Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 mars 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 7 octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour Me Ruffel de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'une motivation insuffisante et d'un défaut d'examen complet et sérieux de sa situation notamment au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de l'état de santé de son fils C... et sur l'application des dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont méconnus, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, outre l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu, et l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de cette stipulation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du
28 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
-le rapport de M. Ury,
- et les observations de Me Brulé, substituant Me Ruffel, représentant Mme A....
Une note en délibéré présentée pour Mme A... a été enregistrée le 22 février 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante nigériane née le 13 mars 1996 à Bénin City (Nigéria), a sollicité l'asile auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 avril 2017. Sa demande a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 15 septembre 2017 et cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 23 juillet 2018. Elle a fait l'objet d'un arrêté du 17 août 2018 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixé le pays de destination de sa reconduite, qui a été annulé par un arrêt n° 19MA00466 du 17 décembre 2019 de la présente Cour. Elle a sollicité le 27 janvier 2020 un titre de séjour au regard de l'état de santé de son fils, C... B..., de nationalité nigériane. Elle relève appel du jugement du
30 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
2. En premier lieu, l'acte contesté comporte dans ses visas et motifs toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Plus particulièrement, cette décision mentionne la situation familiale et personnelle de l'intéressée, les conditions de son séjour en France, et comporte l'appréciation de l'administration sur celles-ci, lui permettant ainsi de connaître les motifs du refus qui lui est opposé et de contester ces motifs.
La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la lecture de l'arrêté litigieux ni des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault n'aurait pas procédé à un examen réel et complet de la demande D... A..., notamment au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...)".
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Il est constant que le fils ainé D... A... présente un trouble du comportement et de développement neurologique, qui nécessite un suivi médical et une rééducation par un suivi orthophonique et des apprentissages psychomoteurs. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis du 11 septembre 2020 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) que le défaut d'une prise en charge médicale ne devrait pas entraîner pour le jeune C... des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine. Il ne résulte d'aucune des pièces médicales produites par Mme A..., antérieures à cet avis, que le défaut d'un tel traitement aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne pourrait être obtenu et suivi dans son pays d'origine. Ainsi, Mme A... ne contredit pas l'avis des médecins de l'OFII. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, le préfet de l'Hérault a méconnu les dispositions précitées.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France en août 2016, à l'âge de vingt ans, accompagnée de son fils, né le 19 mars 2014, après avoir été contrainte, avant de se rendre en France, selon ses dires, en Italie par un réseau de proxénétisme qui l'avait fait quitter le Nigéria et l'a abusée à son arrivée en Europe. Elle a sollicité le 7 avril 2017 le droit au séjour au titre de l'asile au motif qu'elle a fui un mariage forcé organisé par son père.
Sa demande a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 15 septembre 2017 et cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 23 juillet 2018, au motif que les déclarations de l'intéressée ne permettaient pas de tenir pour établis les faits allégués de subir des traitements inhumains et dégradants dans son pays d'origine. Elle a tenté de déposer plainte en France, le 5 mars 2018, contre le réseau dont elle a été victime en Italie, qui n'a pas été admise dès lors que les faits dénoncés s'étaient déroulés hors de France. Elle est mère de trois enfants, dont deux sont nés en France le
1er juin 2017 et le 30 juin 2018, à sa seule charge. La requérante qui ne démontre aucune insertion socio-professionnelle sur le territoire français depuis son arrivée, n'allègue ni même soutient ne pas disposer d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de l'Hérault a pu prendre la décision en litige à l'encontre de la requérante.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. " lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Si les dispositions de l'article L. 313-14 du code permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à la règle rappelée ci-dessus ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article. Il en résulte qu'un étranger ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de ces dispositions.
10. Mme A... n'a présenté aucune demande de droit au séjour au titre de l'article précité au point 9, et l'arrêté litigieux ne statue pas sur son admission en France à titre humanitaire ou exceptionnel. Il s'ensuit que Mme A... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. D'une part, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision de refus de séjour.
13. D'autre part, comme il a été dit par les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides comme la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté la demande d'asile D... A..., faute pour cette dernière d'avoir établi être menacée de subir des traitements inhumains et dégradants dans son pays d'origine. Il résulte des termes de la décision attaquée, que le préfet ne l'a prise qu'après avoir relevé que Mme A..., à qui il incombait, en tout état de cause, de faire état de pièces ou arguments sur ce point, n'apportait aucun élément nouveau de nature à établir la réalité des risques personnels qu'elle dit encourir en cas de retour au Nigéria. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet a méconnu les stipulations précitées et qu'il aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation de la requérante, en l'obligeant à quitter le territoire français, doivent être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête D... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 22 février 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2022.
N° 21MA025522