Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juillet 2021 et le 17 février 2022,
M. A..., représenté par Me Maumont, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Marseille du 11 mai 2021 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours préalable obligatoire formé devant la commission des recours des militaires contre la décision du 12 décembre 2018 portant inscription au tableau d'avancement pour l'année 2019 du personnel sous-officier de gendarmerie du cadre général de gendarmerie de Corse ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de l'inscrire au grade de maréchal des logis-chef au titre du tableau d'avancement 2019, à compter du 1er janvier 2019, et de reconstituer sa carrière, au titre notamment de l'ancienneté et l'indice de solde correspondant, outre les arriérés de solde qui pourraient en découler, sans délai et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée a dénaturé les écritures de première instance en considérant que le requérant demandait l'annulation du tableau d'avancement, alors qu'il contestait le rejet de son recours préalable, lequel s'est substitué à cette décision en application de l'article R. 4125-10 du code de la défense ;
. à cet égard, l'ordonnance est entachée de contradiction dans ses motifs, puisqu'elle a visé et analysé ses conclusions comme dirigées contre le rejet tacite de son recours préalable obligatoire ;
- c'est à tort que le premier juge s'est estimé saisi d'une demande d'annulation partielle du tableau d'avancement en litige, l'annulation totale de cet acte ayant été sollicitée tant devant la commission des recours des militaires que devant le tribunal ;
- c'est en méconnaissance des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative qu'est intervenue l'ordonnance querellée, l'irrecevabilité retenue ne présentant pas un caractère manifeste et le requérant n'ayant pas été invité à la régulariser ;
- la décision litigieuse est entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que, devant le tribunal, l'administration n'a apporté aucun élément précis de nature à justifier sa décision, qu'elle n'a pas procédé à un examen minutieux et comparatif des mérites des candidats, que la liste produite pour l'année en cause montre qu'il aurait dû être proposé en première place, compte tenu de ses notations et récompenses, la sanction infligée en 2014, effacée depuis le 1er janvier 2019, ni sa mutation d'office dans l'intérêt du service ne pouvant légalement la justifier ;
- d'ailleurs, la décision du 5 décembre 2019 porte son inscription au tableau d'avancement pour l'année 2020 du personnel sous-officier de gendarmerie du cadre général de la région de gendarmerie de Corse ;
- la décision litigieuse est entachée de détournement de pouvoir et de procédure,
sa non-inscription au tableau constituant une sanction déguisée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête, en soutenant que les moyens d'appel qui y sont développés ne sont pas fondés et en renvoyant à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le décret n° 2008-952 du 12 septembre 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., sous-officier de gendarmerie, a sollicité pour l'année 2019 son inscription au tableau d'avancement au grade de maréchal des logis-chef. Par décision du
12 décembre 2018, le ministre de l'intérieur a établi le tableau d'avancement au titre de
l'année 2019 pour le personnel sous-officier de gendarmerie du cadre général de la région de gendarmerie de Corse. Constatant qu'il n'y avait pas été inscrit, M. A... a formé le
25 décembre 2018 recours devant la commission des recours des militaires, dont il a été accusé réception le 4 janvier 2019 mais auquel il n'a été donné aucune réponse expresse. Par une ordonnance du 11 mai 2021, dont M. A... relève régulièrement appel, le président de la première chambre du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande en la regardant comme tendant à l'annulation de ce tableau d'avancement en tant que son nom n'y figurait pas.
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) /
4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense ". Aux termes de l'article R. 4125-9 du même code : " La commission recommande au ministre compétent ou, le cas échéant, aux ministres conjointement compétents au sens du II de l'article R. 4125-4, soit de rejeter le recours, soit de l'agréer totalement ou partiellement. Son avis ne lie pas le ministre compétent ou, le cas échéant, les ministres conjointement compétents ". Aux termes de l'article R. 4125-10 de ce code : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent, ou le cas échéant, des ministres conjointement compétents. La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. (...). / L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission ".
4. Alors qu'il résulte des termes mêmes de son recours préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires que, par celui-ci, M. A... contestait le tableau d'avancement au grade de maréchal des logis-chef pour l'année 2018 pris dans son ensemble, l'intéressé a, par sa demande devant le tribunal administratif de Bastia, conclu, comme l'imposait l'effet de substitution attribué à son recours préalable par les dispositions citées au point 3, non pas à l'annulation de ce tableau mais à celle de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours. En y précisant que cette décision le concernait en ce qu'il n'était pas promu au grade de maréchal des logis-chef, le requérant ne pouvait être regardé ni comme se bornant à solliciter l'annulation de cette décision dans cette seule mesure, ni comme réclamant l'annulation du tableau d'avancement en tant qu'il n'y figurait pas. Dans ces conditions, le premier juge, qui a regardé, à tort, la demande de M. A... comme tendant à l'annulation partielle d'un acte indivisible, a entaché son ordonnance d'irrégularité. Cette ordonnance doit donc être annulée.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Bastia pour qu'il soit statué sur la demande de M. A..., dont les conclusions tendant à l'indemnisation des frais de première instance sont ainsi réservées.
6. S'agissant des frais exposés par M. A... dans la présente instance, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1900918 du tribunal administratif de Bastia en date du
11 mai 2021 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Bastia.
Article 3: L'Etat versera à M. A... la somme de 2 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 février 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2022.
N° 21MA026162