Procédure devant la Cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés le 24 mars 2017 et le 21 janvier 2019, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1501509 du 24 janvier 2017.
Il soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable ;
- la force majeure et les circonstances exceptionnelles ont pour seul effet d'exonérer le demandeur d'une réduction du montant de l'aide.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 9 novembre 2018 et le 18 janvier 2019, l'indivision E...B..., représentée par MeA..., conclut au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'indivision n'a été constituée qu'à la date de la décision du juge des tutelles, soit le 3 novembre 2014 ; avant cette date les héritiers constituaient une société de fait ;
- le décès de l'agriculteur constitue un cas de force majeure en application de l'article 31 du règlement CE n° 73/2009 permettant de déroger aux délais de dépôt.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs ;
- le règlement (CE) n° 1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d'application du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d'aide prévu pour le secteur vitivinicole ;
- l'arrêté du 15 octobre 2014 fixant pour la campagne 2014 les conditions d'accès aux soutiens spécifiques en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Maury,
- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant l'indivision E...B..., la parole ayant été donnée à Mme F..., représentant le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite du décès de M. E... B...le 14 avril 2014, M. C... B...a déposé, le 20 janvier 2015, au nom de l'indivision E...B..., une demande d'aide relevant de la politique agricole commune au titre de la campagne 2014, qui a été rejetée pour tardiveté par une décision du préfet du Gard du 9 mars 2015. Le tribunal administratif de Nîmes a annulé par jugement n° 1501509 du 24 janvier 2017 cette décision. Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 23 du règlement susvisé (CE) n° 1122/2009 concernant le dépôt tardif d'une demande d'aide : " 1. Sauf en cas de force majeure et dans des circonstances exceptionnelles visées à l'article 75, l'introduction d'une demande d'aide au titre du présent règlement après la date limite applicable entraîne une réduction de 1 % par jour ouvrable des montants auxquels l'agriculteur aurait eu droit si la demande avait été déposée dans le délai imparti. / (...) / Lorsque le retard dépasse 25 jours civils, la demande est considérée comme irrecevable (...) ". Aux termes de l'article 75 de ce même règlement : " (...) 2. Les cas de force majeure et les circonstances exceptionnelles au sens de l'article 31 du règlement (CE) n° 73/2009 sont notifiés par écrit à l'autorité compétente et les preuves y afférentes sont apportées à la satisfaction de celle-ci dans un délai de dix jours ouvrables à partir du jour où l'agriculteur est en mesure de le faire (...) ". Et aux termes de l'article 31 du règlement susvisé (CE) n° 73/2009 concernant la force majeure et les circonstances exceptionnelles : " Aux fins du présent règlement, sont notamment reconnus comme cas de force majeure ou circonstances exceptionnelles par l'autorité compétente les cas suivants : / a) le décès de l'agriculteur (...) ".
3. M. E... B...est décédé le 14 avril 2014. Il est constant que M. D...a déposé au nom de M. B...décédé une demande de crédit PAC 2014 sans aucun mandat, qui n'était pas valide. L'indivision B...a déposé le 20 janvier 2015 au titre de l'année 2014 une demande de crédit soit postérieurement à la date du 15 mai 2014 fixée par l'arrêté du 15 octobre 2014 du ministre chargé de l'agriculture fixant pour la campagne 2014 les conditions d'accès aux soutiens spécifiques en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune. Cette demande qui a été déposée plus de vingt-cinq jours après la date limite a été rejetée comme étant tardive et par suite irrecevable. La circonstance tirée de ce que l'exploitant est décédé le 14 avril 2014 ne constitue pas une circonstance exceptionnelle ou un cas de force majeure au sens et pour l'application des articles 75 du règlement n° 1122/2009 et 31 du règlement 73/2009 qui aurait permis, le cas échéant, de prendre en compte la demande de crédit déposée le 20 janvier 2015 par l'indivisionB..., dés lors qu'il s'est écoulé un délai de huit mois entre le décès et la demande déposée par l'indivision. La circonstance tirée de ce que, l'indivision n'a été constituée qu'à la date du jugement du juge des tutelles, le 3 novembre 2014 et qu'avant cette date les héritiers constituaient une société de fait ne constitue pas plus une circonstance exceptionnelle ou un cas de force majeure qui empêchait le dépôt d'une demande de crédit. Il s'ensuit que la demande de crédit présentée au-delà des délais prévus par l'arrêté du 15 octobre 2014 du ministre chargé de l'agriculture était irrecevable et ne pouvait qu'être rejetée. Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du 9 mars 2015 par laquelle le préfet du Gard a rejeté la demande d'aide au titre de la politique agricole commune. Par suite, le jugement doit être annulé.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'indivision E...B..., tant en première instance qu'en appel.
5. L'indivision E...B...soutient que M. D... a déposé la déclaration au titre de la politique agricole commune sans aucun mandat pour ce faire et que la demande aurait dû être rejetée à ce titre, que la motivation de la décision de rejet du 9 mars 2015 est insuffisante. S'agissant du dépôt par une personne non titulaire d'un mandat, elle ne pouvait dès lors qu'être rejetée, comme il a d'ailleurs été fait, et la motivation indique que le déposant étant décédé le 14 avril 2014, la demande déposée le 9 mai 2014 en son nom était irrecevable. Cette motivation était suffisante pour permettre de la contester, ce qui a d'ailleurs été fait.
6. Il résulte de tout ce qui précède que compte tenu de ce qui a été dit au point 3, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1501509 du 24 janvier 2017. Par voie de conséquence, les conclusions de l'indivision E...B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1501509 du 24 janvier 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le juge de première instance et les conclusions d'appel de l'indivision E...B...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'indivision E...B...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Maury, premier conseiller,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 avril 2019.
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N° 17MA01300
nc