2°) de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er novembre 2013 au 30 juin 2015, et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros hors taxe en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la vérification de comptabilité ne présente pas un caractère contradictoire, les pièces comptables sur lesquelles l'administration s'est fondée ayant été saisies dans le cadre d'une procédure pénale et ne pouvant lui être restituées ;
- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales est méconnu, l'administration n'ayant pas indiqué l'origine et la teneur des renseignements obtenus de tiers ;
- toutes les ventes de véhicules ont été enregistrées ;
- les informations contenues dans les cahiers manuscrits ont été mal interprétées ;
- c'est à tort que l'administration a considéré que le prix d'achat de certains véhicules était minoré ;
- les sommes en espèces saisies, qui proviennent de plusieurs sources et non pas exclusivement du produit des ventes et sont destinées à l'achat de nouveaux véhicules, n'ont pas été distribuées ;
- les revenus n'ayant pas été distribués, la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts doit être abandonnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Auto Pic 34 ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 10 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 10 décembre 2018.
Un mémoire présenté par Me C... pour la SARL Auto Pic 34 a été enregistré le 13 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Auto Pic 34, qui exerce l'activité de vente de véhicules automobiles d'occasion à compter du mois de novembre 2013, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et en 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er novembre 2013 au 30 juin 2015 lui ont été réclamés. Elle fait appel du jugement du 5 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations et rappels, et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité du jugement :
2. La SARL Auto Pic 34 soutient que les premiers juges auraient commis une erreur de droit en lui opposant les dispositions de l'article 97 du code de procédure pénale. Ainsi, elle a entendu critiquer la régularité de la procédure d'imposition et donc le bien-fondé du jugement attaqué et non sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, dès lors que l'administration fiscale a exercé son droit de communication avant la vérification de comptabilité, qui a débuté par la première intervention sur place du vérificateur, une société ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales pour soutenir que, n'ayant pu discuter les documents comptables obtenus par l'administration dans l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, elle a été privée, au cours de la vérification de comptabilité, d'un débat oral et contradictoire sur les pièces ayant fondé les redressements, en méconnaissance des dispositions de cet article.
4. En l'espèce, la première intervention sur place du vérificateur a eu lieu le 10 septembre 2015 au siège social de la SARL Auto Pic 34 et ensuite, à la demande de celle-ci, au cabinet de l'expert comptable. Il résulte de l'instruction que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier a autorisé le 15 avril 2015, en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale à consulter et à prendre copie des pièces de la procédure ouverte contre M. et Mme B... et qu'ainsi, l'administration a eu connaissance des informations transmises par l'autorité judiciaire avant le début de la vérification de comptabilité. Par suite, la société requérante ne peut utilement soutenir que, n'ayant pu discuter de telles informations, elle aurait été privée d'un débat oral et contradictoire.
5. En second lieu, l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose que : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". L'obligation faite par ces dispositions à l'administration de tenir à la disposition du contribuable qui les demande ou de lui communiquer, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements ne peut porter que sur des documents effectivement détenus par les services fiscaux. Dans l'hypothèse où les documents que le contribuable demande à examiner sont détenus non par l'administration fiscale, qui les a seulement consultés dans l'exercice de son droit de communication, mais par l'autorité judiciaire, il appartient à l'administration fiscale d'en informer l'intéressé afin de le mettre en mesure, s'il s'y croit fondé, d'en demander communication à cette autorité et, en tout état de cause, de porter à sa connaissance l'ensemble des renseignements fondant l'imposition que cette autorité lui avait permis de recueillir.
6. Il ressort de la réponse du 4 mars 2016 aux observations du contribuable à la suite de la proposition de rectification du 15 décembre 2015 que l'administration a communiqué à la SARL Auto Pic 34 copies des procès-verbaux d'enquêtes ainsi que les tableaux recensant les diverses opérations occultant une partie des recettes et a indiqué qu'elle ne pouvait communiquer les cahiers sur lesquels M. et Mme B... consignaient la double comptabilité qu'ils tenaient en raison du placement de ces documents sous scellé " au parquet de Montpellier ". La requérante ne justifie pas de diligences opérées vainement auprès de l'autorité judiciaire pour obtenir copie de ces cahiers. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration fiscale se serait fondée sur ces documents et pas seulement sur les tableaux récapitulatifs des opérations occultes qui en procèdent et qui ont été portés à la connaissance de la société requérante. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précédemment citées doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
7. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) ". Le 1° du I de l'article 297 A du code général des impôts dispose que : " La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facture la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) ".
8. Pour corriger les insuffisances de déclarations révélées par l'instance pénale à l'issue de laquelle M. et Mme B... ont été condamnés notamment pour blanchiment de fraude fiscale par arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 15 novembre 2016 confirmant sur ce point le jugement du 29 juin 2015, l'administration fiscale a rapproché les informations issues de la comptabilité de cette société avec celles recueillies dans le cadre de procédure pénale, en particulier dans les cahiers contenant la comptabilité occulte. Elle a relevé que la SARL Auto Pic 34 avait vendu des véhicules, précisément identifiés dans la proposition de rectification par leur numéro d'immatriculation ainsi que, le cas échéant, leur marque et modèle ou la date de l'achat ou de la vente, pour lesquels il existait une différence des prix d'achat et de vente entre ceux qui avaient été comptabilisés et ceux révélés par la comptabilité occulte. Elle a, en conséquence, rappelé les droits correspondants de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux insuffisances de déclaration en application des dispositions précédemment citées du 1° du I de l'article 297 A du code général des impôts. Elle a également rehaussé les bénéfices imposables de l'impôt sur les sociétés correspondant au profit sur le Trésor ainsi réalisé et à la marge omise.
9. En se limitant à soutenir de manière générale que toutes les ventes ont été enregistrées, que les cahiers contenant la double comptabilité étaient parfois inexacts et ont été mal interprétés et que le prix des véhicules achetés auprès d'établissements financiers ne pouvait faire l'objet d'une minoration, la SARL Auto Pic 34 ne produit aucun élément de nature à contester utilement les rectifications précisément justifiées dans la proposition du 15 décembre 2015. La circonstance que les sommes en espèces saisies au domicile de M. et Mme B... proviendraient de plusieurs sources et, étant destinées à l'achat de nouveaux véhicules, seraient restées à la disposition de la société et ne présenteraient pas le caractère de revenus distribués est sans incidence sur le bien-fondé des impositions contestées, ces sommes en espèces n'ayant pas été prises en compte dans l'assiette de ces impositions. Ainsi, l'administration établissant le bien-fondé des rectifications, les moyens relatifs au caractère manifestement exagéré des cotisations supplémentaires et rappels en litige doivent être écartés.
En ce qui concerne les pénalités :
10. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % ".
11. La SARL Auto Pic 34 ayant indiqué, dans ses observations à la suite de la proposition de rectification du 15 décembre 2015, que M. et Mme B... étaient les bénéficiaires des sommes que l'administration fiscale regarde comme ayant été distribuées, celle-ci a abandonné l'amende prévue par ces dispositions. Par suite, le moyen tendant à la décharge de cette pénalité ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Auto Pic 34 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à la SARL Auto Pic 34 au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Auto Pic 34 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Auto Pic 34 et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. A..., président assesseur,
- M. Maury, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.
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N° 18MA02070
nc