Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2018, Mme B..., représentée par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision implicite attaquée ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- il appartenait au préfet d'instruire sa demande au vu de l'évolution de sa situation en fait et en droit ;
- l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est méconnu dès lors qu'elle a subi des violences psychologiques et morales de la part de son époux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2019, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens de Mme B... n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 3 juin 1973, a épousé un ressortissant français au Maroc le 4 janvier 2012. Elle a sollicité le 17 juin 2013 auprès de la préfecture des Pyrénées-Orientales la délivrance d'une première carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint de français. Par un arrêté en date du 9 décembre 2013, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé la délivrance de ce titre et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un jugement du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté et enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour. Après une nouvelle instruction, le préfet a pris le 10 avril 2014 un arrêté portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Mme B... a relevé appel du jugement rendu le 23 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 5 juin 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé le jugement de première instance. Par lettre du 7 juillet 2016, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le préfet des Pyrénées-Orientales. Mme B... relève appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.
Sur la légalité de la décision attaquée :
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le préfet des Pyrénées-Orientales n'aurait pas examiné la demande de titre de séjour de Mme B... au vu de sa situation de droit et de fait doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué.
3. En second lieu, l'alinéa 2 de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " (...) ".
4. Mme B... s'est mariée au Maroc le 4 janvier 2012 avec M. C.... Elle a obtenu un visa Schengen de type D valant autorisation de séjour et de travail en qualité de conjoint de français pour la période allant du 18 juillet 2012 au 18 juillet 2013 au titre des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a quitté le domicile conjugal le 18 décembre 2012 en exécution de l'ordonnance de non-conciliation rendue le 19 novembre 2012, laquelle faisait suite à une requête en divorce présentée par M. C... et fixait la résidence séparée des époux. Toutefois, les époux ont signé le 20 décembre 2013 un accord de réconciliation mentionnant qu'ils résidaient à nouveau ensemble depuis le mois de juillet 2013. Puis, alors que Mme B... vivait au domicile conjugal, M. C... a introduit une demande d'annulation du mariage qui a été rejetée par un jugement rendu le 2 avril 2015 par le tribunal de grande instance de Perpignan. Enfin, le 20 novembre 2015, M. C... a déposé une nouvelle requête en divorce. Le tribunal de grande instance de Perpignan, par un jugement du 26 juillet 2018, a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux en jugeant notamment que les " griefs sont manifestement suffisamment pertinents et probants pour permettre de retenir des fautes à l'encontre de l'époux caractérisant un manquement à son obligation de respect, de secours et d'assistance à l'égard de son épouse " et en retenant dans son dispositif que la faute est caractérisée par " le manque de respect et les violences psychologiques ".
5. Il ressort ainsi des pièces du dossier que M. C... a alterné les périodes de confiance et de défiance envers son épouse. Toutefois, si les pièces versées, dont les déclarations de main courante établies par la requérante et les certificats médicaux attestant de l'état anxio-dépressif de Mme B... réactionnel à la suite d'une situation conjugale complexe, témoignent de l'existence de graves difficultés conjugales et de manquements de M. C... à son obligation de respect, de secours et d'assistance envers son épouse, ils ne permettent pas de regarder la requérante comme ayant été victime, sur le plan moral et psychologique, de violences conjugales au sens des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet des Pyrénées-Orientales a pu, après avoir exactement apprécié la situation de l'intéressée, refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français en raison de la rupture de la vie commune sans méconnaître les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante au litige, la somme que demande la requérante sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet des Pyrénées-Orientales présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à Me F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Maury, premier conseiller,
- Mme E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2019.
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N° 18MA05055
jm