dans ces conditions, l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale en France de M. C... une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Dès lors, contrairement à ce que soutient l'appelant, le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées au point 5 ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour.
7. En quatrième lieu, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour opposée à
M. C... n'est pas établie ainsi qu'il vient d'être dit. Dès lors, le moyen invoqué par voie d'exception et tiré de cette illégalité à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
8. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement attaquée méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6.
9. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
10. Le requérant soutient que la décision en litige est susceptible de le séparer de ses enfants qui resteraient en France avec son épouse. Toutefois, cette séparation, le temps de l'instruction de la procédure de regroupement familial, ne présente qu'un caractère provisoire et ne fait pas obstacle à ce que son épouse et ses enfants lui rendent visite en Algérie au cours de cette période. Par ailleurs, l'intéressé n'établit pas, par ses seules affirmations, l'existence d'un obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie ni à la poursuite, le cas échéant, de la scolarité de ses enfants dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision en litige méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit donc être écarté.
11. En septième lieu, au regard de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays d'éloignement est entachée d'illégalité en raison de l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de première instance.
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent ainsi être rejetées.
Sur la requête n° 21MA02270 :
14. Dès lors que le présent arrêt statue sur la requête tendant à l'annulation du jugement et de la décision attaquée, les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille sont devenues sans objet. Par suite, il n'y pas lieu d'y statuer.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par
M. C....
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis de la requête
n° 21MA02270 de M. C....
Article 2 : Le surplus de la requête n° 21MA02270 et la requête n° 21MA01628 de
M. C... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Carmier et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2022.
N° 21MA01628, 21MA022702