Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 janvier et le 14 septembre 2021, M. D..., représenté par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Nîmes du
21 septembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 26 août 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Ruffel en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce versement emportant renonciation à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée doit être annulée, dès lors que, l'arrêté en litige ne comportant pas mention complète des voies et délais de recours, conformément aux dispositions des articles R. 776-19 et R. 776-31 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il pouvait former un recours sans délai ;
- sur le plan de la légalité externe, l'arrêté en litige est entaché d'incompétence, faute pour l'administration de justifier d'une délégation spéciale et publiée pour le signer et, pris en son dispositif, s'avère illisible et partant inexistant ;
- sur le plan de la légalité interne, l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par ordonnance du 8 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au
24 septembre 2021 à 12 heures.
Un mémoire présenté par le ministre de l'intérieur a été enregistré le
28 septembre 2021, postérieurement à la clôture d'instruction.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Revert.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., qui se déclare ressortissant marocain né le 5 avril 2001, relève appel de l'ordonnance du 21 septembre 2020 par laquelle le magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 août 2020 du préfet de l'Hérault lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". L'article
R. 776-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : / 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues au I de l'article L. 511-1 et à l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; (...) / 3° Les interdictions de retour sur le territoire français prévues au III du même article et les interdictions de circulation sur le territoire français prévues à l'article L. 511-3-2 du même code ; / 4° Les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 513-3 du même code ; (...) ". L'article R. 776-19 du même code précise : " Si, au moment de la notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1, l'étranger est retenu par l'autorité administrative, sa requête peut valablement être déposée, dans le délai de recours contentieux, auprès de ladite autorité administrative ". Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles R. 776-29 et R. 776-31 du même code, issues du décret du 28 octobre 2016 pris pour l'application du titre II de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, que les étrangers ayant reçu notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1 du code alors qu'ils sont en détention ont la faculté de déposer leur requête, dans le délai de recours contentieux, auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'il incombe à l'administration d'indiquer, lors de la notification à un étranger détenu de décisions présentant les caractéristiques mentionnées ci-dessus, la possibilité de déposer une requête dans le délai de recours contentieux auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été notifié à M. D... le 31 août 2020, alors que l'intéressé était placé en détention au centre pénitentiaire de Villeneuve- lès-Maguelone depuis le 2 mai 2020. Toutefois, la notification de cet arrêté ne contient aucune information quant à la possibilité pour le requérant de déposer son recours auprès du chef de l'établissement pénitentiaire, contrairement aux dispositions précitées de l'article R. 776-31 du code de justice administrative. Dans ces conditions, le délai de recours ne lui étant pas opposable, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son ordonnance attaquée, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande enregistrée le
18 septembre 2020, tendant à l'annulation de cet arrêté, comme tardive.
4. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer sur la demande de M. D... présentée devant le tribunal administratif de Nîmes.
Sur la légalité de l'arrêté du 26 août 2020 :
5. En premier lieu, par arrêté du 15 juillet 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Hérault, Mme C... E..., chef du bureau de l'asile, du contentieux et de l'éloignement, a reçu délégation de signature du préfet de l'Hérault à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme B..., directrice de l'immigration et de l'intégration, " tout arrêté ayant trait à une mesure d'éloignement concernant les étrangers séjournant irrégulièrement sur le territoire français ". Alors que M. D... ne conteste ni l'absence ni l'empêchement de Mme B..., son moyen tiré du défaut de justification d'une délégation spéciale et publiée pour signer l'arrêté en litige ne peut qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, la circonstance que certains passages du dispositif de l'ampliation de l'arrêté en litige, telle qu'adressée au requérant, ne sont pas lisibles est sans incidence sur la régularité de cet acte, et n'a pas pour effet de rendre inexistantes les décisions qu'il comporte.
7. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D..., dont la date d'entrée sur le territoire français en tant que mineur demeure indéterminée, a été condamné le 4 mai 2020 par le tribunal correctionnel de Montpellier à une peine de huit mois d'emprisonnement pour des faits de vol avec violence n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail, rébellion et destruction ou détérioration de bien destiné à l'utilité ou à la décoration publique. S'il soutient avoir vécu en concubinage avec une ressortissante française qui l'a hébergé du mois d'août 2019 jusqu'au mois de janvier 2020 et qui lui a rendu visite chaque semaine en prison, il n'est pas contesté qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale au Maroc où il est père d'un enfant à charge. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de M. D... en France, l'arrêté en litige, pris en chacune de ses dispositions contestées, n'a pas porté à son droit de mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le préfet de l'Hérault, et n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 août 2020 doit être rejetée. Il doit en aller de même, par voie de conséquence, des conclusions présentées par son conseil sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2002759 du 21 septembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes est annulée
Article 2 : La demande de M. D... présentée devant le tribunal administratif de Nîmes ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2021, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.
N° 21MA000772