Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juillet 2015 et le 14 février 2017, la SA Auchan France, représentée par la SCP Baker et McKenzie, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 26 juin 2015 ;
2°) de prononcer la restitution de la taxe sur les surfaces commerciales en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le dispositif de la taxe sur les surfaces commerciales résultant de la modification de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 par la loi de finances pour 2010 n'était pas suffisamment précis pour être appliqué dès le 1er janvier 2010, avant l'entrée en vigueur du décret n° 2010-1026 du 31 août 2010 ;
- ni le ministre du budget ni l'administration fiscale ne pouvaient légalement préciser les règles relatives aux obligations déclaratives des redevables de la taxe sur les surfaces commerciales pour l'année 2010 ;
- le comptable public qui a recouvré la taxe litigieuse pour l'année 2010 n'était pas compétent ;
- l'administration a commis une erreur manifeste sur le lieu d'imposition de la taxe sur les surfaces commerciales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SA Auchan France ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 mars 2017, le président de la 4ème chambre de la Cour a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société requérante, relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 7 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 dans sa version issue de l'article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 ;
- le décret n° 2010-1026 du 31 août 2010 ;
- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que la SA Auchan France, qui exploite un magasin de commerce de détail à Grasse, relève appel du jugement du 26 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les surfaces commerciales qu'elle a acquittée en 2010 au titre de cet établissement ;
En ce qui concerne l'applicabilité des dispositions de la loi du 13 juillet 1972, dans leur rédaction issue de l'article 77 de la loi du 30 décembre 2009 :
2. Considérant que les dispositions des articles 4 et 6 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, relatives à la taxe sur les surfaces commerciales, dans leur rédaction issue de l'article 77 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, prévoient respectivement que : " La taxe est déclarée et payée avant le 15 juin de l'année au titre de laquelle elle est due " et que : " La taxe est due par l'exploitant de l'établissement. Le fait générateur de la taxe est constitué par l'existence de l'établissement au 1er janvier de l'année au titre de laquelle elle est due. La taxe est exigible le 15 mai de la même année " ; que si ces dispositions ont eu pour effet de modifier les règles applicables à l'imputabilité de la taxe sur les surfaces commerciales, à son fait générateur et à son exigibilité dans le temps, la loi du 30 décembre 2009 a maintenu, à l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972, des dispositions précises relatives à l'assiette et aux taux applicables ; que les dispositions de cet article ayant été précisées par celles du décret du 26 janvier 1995 relatif à la taxe sur les surfaces commerciales prises pour son application, toujours en vigueur à la date à laquelle la société requérante a procédé au calcul de ses cotisations, elles ne comportaient aucune ambigüité susceptible d'empêcher les redevables de calculer le montant de la taxe à acquitter ;
3. Considérant que l'article 7 de la loi du 13 juillet 1972, dans sa rédaction issue de l'article 77 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, dispose que : " La taxe est recouvrée, contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe " ; que ces dispositions, qui renvoient aux règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sont suffisamment précises pour que les redevables de la taxe sur les surfaces commerciales identifient le service des impôts des entreprises auquel les déclarations, accompagnées du paiement de la taxe, doivent être adressées, c'est-à-dire le service des impôts des entreprises dans le ressort duquel est situé leur siège ; qu'est sans incidence sur l'applicabilité immédiate de ces dispositions modifiées la circonstance qu'un communiqué de presse du 2 mars 2010 révèle que le ministre chargé du budget, qui n'avait pas compétence pour ce faire, avait alors confié le soin de recevoir les déclarations au service des impôts des entreprises dans le ressort duquel est situé chaque établissement à raison duquel une société est redevable de la taxe et non le service dans le ressort duquel est situé le siège de la société ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA Auchan France n'est pas fondée à soutenir que l'application des modifications apportées à la loi du 13 juillet 1972 par l'article 77 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 était rendue impossible par l'absence de décret d'application prévu par le B de cet article ;
En ce qui concerne les moyens tirés de l'incompétence territoriale du service des impôts des entreprises et du comptable du Trésor public, et de l'erreur relative au lieu d'imposition :
5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société requérante, suivant les prescriptions incompétemment édictées par le ministre chargé du budget dans le communiqué de presse du 2 mars 2010, a procédé à la déclaration et au paiement de la taxe sur les surfaces commerciales dont elle était redevable à raison du magasin de commerce de détail qu'elle exploite à Grasse auprès du service des impôts des entreprises du centre des finances publiques de Grasse ; que toutefois, la circonstance que la taxe litigieuse aurait été déclarée et payée par la société requérante auprès d'un service des impôts des entreprises territorialement incompétent est sans incidence sur la légalité de celle-ci ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que ni la loi du 13 juillet 1972 et les dispositions du code général des impôts auxquelles elle renvoie, ni d'ailleurs le décret du 26 janvier 1995, ne comportent la définition d'un lieu d'imposition de la taxe sur les surfaces commerciales ; que, par suite, la société requérante ne saurait utilement soutenir que le lieu d'imposition de la taxe en litige, tel qu'il résulterait selon elle des prescriptions du communiqué de presse mentionné au point 3, serait erroné ;
7. Considérant, en troisième lieu, que si la société SA Auchan France soutient que le comptable public qui a recouvré la taxe litigieuse n'était pas compétent pour recevoir la déclaration accompagnée du paiement de la taxe sur les surfaces commerciales due par elle au titre de l'année 2010, ce moyen, qui est relatif au contentieux du recouvrement, ne peut être utilement invoqué par la société requérante dans le cadre du contentieux d'assiette qu'elle a engagé ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Auchan France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la SA Auchan France de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SA Auchan France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Auchan France et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017 où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
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N° 15MA03091
nc