Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 août 2015, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 17 juillet 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Vaucluse n° SEJ/84/2015/1066 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, de lui enjoindre de réexaminer sa situation et de lui délivrer un récépissé ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est dépourvu de motivation ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- l'arrêté critiqué ne comporte pas la date à laquelle il a été pris ;
- en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et de l'article 2 du protocole du 28 avril 2008 ;
- la décision portant refus de séjour est illégale dès lors que l'avis défavorable émis le 2 avril 2015 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur est entaché d'illégalité ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les énonciations de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2016, le préfet de Vaucluse conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
La demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été rejetée par une décision du 14 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord entre la France et la Tunisie du 17 mars 1988, modifié ;
- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mastrantuono a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. B..., ressortissant tunisien né en 1992, est entré en France en août 2012 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " étudiant " ; qu'après que son titre de séjour a été renouvelé, il a demandé un changement de statut afin d'obtenir un titre de séjour en qualité de salarié pour exercer le métier de serveur ; que cette demande a été rejetée par un arrêté du préfet de Vaucluse en date du 4 juin 2014, portant également obligation de quitter le territoire français à destination de la Tunisie ; que, par jugement n° 1402462 du 17 octobre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté du 4 juin 2014 ; qu'en exécution de l'injonction de réexamen dont était assorti ce jugement, le préfet de Vaucluse a pris à l'encontre de M. B..., le 16 décembre 2014, un nouvel arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant la Tunisie comme pays de destination ; que, par jugement n° 1404043 du 26 février 2015, le tribunal administratif de Nîmes a annulé ce deuxième arrêté et enjoint au préfet de Vaucluse de réexaminer la demande de changement de statut de M. B... ; que ce dernier relève appel du jugement n° 1501441 du 17 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° SEJ/84/2015/1066 pris à son encontre par le préfet de Vaucluse à l'issue de ce réexamen, portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français à destination de la Tunisie ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées des motifs des décisions défavorables qui les concernent (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
3. Considérant que, par l'arrêté attaqué, le préfet de Vaucluse a refusé à M. B... le bénéfice d'un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé, au motif que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a émis le 2 avril 2015 un avis défavorable à sa demande de changement de statut ; que, toutefois, l'arrêté critiqué, qui ne mentionne aucune décision de refus d'autorisation de travail, se borne à faire référence à cet avis, sans le joindre, et sans s'en approprier la teneur ; que si le préfet de Vaucluse fait état à cet égard de la régularité de la notification de la décision de refus de changement de statut de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en date du 10 avril 2014, il ne soutient pas que le refus de séjour en litige serait fondé sur cette décision et que la mention de l'avis défavorable du 2 avril 2015 procèderait d'une erreur ; que le préfet de Vaucluse, qui n'était pas lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, a ainsi, en méconnaissance des dispositions précitées, insuffisamment motivé sa décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, cette décision et, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi doivent être annulées ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
6. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique seulement, par application des dispositions précitées, qu'il soit enjoint au préfet de Vaucluse de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. B... ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à ce nouvel examen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que, par décision du 14 décembre 2015, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande de M. B... tendant à l'obtention de cette aide ; que, dès lors, son conseil ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; que, toutefois, M. B... ayant également demandé, le cas échéant, le paiement des frais exposés et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au requérant de la somme de 1 500 euros sur ce fondement ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 17 juillet 2015 et l'arrêté n° SEJ/84/2015/1066 du préfet de Vaucluse sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Vaucluse de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour présentée par M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au préfet de Vaucluse et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
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N° 15MA03439