Procédure devant la Cour
Par une requête enregistrée le 8 janvier 2021, M. A..., représenté par Me Gonand, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant droit au travail dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier faute pour les premiers juges d'avoir statué sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
- les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont méconnus ; il établit sa présence en France depuis l'année 2015 ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
- c'est à tort que le préfet n'a pas régularisé sa situation au motif du défaut de son insertion socioprofessionnelle.
Une décision du 26 mars 2021 accorde l'aide juridictionnelle partielle à M. A....
Par ordonnance du 2 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 16 juillet 2021
à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ury,
- et les observations de Me Gonand, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 26 septembre 1988, relève appel du jugement du 3 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête contre l'arrêté du 9 juillet 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Ainsi que le soutient le requérant, le tribunal a omis de statuer sur le moyen qui n'était pas inopérant tiré de ce que l'arrêté du 9 juillet 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle. Cette omission rend irrégulier le jugement attaqué sur ce point, lequel doit, par suite, être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
3. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. Si M. A... qui est entré en France le 21 octobre 2015 sous couvert d'un visa C d'une validité de trente jours, soutient s'y maintenir depuis, il ne l'établit pas par les pièces versées au dossier qui consistent pour chacune des années en litige en des documents épars de nature médicale, bancaire, des tickets de caisse ou des factures d'achats divers, des avis d'impôt sur le revenu pour les années 2017, 2019 et 2020, des admissions à l'aide médicale d'Etat pour les années 2017 et 2018, ainsi que des fiches de paie pour les mois de février, avril, mai et
juin 2020. Le requérant, âgé de 31 ans à la date de l'arrêté attaqué, est célibataire et sans charge de famille, et il n'allègue ni même soutient être dépourvu d'attaches familiales en Tunisie.
S'il fait valoir sa présence indispensable auprès de son père et de sa mère qui résident régulièrement en France, chez lesquels il est hébergé, en raison de leurs états de santé respectifs, le diabète de sa mère et l'hémopathie maligne de type leucémie myéloïde chronique de son père nécessitant des soins continus, il ne justifie toutefois pas, par la seule production d'un certificat médical du 13 août 2020 qui certifie que " M. A... C... nécessite la présence de son fils né en 1988 pour les actes de la vie quotidienne ", être la seule personne à même de leur apporter une aide quotidienne, notamment en raison de la présence de son oncle sur le territoire national, ou que ses parents ne pourraient pas bénéficier de l'assistance d'une tierce personne. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ses décisions et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Pour les mêmes motifs, il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Deuxièmement, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation d'un ressortissant tunisien qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
6. Comme il vient d'être dit, M. A..., âgé de 31 ans à la date de l'arrêté attaqué, célibataire sans enfant, ne démontre pas sa présence habituelle en France depuis l'année 2015. S'il fait valoir la signature le 20 janvier 2020 d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'ouvrier, conclu de manière irrégulière puisque le requérant ne dispose pas d'un droit au séjour, et produit quelques fiches de paie, faute notamment de disposer d'une source pérenne de revenus à la date de l'arrêté attaqué du 9 juillet 2020, il ne démontre pas une insertion particulière en France. Ainsi, ces circonstances ne permettent pas de regarder le préfet des Bouches-du-Rhône comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de
trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2006279 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 février 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2022.
N° 21MA000852