Par un jugement n° 1001589 du 27 novembre 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 janvier 2014, 2 juillet 2014, 30 juillet 2014 et 27 novembre 2015, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 27 novembre 2013 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure est irrégulière, dès lors qu'il n'a pas reçu la proposition de rectification relative à la période du 1er juin au 31 décembre 2004 ;
- les propositions de rectification, qui ne mentionnent pas les motifs invoqués pour écarter la comptabilité de la SARL Le Bull Dog, sont insuffisamment motivées ;
- c'est à tort que le vérificateur a rejeté la comptabilité de la SARL Le Bull Dog au motif qu'elle n'avait pas conservé les données élémentaires informatiques, dès lors que la caisse enregistreuse qu'elle utilisait a été dérobée le 17 janvier 2006, que cette caisse n'était pas intégrée au système d'information et de comptabilité de l'entreprise, et que l'ensemble des bandes X et Z ont été remises au vérificateur ;
- c'est à tort que le vérificateur a rejeté la comptabilité de la SARL Le Bull Dog au motif de l'existence d'anomalies découlant du rapprochement entre les relevés des bandes de caisses et les recettes comptabilisées, dans la mesure où elle a enregistré en caisse, durant les premiers mois de l'année 2003, les recettes de l'activité de restauration de la SARL Babylone, avec laquelle elle fonctionnait en participation ; au demeurant, les discordances sont très faibles ;
- les anomalies relevées par le vérificateur en ce qui concerne la comptabilité matière de la SARL Le Bull Dog, au demeurant non démontrées, ne prennent pas en compte les déductions habituelles tenant aux pertes, aux offerts et à la consommation du personnel ;
- la méthode de reconstitution des recettes de la SARL Le Bull Dog est radicalement viciée, dès lors que le vérificateur a déterminé le pourcentage de vente des bières pression par rapport au chiffre d'affaires total en retenant les ventes de bière de marque " Leffe ", en l'absence d'achats de fûts comptabilisés, ainsi que les ventes de bouteilles de bière correspondant aux achats non comptabilisés qu'il a déterminés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 22 mai 2014 et 26 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 octobre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme C..., associés de la SARL Le Bull Dog exploitant un bar de nuit situé à Nice, ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal au titre des années 2003 et 2004, tandis que la société faisait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ; que cette vérification s'est notamment traduite, pour la société, par les rectifications des bases imposables à l'impôt sur les sociétés, à l'issue du rejet de sa comptabilité et de la reconstitution de son chiffre d'affaires ; que ces rehaussements ont été regardés par l'administration fiscale comme des distributions appréhendées par M. et Mme C... au titre des années 2003 et 2004 ; que M. C... relève appel du jugement du 27 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles le foyer fiscal qu'il formait avec son épouse a été assujetti au titre de l'année 2003 et de l'année 2004, à raison pour cette dernière année de revenus perçus au cours de la période du 1er janvier au 31 mai 2004 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2004, à raison des revenus perçus au cours de la période du 1er juin au 31 décembre 2004 ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes en première instance :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté par l'administration que le pli comportant la demande de M. C... a été remis aux services postaux le jeudi 15 avril 2010, soit, compte tenu du délai normal d'acheminement du courrier, en temps utile pour parvenir à la juridiction compétente dans le délai de recours, lequel expirait le lundi 19 avril 2010 ; que, nonobstant la circonstance que cet envoi ne soit arrivé au greffe que le 21 avril 2010, M. C... doit être regardé comme ayant fait les diligences suffisantes pour que son envoi soit enregistré en temps utile ; que, par suite, la fin de non-recevoir doit être écartée ;
Sur les revenus réputés distribués :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) " ; et qu'aux termes de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution (...) " ;
4. Considérant que l'administration fiscale, après avoir estimé que la comptabilité de la SARL Le Bull Dog n'était pas probante et devait être rejetée pour ce motif, a procédé à la reconstitution des recettes de son activité ; qu'elle a réintégré dans les résultats de ladite société pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos en 2003 et en 2004, les minorations de recettes mises en évidence par cette reconstitution ; qu'après avoir mis en oeuvre la procédure prévue par les dispositions de l'article 117 du code général des impôts, l'administration a regardé M. et Mme C... comme étant les bénéficiaires des revenus distribués par cette société au titre des années 2003 et 2004, en vertu des dispositions précitées de l'article 109 du code général des impôts ;
5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements " ; qu'aux termes de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, les agents de l'administration fiscale peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable. / Celui-ci peut demander à effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. / Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. / Ces copies seront produites sur un support informatique fourni par l'entreprise, répondant à des normes fixées par arrêté (...) " ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " I. - Les livres, registres, documents ou pièces sur lesquels peuvent s'exercer les droits de communication, d'enquête et de contrôle de l'administration doivent être conservés pendant un délai de six ans à compter de la date de la dernière opération mentionnée sur les livres ou registres ou de la date à laquelle les documents ou pièces ont été établis. / Sans préjudice des dispositions du premier alinéa, lorsque les livres, registres, documents ou pièces mentionnés au premier alinéa sont établis ou reçus sur support informatique, ils doivent être conservés sous cette forme pendant une durée au moins égale au délai prévu au premier alinéa de l'article L. 169 (...) / II. - Lorsqu'ils ne sont pas déjà visés au I, les informations, données ou traitements soumis au contrôle prévu au deuxième alinéa de l'article L. 13 doivent être conservés sur support informatique jusqu'à l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article L. 169. La documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements doit être conservée jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle à laquelle elle se rapporte " ;
7. Considérant que le vérificateur a estimé qu'en raison de la présence d'un système informatisé de caisse, la comptabilité de la société Le Bull Dog était tenue au moyen de systèmes informatisés ; que la société l'ayant informé du vol de sa caisse enregistreuse, survenu au cours des opérations de contrôle, il lui a demandé de lui fournir les sauvegardes annuelles de ses données élémentaires informatiques ; que la société n'ayant pas conservé de sauvegarde de ces données, l'administration fiscale a rejeté sa comptabilité au motif qu'elle avait méconnu l'obligation de conservation des données informatiques, mentionnée à l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales, et avait ainsi placé le vérificateur dans l'impossibilité de réaliser tout traitement informatique ; que l'administration fiscale a également opposé à la société Le Bull Dog l'existence d'anomalies relatives aux justificatifs de recettes et à la comptabilité matière ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Le Bull Dog disposait d'une caisse enregistreuse dotée de touches programmables et d'un ordinateur comportant un système de gestion de type " first class " ; que, toutefois, le ministre ne conteste pas que cette caisse ne permettait pas l'enregistrement des écritures comptables et que la comptabilisation des recettes était effectuée par le comptable de la société à partir des bandes " X " et " Z " éditées sur support papier ; que la circonstance que ce type de caisses permet l'édition de tickets selon différents critères et le calcul de ratios ne saurait pallier l'absence d'un progiciel de comptabilité nécessaire à l'établissement des documents comptables ; que, dans ces conditions, la société Le Bull Dog ne pouvait être regardée comme ayant tenu sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés au cours de la période vérifiée ; que, par suite, l'administration ne pouvait opposer à ladite société le défaut de présentation au vérificateur des données informatiques et de la documentation technique informatique, en contravention avec les dispositions de l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales ;
9. Considérant que par ailleurs, si le vérificateur a relevé des discordances entre le total des relevés mensuels récapitulatifs des bandes de caisses et le montant des recettes comptabilisées par la SARL Le Bull Dog, il ressort des bandes " Z " produites par le requérant devant les premiers juges que la société a enregistré sur sa caisse, au cours des mois de janvier et février 2003, des recettes correspondant à une activité de restauration représentant la majeure partie des discordances relevées ; qu'à cet égard, il fait valoir sans être sérieusement contredit que la SARL Le Bull Dog n'avait elle-même qu'une activité de bar et qu'elle a enregistré sur sa caisse les recettes de la SARL Babylone, avec laquelle elle fonctionnait en participation, et qui avait une activité complémentaire de restauration sur le même site ;
10. Considérant enfin que les anomalies relevées dans la comptabilité matière de la SARL Le Bull Dog, consistant en l'existence d'achats revendus négatifs portant sur certaines bières en bouteille et en la comptabilisation de recettes correspondant à des achats non comptabilisés de bière en fûts, ne sont pas de nature, à elles seules, à priver la comptabilité de la société dans son ensemble de toute valeur probante, et n'autorisaient pas le service à reconstituer le chiffre d'affaires imposable ; que le rejet de la comptabilité de la SARL Le Bull Dog n'étant pas fondé, l'administration n'était pas en droit de procéder à une reconstitution des recettes de cette société au titre des années 2003 et 2004 ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, les impositions résultant de la réintégration aux revenus de M. et Mme C... des revenus réputés distribués correspondant aux recettes regardées comme omises par la SARL Le Bull Dog, qui ont été mises à la charge de M. C... et du foyer fiscal qu'il formait avec son épouse au titre des années 2003 et 2004 doivent être déchargées, ainsi que les pénalités correspondantes ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles le foyer fiscal qu'il formait avec son épouse a été assujetti au titre de l'année 2003 et de l'année 2004, à raison pour cette dernière année de revenus perçus au cours de la période du 1er janvier au 31 mai 2004, et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2004, à raison des revenus perçus au cours de la période du 1er juin au 31 décembre 2004, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1001589 du 27 novembre 2013 est annulé.
Article 2 : M. C... est déchargé, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles le foyer fiscal qu'il formait avec son épouse a été assujetti au titre de l'année 2003 et de l'année 2004, à raison pour cette dernière année de revenus perçus au cours de la période du 1er janvier au 31 mai 2004 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2004, à raison des revenus perçus au cours de la période du 1er juin au 31 décembre 2004.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016 où siégeaient :
- M. Martin, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carotenuto, premier conseiller,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 février 2016.
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N° 14MA00366 3