Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2021, M. A... M'Chiche, représenté par Me Larrous-Carreras, demande à la Cour :
1°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2021 du préfet de l'Hérault ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et une autorisation provisoire de séjour dans l'attente, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de Me Larrous-Carreras, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme allouée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision a été signée par une autorité incompétente pour ce faire ;
- la décision est insuffisamment motivée, dès lors que le préfet a omis de mentionner qu'il vivait en concubinage avec une ressortissante française avec laquelle il a eu un enfant dont il contribue à l'éducation et à l'entretien ;
- il vit en France depuis plus de dix ans et le tribunal n'a pas manqué de relever son investissement familial pendant la grossesse de sa compagne et depuis la naissance de l'enfant ; la séparation d'avec sa compagne n'a été que temporaire ;
- le préfet de l'Hérault a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant, alors qu'il est parent d'enfant français, ainsi que les dispositions des articles L. 423-23, L. 435-1 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté querellé est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de sa situation familiale ; un rappel à la loi ne constitue pas une menace à l'ordre public, alors qu'il n'a jamais été condamné pénalement ; le fait qu'il soit divorcé d'une première union par jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 13 janvier 2020 n'empêche pas qu'il est déjà père de deux enfants français.
La procédure a été communiquée le 3 août 2021 au préfet de l'Hérault qui n'a pas conclu.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. B... Taormina, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n° 1805297 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête de M. M'Chiche tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juin 2018 par lequel le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par arrêté du 24 juin 2021, le préfet de l'Hérault a fait obligation à M. M'Chiche, de nationalité marocaine, né le 31 août 1990 à Soussi, de quitter sans délai le territoire français, a fixé son pays d'origine comme pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux années. Par la présente requête, M. M'Chiche relève appel du jugement en date du 2 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée... par la juridiction compétente... ". M. M'Chiche, déjà représenté par un avocat, ne justifie pas d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle compétent et n'a pas joint à son appel une telle demande. Aucune situation d'urgence ne justifie qu'il soit fait application, en appel, des dispositions précitées. Sa demande d'aide juridictionnelle provisoire ne peut, dans ces conditions, qu'être rejetée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. En premier lieu, la décision attaquée est signée, pour le préfet de l'Hérault, par Mme D... C.... Par un arrêté n° 2021/01/324 du 31 mars 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Hérault a donné délégation à Mme C..., directrice des migrations et de l'intégration afin de signer, notamment " toute décision ayant trait à une mesure d'éloignement concernant les étrangers séjournant irrégulièrement sur le territoire français ". Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué mentionne de façon suffisamment précise les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet de l'Hérault y rappelle le passé administratif et personnel de M. M'Chiche. Contrairement à ce que ce dernier soutient, le préfet de l'Hérault a mentionné qu'il était père d'un enfant français dont il ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation et qu'il est séparé de la mère de cette enfant. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué manque en fait et doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté querellé : " Article L. 423-23. - L'étranger ne vivant pas en état de polygamie... et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. Article L. 435-1. - L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention... " vie privée et familiale ",... / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14... Article L. 611-3. - Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / ...3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ;/ 5° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; /... ".
6. Il ressort du jugement de divorce avec sa première épouse à laquelle le tribunal judiciaire a confié l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur les deux enfants mineurs du couple qui font, par ailleurs l'objet d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert, que M. M'Chiche, qui ne justifie pas d'une présence continue en France d'une durée d'au moins dix ans, a fait preuve d'un désintérêt manifeste pour sa progéniture à propos de laquelle il a d'ailleurs demandé au juge aux affaires familiales de lui donner acte de son incapacité de subvenir aux besoins, qu'il a eu à l'égard de son ex-épouse un comportement violent d'ailleurs réitéré sur la personne qu'il présente comme sa concubine placée sous curatelle, souffrant de troubles psychiques, qui a porté plainte en février 2021 pour des faits de violences sur conjoint, et qu'une enquête a été menée pour abus de faiblesse sur personne vulnérable. Si, pour justifier de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de sa fille, enfant français née en 2020, qu'il a eue avec cette dernière, le requérant verse de nombreuses pièces attestant notamment de sa présence à chaque fois qu'il accompagnait la future mère aux visites prénatales puis natales et d'achats de vêtements pour l'enfant, compte tenu de son comportement sus-rappelé à l'égard de ses conjoints successifs, la décision par laquelle le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français et fixé son pays d'origine comme pays de renvoi n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni à l'intérêt supérieur de ses enfants, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le préfet de l'Hérault n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions sur la situation de l'intéressé ou celle de ses enfants.
7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / ...2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ".
8. Comme l'a relevé le préfet de l'Hérault dans l'arrêté querellé et comme M. M'Chiche ne le conteste pas, ce dernier a fait l'objet d'une assignation à résidence par décision du 9 avril 2019 qu'il n'a pas respectée et sa dernière demande de titre de séjour a été rejetée par arrêté du 24 juin 2021. Dès lors, le préfet de l'Hérault était fondé à lui faire obligation de quitter sans délai le territoire français.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".
10. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6 et dès lors que M. M'Chiche ne justifie d'aucune circonstance humanitaire de nature à justifier qu'il ne fasse pas l'objet d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de l'Hérault n'a pas entaché cette décision d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni de celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Il n'a pas davantage commis à cet égard d'erreur manifeste d'appréciation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. M'Chiche n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions à fin d'annulation. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite et en tout état de cause, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. M'Chiche est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A... M'Chiche, à Me Larrous-Carreras et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 21 février 2022, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. B... Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2022.
N° 21MA03239 2
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