Par un jugement n° 1401781 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs demandes indemnitaires.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juillet 2017 et le 21 décembre 2018,A... L... veuveB..., Mmes et MM. B... etA... N..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 mai 2017 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de la Dracénie à verser la somme de 414 657 euros àA... L... et la somme de 30 000 euros à chacun des enfants ;
3°) d'ordonner une nouvelle expertise médicale ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Dracénie la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le rapport d'expertise est insuffisamment argumenté, ne répond pas à tous les chefs de la mission et n'établit pas l'existence d'un consentement éclairé ;
- les soins prodigués ne sont pas conformes aux bonnes pratiques médicales ;
- le patient n'a pas été pris en charge dans la dignité ;
- le droit à l'information a été méconnu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2018, le centre hospitalier de la Dracénie, représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les critiques du jugement sont insuffisamment précises pour permettre au juge d'apprécier le bien-fondé de l'appel ;
- une information a été donnée à la famille pendant toute la durée du séjour ;
- aucune faute ne peut lui être imputée dans la prise en charge de M. B... ;
- le transfert en service de réanimation n'a pas été tardif ;
- la prise en charge est sans lien avec le décès du patient ;
- la perte de revenus de la veuve de M. C... B...n'est pas établie ;
- les sommes demandées au titre du préjudice moral sont excessives et doivent être ramenées à de plus justes proportions.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
La présidente de la Cour a désignéA... Jorda-Lecroq, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport deA... Bourjade-Mascarenhas,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., substituant MeH..., représentant le centre hospitalier de la Dracénie.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été hospitalisé en urgence le 18 août 2012 au centre hospitalier de la Dracénie où il est décédé le 3 septembre 2012. Le tribunal administratif de Toulon, par un jugement avant dire droit du 20 octobre 2016, a ordonné une expertise médicale portant sur les conditions de sa prise en charge.
2. Son épouse et ses enfants relèvent appel du jugement du 18 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier de la Dracénie soit condamné à payer àA... L... la somme de 414 657 euros et à chacun des enfants la somme de 30 000 euros en réparation du décès de M. B....
Sur la demande tendant à la réalisation d'une expertise complémentaire :
3. La prescription d'une mesure d'expertise est subordonnée au caractère utile de cette mesure. Il appartient au juge, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en réparation des conséquences dommageables d'un acte médical, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier, notamment, le cas échéant, des rapports des expertises prescrites antérieurement s'ils existent, et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon le demandeur, la mesure sollicitée.
4. Il ressort du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal par le jugement du 20 octobre 2016 que M. B..., lorsqu'il était conscient, et sa famille ont été informés à plusieurs reprises de la gravité de son état de santé, et que l'expert a analysé les événements survenus dans la nuit du 18 au 19 août 2012, lors de laquelle un médecin s'est déplacé, et n'a relevé aucune faute dans la prise en charge. Il a en outre indiqué que le patient n'avait pas présenté de choc septique le 19 août 2012 et ne souffrait pas de la maladie de Crohn bien qu'il ait été admis aux services des urgences du centre hospitalier avec mention d'une telle pathologie. Par ailleurs, le rapport d'expertise se prononce sur les causes du décès après avoir indiqué que M. B... souffrait depuis de nombreuses années d'un cancer colorectal métastasé non soigné. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... présentait des ecchymoses et des plaies sur le corps sur lesquelles l'expert aurait dû donner un avis. Le rapport répond ainsi à l'ensemble de la mission fixée par le jugement avant dire droit du 20 octobre 2016 du tribunal administratif de Toulon.
5. La circonstance que les documents utilisés par l'expert pour conclure que des soins attentifs et conformes aux règles de l'art ont été dispensés à M. B... n'ont pas été cités dans le rapport d'expertise ne permet pas, par elle-même, d'établir que celui-ci est lacunaire.
6. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise.
Sur le manquement à l'obligation d'information :
7. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) ".
8. Ainsi que cela a été indiqué au point 4, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. B..., lorsqu'il était conscient, et sa famille ont été informés de la gravité de son état de santé et de la nécessité de réaliser certains actes médicaux afin, d'une part, de confirmer le diagnostic de sa pathologie et, d'autre part, de lui administrer un traitement approprié. Dans ces conditions, les requérants ne sauraient davantage rechercher en appel qu'en première instance la responsabilité du centre hospitalier de la Dracénie pour défaut d'information.
Sur les fautes :
9. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, (...) tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".
10. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la prise en charge de M. B... par le service des urgences et le service de réanimation était adaptée à son état de santé, compte tenu du refus du patient de bénéficier des actes de soins et de diagnostic indispensables. Son état de santé n'imposait pas son transfert immédiat dans le service de réanimation. Ce transfert a été effectué, conformément aux bonnes pratiques médicales, lorsque cet état s'est dégradé. Le délai de vingt-quatre heures qui s'est écoulé entre l'arrivée de M. B... au centre hospitalier et son admission dans le service de réanimation est sans lien avec son décès, intervenu des suites de l'évolution terminale d'un cancer colorectal en diffusion métastasique généralisée n'ayant jamais été soigné auparavant. Le décès du patient n'est pas davantage lié à sa prise en charge par le centre hospitalier de la Dracénie, laquelle n'a pas eu une visée thérapeutique, au regard de son importante dénutrition et de l'évolution d'un cancer non soigné en phase terminale. L'avis du médecin-conseil produit par les requérants n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert sur l'absence de retard dans le transfert du patient vers un service de soins intensifs en réanimation et sur le caractère adapté et diligent des soins prodigués. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le centre hospitalier de la Dracénie n'avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.
11. Par ailleurs, M. B... ayant refusé tout acte médical invasif, et notamment une coloscopie, une coronarographie et une biopsie, le diagnostic de cancer colorectal de stade final n'a pu être posé avec certitude avant son décès. Il suit de là qu'aucune faute de l'établissement de soins dans le suivi du malade ne peut être retenue.
12. Il est constant que M. B... avait exprimé par écrit au mois de mai 2012 un refus de soins, et indiqué notamment qu'il était opposé aux soins de réanimation lourde. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la transfusion pratiquée à l'admission du malade aux services des urgences puis l'intubation et la mise sous assistance respiratoire effectuées à la suite de son transfert dans le service de réanimation ont porté atteinte à la dignité du patient dès lors que sa famille, compte tenu de l'état d'inconscience de celui-ci, a donné son consentement à ces actes. Par suite, le centre hospitalier de la Dracénie n'a commis aucune faute en pratiquant ces actes de soins.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de la Dracénie, queA... L... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
D É C I D E :
Article 1er : La requête deA... L... et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à notifié àA... K... L...veuveB..., àA... D...B..., àA... M...N..., à M. J... B..., àA... I...B..., à M. F... B..., au centre hospitalier de la Dracénie et à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019 où siégeaient :
-A... Jorda-Lecroq, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
-A... Bourjade-Mascarenhas, première conseillère,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2019.
2
N° 17MA02983