Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2019, le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour d'annuler ce jugement du 14 mars 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, la requête de M. A... ne lui a pas été communiquée ;
- l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas été méconnu dès lors que M. A... a été mis en mesure de présenter des observations avant l'édiction de l'arrêté attaqué ainsi que cela ressort de la fiche d'observations écrites.
La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public sur sa proposition de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet des Alpes-Maritimes relève appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté du 10 mars 2019 décidant la reconduite de M. A... à destination de son pays d'origine.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ".
3. Il ressort de l'examen du dossier de première instance que la requête de M. A... n'a pas été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes. Celui-ci est, par suite, fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice.
Sur la légalité de l'arrêté :
5. Aux termes de l'article L. 523-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion est déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 513-2. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du même code : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
6. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui reprend les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 121-2 de ce code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles (...) ". Aux termes de l'article L. 22-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".
7. Par un arrêté du 22 novembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé l'expulsion de M. A..., ressortissant marocain. Par l'arrêté attaqué du 10 mars 2019, le préfet des Alpes-Maritimes a, après avoir visé l'arrêté d'expulsion du 22 novembre 2018, décidé qu'il sera reconduit à destination de son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a reçu notification de cet arrêté le 10 mars 2019 à 13h10. Le même jour, l'intéressé a été invité à formuler des observations sur la mesure d'éloignement et a entouré sur l'imprimé la mention " je ne formule pas d'observation ". Toutefois, en l'absence de mention de l'heure de la notification de ce " formulaire d'observation ", M. A... est fondé à soutenir qu'il n'a pas été mis à même de présenter, avant l'édiction de l'arrêté contesté, des observations sur la mesure envisagée par le préfet des Alpes-Maritimes. Ainsi, alors même que M. A... n'a pas fait état d'éléments qui auraient été de nature à avoir une influence sur la décision en litige, il a été privé de la garantie que constitue la procédure contradictoire et n'a pu formuler des observations écrites ou se faire assister par un mandataire de son choix avant l'édiction de l'arrêté contesté, alors que le préfet ne fait valoir aucune urgence particulière ou circonstance exceptionnelle.
8. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la demande, que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 10 mars 2019.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 14 mars 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 10 mars 2019 est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions présenté par M. A... devant le tribunal administratif est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.
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N° 19MA01455
jm