Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 décembre 2017, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 mai 2017 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 10 juin 2015 et ses conclusions à fin d'injonction ;
2°) d'annuler la décision du 10 juin 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me A...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance du
2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision du 10 juin 2015 est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet de l'Hérault n'a pas procédé à un examen d'ensemble de sa situation ;
- elle fait une inexacte application des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'il n'a plus de liens avec sa famille restée au Bangladesh ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 14 juin 2018 par une ordonnance du 23 mai 2018.
Un mémoire présenté par le préfet de l'Hérault a été enregistré par erreur dans cette instance le 31 janvier 2019.
Un mémoire présenté pour M. C...a été enregistré le 21 mars 2019.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 18 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure de la
2ème chambre, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Merenne,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., de nationalité bangladaise, fait appel du jugement du 24 mai 2017 du tribunal administratif de Montpellier en tant que ce jugement, après avoir annulé la décision du
9 mars 2015 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 10 juin 2015 rejetant son recours gracieux ainsi que ses conclusions à fin d'injonction.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. C... a soutenu devant les premiers juges, par un mémoire enregistré le
25 avril 2017, que la décision initiale méconnaissait les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans avoir hiérarchisé dans le délai de recours ses prétentions en fonction de la cause juridique à l'appui de ses conclusions principales à fin d'annulation. Le tribunal administratif, qui a annulé cette décision pour insuffisance de motivation, n'était pas tenu de se prononcer sur les autres moyens invoqués par M. C...à son encontre. Le jugement attaqué n'est par suite pas entaché d'omission de réponse à un moyen.
Sur la légalité de la décision du 10 juin 2015 :
3. D'une part, l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public prévoit que doivent être motivées les décisions qui " restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police " et celles qui " refusent une autorisation (...) ".
4. D'autre part, le 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la délivrance de plein droit d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à " l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ".
5. La décision du 9 mars 2015 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de titre de séjour de M. C...était insuffisamment motivée. Le tribunal a d'ailleurs annulé cette décision en retenant cette insuffisance de motivation. La décision du 10 juin 2015 devait être motivée. Le motif par lequel le préfet de l'Hérault se borne à indiquer que M. C...ne justifiait pas de l'absence de liens avec ses parents et ses deux frères restés dans son pays d'origine, n'atteste pas de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 citées ci-dessus. La décision du 10 juin 2015 est ainsi entachée d'insuffisance de motivation.
6. M. C...est en conséquence fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 juin 2015, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre de cette dernière.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'article L. 411-4 du code des relations entre le public et l'administration prévoit qu'" en cas de recours formé contre une décision non créatrice de droits, [l'administration] se fonde sur la situation de fait et de droit prévalant à la date à laquelle elle statue sur le recours". Il résulte de l'instruction que M. C...n'est plus dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire et n'entre donc pas dans le cas ouvrant droit au séjour prévu au 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Par ailleurs, postérieurement aux décisions des 9 mars et 10 juin 2015, le préfet de l'Hérault, statuant sur une nouvelle demande de titre présentée par l'intéressé, a réexaminé sa situation et, par un arrêté du 11 septembre 2017, a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il n'y a dès lors pas lieu d'enjoindre à l'administration de procéder à un tel réexamen. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C...sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative doivent en conséquence être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à MeA..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : La décision du 10 juin 2015 rejetant le recours gracieux de M. C...est annulée.
Article 2 : Le jugement du 24 mai 2017 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me A...une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M.D... C..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, où siégeaient :
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- MmeE..., première conseillère,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 avril 2019.
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N° 17MA04835