Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 août 2021, M. A..., représenté par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 avril 2021 ;
2°) d'annuler cet arrêté du préfet de l'Hérault du 23 octobre 2020 ;
3°) d'ordonner au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros TTC à verser à Me Ruffel sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la mesure d'éloignement n'a pas donné lieu à un examen réel et complet de sa situation personnelle, le préfet n'ayant pas vérifié s'il pouvait être admis au séjour à un autre titre que l'asile et limitant son examen aux informations livrées dans la demande d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où il vit en concubinage avec une ressortissante française et où il n'a plus de famille proche dans son pays d'origine ;
- la décision fixant le pays de renvoi, illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement, n'a pas non plus donné lieu à examen particulier de sa situation au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et s'avère entachée d'erreur de droit, le préfet se fondant exclusivement sur le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;
- l'interdiction de retour, elle aussi illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, n'a pas été prise au terme d'un examen particulier de sa situation et méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le seul critère mobilisé étant celui du type de demande d'asile ayant été rejetée et ne figurant pas au nombre de ceux visés par ce texte ;
- l'interdiction viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que :
- à titre principal, la demande de première instance est tardive ;
- subsidiairement, les moyens d'appel ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
9 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Revert,
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité albanaise, né le 1er septembre 2000, dont la demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'OFPRA du 17 juillet 2020 contre laquelle son recours a été rejeté par ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile du 7 décembre 2020, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 23 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire national pour une durée de quatre mois. Par jugement du 21 avril 2021, dont il relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. D'une part, aux termes de l'article L 743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI ". L'article L. 511-1 du même code dispose que : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles
L 743-1 et L 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; (...) ".
3. Si le préfet a la faculté d'examiner, le cas échéant d'office, le droit d'un étranger demandeur d'asile, auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français au titre de l'asile, de demeurer sur le territoire français à un autre titre, il ne peut le faire qu'avec les éléments dont il dispose sur la situation de l'intéressé.
4. Il ressort des pièces du dossier que pour faire obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, le préfet de l'Hérault, qui n'était pas saisi par lui d'une demande de titre de séjour, a constaté que sa demande d'asile, instruite suivant la procédure accélérée, avait été rejetée par le directeur général de l'OFPRA, en a déduit qu'il ne pouvait au titre de l'asile prétendre à la délivrance d'une carte de résident ou d'une carte de séjour temporaire, et que sa non-admission au séjour ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale. Il suit de là que, par cet arrêté, le préfet, qui a statué sur la base des informations dont il disposait, doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement écarté la possibilité pour l'intéressé d'être autorisé à demeurer sur le territoire français à un autre titre que l'asile. Ainsi, alors même que l'arrêté en litige ne mentionne pas sa vie de couple avec une ressortissante française, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été signé sans que soit examinée sa situation personnelle au regard des dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou qu'il serait entaché d'erreur de droit.
5. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.".
6. Si M. A..., entré irrégulièrement pour la dernière fois en France le
30 novembre 2019, se prévaut de la présence en France de ses parents et de ses frères et sœurs, celles-ci y étant scolarisées, ainsi que de sa vie commune avec une ressortissante française, il ne livre aucune indication sur la régularité du séjour des membres de sa famille, dont les demandes d'asile ont été rejetées, ni sur l'ancienneté de sa relation avec sa concubine, laquelle ne résulte pas davantage de l'attestation d'hébergement de la mère de celle-ci, ni des photographies non datées produites en première instance et en appel. Ainsi, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé, la décision prononçant son éloignement n'a pas porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels elle a été prise.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
7. Il résulte des points précédents que l'obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées par le requérant. Celui-ci n'est donc pas fondé à invoquer l'illégalité de la mesure d'éloignement au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
8. Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme M. A..., il résulte des motifs mêmes de l'arrêté litigieux que pour déterminer le pays à destination duquel il était obligé de quitter le territoire français, le préfet ne s'est pas borné à tirer les conséquences du rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA, mais a relevé que l'intéressé n'apportait aucun élément de nature à établir qu'il était exposé à un risque d'atteinte grave en cas de retour en Albanie, pays d'origine sûr. Le double moyen tiré du défaut d'examen particulier et de l'erreur de droit au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, auquel renvoie l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut donc qu'être écarté.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que: " (...) III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
10. D'une part, à rebours des affirmations de l'appelant, il résulte directement et clairement des motifs de l'arrêté attaqué que le préfet lui a fait interdiction de retourner en France en examinant les quatre critères énumérés par les dispositions citées au point 9, sans tenir compte à ce titre du rejet de sa demande d'asile. Il n'est donc pas fondé à prétendre que cette mesure procèderait d'un défaut d'examen particulier de sa situation ou d'une erreur de droit.
11. D'autre part, même si M. A... n'a pas déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et s'il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des motifs de l'arrêté en litige, que sa présence constituerait une menace pour l'ordre public, sa présence en France et les liens qu'il y aurait noués, à les supposer avérés, sont très récents. C'est par conséquent sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet a pu lui interdire le retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois.
12. Enfin, pour les motifs énoncés au point 6, et eu égard à la nature de la mesure litigieuse, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet à la demande de première instance, la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et les conclusions de son conseil présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 1er février 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.
N° 21MA03645 2