Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 décembre 2013, la SAS Oceasoft, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 octobre 2013 ;
2°) de prononcer la restitution sollicitée ;
3°) de désigner un expert afin de déterminer l'éligibilité au crédit d'impôt recherche des dépenses qu'elle a déclarées au titre de l'année 2010 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 15 décembre 2011 ;
- l'administration n'a pas suffisamment motivé cette décision en méconnaissance des articles L. 190 et R. 198-10 alinéa 3 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne démontre pas en quoi les projets déclarés ne sont pas éligibles au crédit impôt recherche
- le rapport de l'expert mandaté par la direction régionale à la recherche et à la technologie n'est ni daté ni signé et ne permet donc pas d'identifier son auteur ;
- il contient des appréciations techniques contestables, notamment en ce qu'il repose sur des éléments déterminés forfaitairement ;
- les conclusions de l'expertise complémentaire réalisée après la production de nouvelles pièces ne lui ont pas été communiquées ;
- l'ensemble du rapport de l'expert doit être rejeté en application d'une part de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts et, d'autre part, de la doctrine administrative sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de la notification du questionnaire relatif aux dépenses engagées en 2010 qui lui aurait été adressé le 17 juillet 2012.
Par un mémoire en défense enregistré par télécopie le 7 mai 2014 et régularisé par courrier le 14 mai suivant, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carotenuto,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS Oceasoft, spécialisée dans la surveillance et la traçabilité de mesures de température et autres paramètres physiques dans les secteurs de la santé, de l'agroalimentaire et de l'industrie, a sollicité le 14 mars 2011 le remboursement d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2010 pour un montant de 74 651 euros ; que par une décision du 19 décembre 2011, l'administration n'a que partiellement admis le bien-fondé de cette demande à hauteur d'un montant de 13 437 euros, résultant de l'application aux dépenses déclarées d'un taux de 18 % correspondant à la moyenne des dépenses jugées éligibles au cours des années 2007 à 2009 ; que la SAS Oceasoft relève appel du jugement du 31 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté son recours tendant à la restitution de la somme de 61 214 euros, correspondant au complément de crédit d'impôt recherche auquel elle estime avoir droit ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que si la SAS Oceasoft soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 19 décembre 2011 en tant qu'elle rejette partiellement sa demande de restitution d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2010, il ressort de la lecture du jugement attaqué que les premiers juges ont expressément et de façon suffisamment circonstanciée écarté ce moyen comme inopérant ; que par suite, la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait sur ce point entaché d'une insuffisante motivation ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
3. Considérant, d'une part, que la demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche présentée sur le fondement des dispositions de l'article 199 ter B du code général des impôts constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; que la décision par laquelle l'administration rejette tout ou partie d'une telle réclamation n'a pas le caractère d'une procédure de reprise ou de redressement ; qu'ainsi, les irrégularités susceptibles d'avoir entaché la procédure d'instruction de cette réclamation sont sans incidence sur le bien-fondé de la décision refusant de rembourser le crédit d'impôt recherche ; que par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision susmentionnée du 19 décembre 2011 doit être écarté ;
4. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales, selon lesquelles " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article L. 45 B peut être vérifiée soit par des agents dûment mandatés par le directeur de la technologie, soit par les délégués régionaux à la recherche et à la technologie ou par des agents dûment mandatés par ces derniers ", n'imposent pas à l'administration de communiquer l'identité des agents mandatés par les délégués régionaux à la recherche et à la technologie ; qu'il ressort de la proposition de rectification du 13 décembre 2011 relative notamment au crédit d'impôt recherche revendiqué par la société requérante au titre des années 2007 à 2009 que le rapport d'expertise communiqué au cours du mois de juin 2011 à la société Oceasoft a été rédigé par un agent mandaté par la direction régionale à la recherche et à la technologie du Languedoc-Roussillon ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'auteur de ce rapport n'aurait pas présenté les garanties d'impartialité ni disposé des compétences requises pour mener à bien la mission qui lui a été confiée en ce qui concerne l'activité de la société requérante ; qu'enfin, au terme de la nouvelle analyse à laquelle il a procédé après la production, en septembre 2011, de nouvelles pièces, ce même agent a maintenu l'ensemble de ses conclusions initiales, en des termes dont le résumé a été retranscrit dans le corps de la décision du 19 décembre 2011 ; que, dans ces conditions, les moyens tirés d'une part de ce que le rapport d'expertise qui a été communiqué au cours du mois de juin 2011 à la société Oceasoft ne serait ni daté ni signé, d'autre part de ce que les conclusions de la seconde analyse n'auraient pas été communiquées à la société requérante doivent, en tout état de cause, être écartés, dès lors qu'ils n'ont pas eu pour effet de priver cette société d'une garantie procédurale ;
En ce qui concerne le bien-fondé du refus partiel de restitution du crédit d'impôt recherche :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 decies et 44 undecies qui exposent des dépenses de recherche peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) " ;
6. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si des dépenses sont éligibles au dispositif du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées du code général des impôts ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction le service a sollicité en cours d'instance, le 17 juillet 2012, une expertise auprès de la direction régionale à la recherche et à la technologie s'agissant du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2010 et adressé le même jour à la société Oceasoft un questionnaire portant sur la description des projets de recherche réalisés et sur les justificatifs des dépenses engagées au cours de l'année 2010 ; que si la société requérante soutient que l'administration n'établit pas que la demande de renseignements lui aurait été effectivement notifiée, un courriel du 12 novembre 2012 adressé par M. Rousseau, président de la société, à Mme B..., adjointe du délégué régional à la recherche et à la technologie, accuse réception de la demande formulée à fin de production d'un dossier complet relatif à l'année 2010 ; que cette demande a été renouvelée dans un second message en date du 11 janvier 2013 que la société requérante ne conteste pas avoir reçu ; que l'administration fait valoir sans être contredite que la SAS Oceasoft n'a pas produit les pièces demandées ; que, dès lors, si la société requérante est fondée à critiquer la méthode initialement adoptée par l'administration pour déterminer le montant du crédit d'impôt recherche auquel elle pouvait prétendre au titre de l'année 2010 en ce qu'elle ne s'appuyait pas sur le détail des dépenses effectivement engagées au titre de ladite année, il résulte de l'instruction que le comportement de cette société n'a pas permis à l'administration de recourir à une méthode plus précise ; que la société Oceasoft n'est donc pas fondée à remettre en cause le caractère forfaitaire des dépenses retenues par l'administration ; qu'en se bornant à contester les conclusions d'un rapport d'expertise relatif aux dépenses engagées au cours des années 2007, 2008 et 2009, elle ne justifie pas davantage de la consistance et de la nature des dépenses de recherche et développement qu'elle a effectivement engagées au titre de l'année 2010, alors au demeurant qu'elle indique que les projets menés ne seraient pas semblables ; que par suite, la SAS Oceasoft, qui ne permet pas au juge de l'impôt d'apprécier si elle remplit les conditions pour bénéficier du crédit d'impôt recherche institué par l'article 244 quater B du code général des impôts au titre de l'année 2010, n'est pas fondée à soutenir que le volume des dépenses de recherche engagées par elle au titre de la même année aurait été supérieur à celui admis par l'administration ;
8. Considérant que la société requérante ne saurait utilement invoquer l'instruction administrative référencée n° 4 A-3-12 en date du 3 février 2012, postérieure à l'année en litige ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que la SAS Oceasoft n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande la SAS Oceasoft au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Oceasoft est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Oceasoft et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2016, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- M. Martin, président-assesseur,
- Mme Carotenuto, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 juin 2016.
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N° 13MA05118 3
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