Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 octobre 2016 et le 22 septembre 2017, la SAS Luxury Distribution Cannes, représentée par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 31 août 2016 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu à son argumentation relative au défaut de rejet de sa comptabilité, ni au moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait mettre en oeuvre l'article 117 du code général des impôts s'agissant des omissions de recettes sur les ventes de vêtements aux particuliers, faute de revenus distribués ;
- l'administration, si elle avait entendu rejeter sa comptabilité, aurait dû faire application de la procédure de taxation d'office ;
- la proposition de rectification en date du 16 mai 2007 n'est pas motivée en ce qui concerne le rejet de la comptabilité et la reconstitution de recettes ;
- elle a été privée de la possibilité de soumettre à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le chef de rectification relatif aux recettes omises en ce qui concerne la vente de vêtements aux particuliers en tant qu'il est fondé sur la théorie de l'acte anormal de gestion ;
- les avis de mises en recouvrement, établis au nom d'un tiers, la SAS B...France, sont irréguliers, et sont entachés d'une erreur substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- la notification des avis de mise en recouvrement est irrégulière en raison de l'erreur sur l'identité du destinataire ;
- le vérificateur, qui n'a pas rejeté la comptabilité, ne pouvait procéder à une reconstitution de chiffre d'affaires ;
- c'est à tort que sa comptabilité a été rejetée ;
- le vérificateur a rejeté sa comptabilité en méconnaissance des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-20 ;
- le vérificateur ne pouvait procéder à une reconstitution partielle du chiffre d'affaires, limitée aux ventes de vêtements aux particuliers ;
- le vérificateur n'a pas mis en oeuvre une méthode de reconstitution " recevable " ;
- la taxe sur la valeur ajoutée ne peut être assise que sur des sommes réellement encaissées ;
- l'administration ne pouvait fonder les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur les recettes omises en ce qui concerne les ventes aux particuliers sur la théorie de l'acte anormal de gestion ;
- elle était fondée à imputer sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er février 2003 au 31 mars 2004 la taxe correspondant à une remise consentie à la société B...Édimbourg ;
- l'administration ne pouvait remettre en cause l'imputation sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er février 2003 au 31 mars 2004 de la taxe correspondant à une remise consentie à la société B...Édimbourg sans méconnaître les énonciations de la doctrine administrative référencée 3 B-1112 ;
- c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des factures des fournisseurs Ugo et Baronet au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 janvier 2003 ;
- si l'erreur affectant les avis de mise en recouvrement devait être regardée comme non substantielle, la décharge des majorations et amendes doit être prononcée sur le fondement de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne pouvait mettre en oeuvre l'article 117 du code général des impôts ;
- l'administration ne pouvait faire application de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, en l'absence de sommes distribuées ;
- l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration pour manquement délibéré ;
- en faisant application de la majoration pour manquement délibéré, l'administration a méconnu les énonciations de la doctrine administrative référencée 13 N-1223, reprises au bulletin officiel des impôts 13 N-1-07.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Luxury Distribution Cannes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Chevalier-Aubert, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Antonetti, président de la 4ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la SAS Luxury Distribution Cannes.
1. Considérant que la SAS Luxury Distribution Cannes, anciennement dénommée B...Cannes, qui exerçait une activité de vente de prêt-à-porter, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2002 au 31 mars 2006 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a mis en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée, et a infligé à la société l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts au titre des années 2004, 2005 et 2006 ; que la SAS Luxury Distribution Cannes a contesté ces impositions devant le tribunal administratif de Nice, qui par jugement en date du 31 août 2016 a constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge de la demande à hauteur des sommes dégrevées en cours d'instance, et prononcé la décharge de la majoration pour manquement délibéré appliquée au titre de la période du 1er février 2003 au 31 mars 2004 au rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 10 013 euros, et de l'amende à concurrence de la somme de 51 459 euros ; que la SAS Luxury Distribution Cannes relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement accueilli ses conclusions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort de l'examen des motifs du jugement que le tribunal administratif de Nice a expressément répondu aux moyens contenus dans la demande de la SAS Luxury Distribution Cannes ; qu'en particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de se prononcer sur tous les arguments avancés par les parties, a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que la comptabilité de la société B...Cannes n'a pas été rejetée, en relevant notamment que le vérificateur a mentionné les manquements qu'il a relevés dans la comptabilité, qui l'ont conduit à l'écarter ; que, par ailleurs, il a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait mettre en oeuvre l'article 117 du code général des impôts s'agissant des omissions de recettes sur les ventes de vêtements aux particuliers, faute de revenus distribués, en considérant que les omissions de recettes constatées par le service ne sont pas demeurées investies dans l'entreprise et ont la nature de distributions occultes au sens de l'article 111 c du code général des impôts ; que, par suite, la SAS Luxury Distribution Cannes n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité sur ce point ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, l'administration fiscale pouvait décider de rejeter la comptabilité de la SAS B...Cannes à l'issue du contrôle alors même qu'elle n'a pas mis en oeuvre, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, la procédure de taxation d'office, dont l'application dépend uniquement du non-respect des obligations déclaratives ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée le 16 mai 2007 à la société B...Cannes l'informait notamment des rectifications qui étaient envisagées en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à la suite de la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé avec les particuliers, en précisant la nature, le montant, les motifs de ces rectifications et les périodes auxquelles elles se rapportent ; qu'elle indiquait explicitement les raisons qui avaient conduit le vérificateur à écarter la comptabilité produite par la société, tenant notamment au défaut d'inventaires de stocks, à l'incohérence des marges et à l'absence de présentation de documents de caisse relatifs aux ventes de vêtements réalisées avec les clients particuliers ; qu'elle précisait par ailleurs la méthode de reconstitution des recettes utilisée par le service, qui consistait à déterminer le chiffre d'affaires à partir des achats revendus de vêtements aux particuliers, par l'application d'un coefficient de marge déterminé grâce à l'examen de fiches de transferts de vêtements jointes aux factures de vente à destination d'autres sociétés du groupe, corrigé en fonction des soldes et des remises offertes aux clients particuliers ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification ne serait pas motivée en ce qui concerne le rejet de la comptabilité et la reconstitution de recettes doit être écarté comme manquant en fait ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux recettes omises en ce qui concerne la vente de vêtements aux particuliers, qui résultent d'une reconstitution partielle de chiffre d'affaires, ne sont pas fondés sur la théorie de l'acte anormal de gestion, contrairement à ce que soutient la requérante ; que, par suite, alors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie du désaccord opposant la société B...Cannes à l'administration, a formulé, à l'issue de sa séance du 14 avril 2009, un avis relatif notamment aux rectifications résultant de la reconstitution des chiffres d'affaires des ventes aux particuliers, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de la possibilité de saisir la commission du désaccord l'opposant à l'administration s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur les recettes omises sur les ventes de vêtements aux particuliers en tant qu'ils seraient fondés sur la théorie de l'acte anormal de gestion ;
Sur la régularité des avis de mise en recouvrement :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 256-1 du même livre : " (...) Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications (...) " ;
8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les avis de mise en recouvrement du 7 décembre 2009 ont été envoyés au nom de la SAS B...France, Prêt-à-porter FrancescoB..., à l'adresse de son siège, soit au 3 boulevard de la Croisette à Cannes ; que si la dénomination sociale de la société était alors " B...Cannes ", et non " B...France ", il n'est pas établi, ni même allégué, qu'une autre société dont la dénomination contenait le nom " B... " aurait eu son siège à la même adresse ; qu'ainsi, et alors que les avis de mise en recouvrement faisaient référence aux propositions de rectification adressées à la SAS B... Cannes le 21 décembre 2006 et le 16 mai 2007, à la réponse aux observations du contribuable qui lui a été adressée le 5 septembre 2007, et à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui lui a été envoyé le 1er septembre 2009, cette erreur matérielle affectant la dénomination de la société, qui n'induit aucune ambiguïté sur l'identité du redevable légal, n'a pas de caractère substantiel et ne saurait, par suite, entacher les avis de mise en recouvrement litigieux d'irrégularité ;
9. Considérant, en second lieu, que si la société requérante soutient que du fait de l'erreur dans la dénomination sociale mentionnée sur les avis de mise en recouvrement du 7 décembre 2009, leur notification serait irrégulière, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'aucun risque de confusion quant au destinataire du pli n'est établi ; qu'en tout état de cause, alors que les plis contenant les avis de mise en recouvrement ont été présentés et distribués le 9 décembre 2009 à l'adresse du siège de la société, et que les accusés de réception ont été retournés au service, revêtus d'une signature manuscrite, la requérante ne fournit aucune précision sur l'identité de la personne signataire des accusés de réception et s'abstient d'indiquer la liste des personnes qui, même non expressément habilitées, auraient toutefois entretenu avec elle des relations susceptibles de leur donner qualité pour réceptionner ces plis ; que, dès lors, la société requérante n'établit pas que les plis contenant les avis de mise en recouvrement ne lui auraient pas été régulièrement notifiés ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les ventes de vêtements aux particuliers :
S'agissant du rejet de la comptabilité :
10. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux recettes omises sur les ventes de vêtements aux particuliers ne sont pas fondés sur la théorie de l'acte anormal de gestion, mais résultent d'une reconstitution de chiffre d'affaires mise en oeuvre après le rejet de la comptabilité de la SAS B... Cannes ; que cette dernière n'a pas été en mesure de produire les inventaires de stocks relatifs aux exercices clos en 2004, 2005 et 2006 et que l'examen des documents parcellaires en ce qui concerne les stocks présentés a révélé des incohérences ; qu'aucun document de caisse relatif aux ventes de vêtements réalisées auprès des clients particuliers n'a été présenté ; que, dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit tenir la comptabilité présentée par la société B...Cannes comme non probante et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires des ventes de vêtements aux particuliers ;
11. Considérant, en second lieu, que la requérante ne saurait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-20, relative à la procédure d'imposition, et en tout état de cause publiée postérieurement à la mise en recouvrement des impositions ;
S'agissant de la méthode de reconstitution :
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour reconstituer les recettes omises par la SAS B...Cannes en ce qui concerne les ventes de vêtements aux particuliers au cours de la période courant du 1er février 2003 au 31 mars 2006, le vérificateur a appliqué un coefficient de marge moyen aux achats revendus ; qu'à cette fin, il a déterminé le montant des achats revendus à partir du montant total des achats dont il a retranché la variation de stock constatée à la clôture des exercices ; qu'après avoir constaté, au vu de documents de gestion interne et de la liste d'écarts d'inventaire sur des articles dont les étiquettes ont été conservées que le coefficient de marge bénéficiaire mentionné sur des fiches de transfert de vêtements établies par la société requérante à l'appui de factures de ventes de vêtements à des sociétés du groupe B...était le même que celui qui était pratiqué pour les ventes aux particuliers, il a déterminé le coefficient de marge à partir de ces fiches de transferts, et l'a corrigé en fonction des soldes et des remises offertes aux clients particuliers ; que pour évaluer les recettes omises, le vérificateur a appliqué le coefficient de marge ainsi déterminé aux achats revendus, et a retranché du chiffre d'affaires ainsi calculé le chiffre d'affaires réalisé avec les sociétés du groupe et le chiffre d'affaires déclaré ; qu'ainsi, à supposer que la société appelante ait entendu soutenir, en faisant valoir que la méthode de reconstitution ne serait pas " recevable ", que cette méthode aurait été radicalement viciée ou excessivement sommaire, le moyen ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne la remise consentie à la société B...Edimbourg :
13. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article 267 du code général des impôts, relatif à la taxe sur la valeur ajoutée : " Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition : / 1° Les escomptes de caisse, remises, rabais, ristournes et autres réductions de prix consenties directement aux clients (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 272 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés (...). / L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale " ;
14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a constaté l'enregistrement comptable à la clôture de l'exercice 2004, au titre des opérations diverses, d'une remise de 51 087 euros octroyée à la société B...Edimbourg ; qu'en l'absence de justification, il a estimé que la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à cette remise avait été imputée à tort sur le montant global de la taxe collectée au titre de la période courant du 1er février 2003 au 31 mars 2004 ; que la société requérante, en se bornant à faire valoir que l'administration ne démontre ni l'existence d'une prestation de services rendue par la société B... Edimbourg, ni celle d'une activité passible de la taxe sur la valeur ajoutée, sans produire aucun élément de justification relatif à la rectification de la facture initiale, ne conteste pas utilement le rappel de la taxe correspondant à la remise ainsi consentie ;
15. Considérant, en second lieu, que la société requérante ne saurait, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, se prévaloir des énonciations de la doctrine administrative référencée 3 B-1112, qui ne comportent aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application ;
En ce qui concerne la taxe afférente aux factures des fournisseurs Ugo et Baronet :
16. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;
17. Considérant que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des factures émises par les fournisseurs Ugo et Baronet, pour des montants hors taxes respectifs de 25 801,88 euros et 74 072,83 euros ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants procèdent de ce que l'administration, ayant constaté que les factures ne comportaient aucune indication de la nature de la marchandise, du nombre d'articles et du prix unitaire et que la société B...Cannes, qui n'avait pas présenté les bons de livraison correspondant, s'était bornée à produire deux bordereaux de transfert de vêtements présentés comme correspondant à la seconde facture, mais mentionnant un transfert de vêtements vers un établissement indépendant, et portant sur une valeur inférieure à celles des articles facturés, a écarté ces factures comme n'étant pas de nature à justifier de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ; que si, dans la décision du 5 mars 2013 statuant sur la réclamation préalable de la société B...Cannes, l'administration avait substitué au motif ainsi retenu par le vérificateur un nouveau motif, tiré de l'absence de régularité formelle des factures, elle a de nouveau entendu, devant le tribunal administratif puis devant la Cour, fonder les rappels sur le motif initialement retenu ; que la société requérante, en se bornant à faire valoir que l'administration fonderait la remise en cause de la déduction sur le caractère irrégulier des factures, sans produire aucun élément de nature à démontrer que les factures correspondent à des livraisons qui lui avaient été réellement faites pour les besoins de sa propre activité, ne conteste pas utilement les rectifications ;
Sur les pénalités :
18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard (...) " ;
19. Considérant que la simple erreur matérielle entachant les avis de mise en recouvrement du 7 décembre 2009 quant à la dénomination sociale de la redevable ne peut être regardée comme une erreur non substantielle commise dans le cadre de la procédure d'imposition ; que, par suite, il n'y a pas lieu de faire application du 1er alinéa de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :
20. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
21. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SAS B...Cannes a entaché sa comptabilité d'insuffisances graves et a, de façon répétée, perçu des recettes non comptabilisées ; que l'ensemble de ces constatations traduit une volonté délibérée d'éluder l'impôt ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve d'un manquement délibéré de la requérante ; que cette dernière n'est ainsi pas fondée à demander la décharge des majorations mises à sa charge ;
22. Considérant, en second lieu, que la société requérante ne peut se prévaloir des énonciations de la doctrine administrative référencée 13 N-1223, reprises au bulletin officiel des impôts 13 N-1-07, qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui a été faite application ;
En ce qui concerne l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :
23. Considérant qu'aux termes de l'article 1763 A du code général des impôts, dont les dispositions sont reprises à l'article 1759 depuis le 1er janvier 2006 : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) " ; qu'aux termes de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 " ; et qu'aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) " ;
24. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a invité la SAS B... Cannes, dans la proposition de rectification du 16 mai 2007, à désigner les bénéficiaires des distributions correspondant notamment aux omissions de recettes sur les ventes de vêtements aux particuliers, ainsi qu'à des recettes auxquelles la société a été regardée comme ayant renoncé en ce qui concerne les ventes de vêtements à des sociétés du groupe B...au titre des exercices clos en 2004, 2005 et 2006 ; que l'administration, estimant que la réponse formulée par la société, par laquelle elle s'est bornée à contester la mise en oeuvre de l'article 117 du code général des impôts, devait être assimilée à un défaut de réponse, lui a appliqué l'amende mentionnée à l'article 1759 du code général des impôts pour défaut de désignation des bénéficiaires des revenus réputés distribués ;
25. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que le service aurait eu connaissance des bénéficiaires des distributions, à la supposer même établie, n'était pas de nature à lui interdire d'inviter la société requérante, dans les conditions prévues à l'article 117 du code général des impôts, à désigner les bénéficiaires des distributions occultes et ne faisait pas obstacle à ce qu'elle lui applique, à défaut de réponse de sa part, l'amende prévue à l'article 1759 du même code ;
26. Considérant, en deuxième lieu, que l'administration, qui a relevé que la SAS B... Cannes a revendu des vêtements à d'autres sociétés du groupe B...pour un prix inférieur de 25 à 30 % à leur prix de revient, apporte la preuve que ces prix étaient anormalement bas ; que si la requérante, qui indique elle-même que les cessions de marchandises non écoulées entre les sociétés du groupe sont généralement réalisées avec une marge de 5 %, soutient qu'elle était dans l'impossibilité de revendre les marchandises concernées en réalisant une marge bénéficiaire, elle se borne à faire état des différentes pratiques de déstockage mises en oeuvre dans le secteur textile de luxe, sans produire aucun élément de justification des difficultés de commercialisation des marchandises concernées ni fournir aucune indication quant aux prix de vente finaux escomptés ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, l'administration était fondée à réintégrer dans les bases imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2004, 2005 et 2006 le montant des recettes auxquelles la SAS B...Cannes a ainsi renoncé, et à les regarder comme des sommes désinvesties constitutives de revenus distribués excédant le montant total des distributions déclarées par l'entreprise ; qu'il en va de même des recettes omises en ce qui concerne les ventes de vêtements aux particuliers, dont le montant a été déterminé selon la méthode de reconstitution exposée au point 12, que l'administration, contrairement à ce qui est soutenu, a pu regarder comme des distributions occultes sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts ; que la société requérante n'est, dès lors, pas fondée à contester le bien-fondé de l'amende qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;
27. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Luxury Distribution Cannes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
28. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Luxury Distribution Cannes est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Luxury Distribution Cannes et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 27 février 2018, où siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Boyer, premier conseiller,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 mars 2018.
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N° 16MA04014
mtr