Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 février 2014, la SARL Le Poisson Rouge, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires et rappels en cause.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors d'une part, qu'en violation des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration s'est fondée sur des informations obtenues de l'autorité judiciaire dont elle n'a pas eu communication et qui n'ont pas fait l'objet d'un véritable débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
- des éléments de la procédure pénale, autres que les " cahiers de recettes occultes ", ont été nécessairement consultés par le vérificateur et ont été déterminants pour établir les redressements notifiés ;
- le service n'a pas pris en compte, dans ses résultats, les salaires et charges sociales concernant M.A..., gérant salarié, et MmeC..., associée et salariée ;
- les pénalités qui lui ont été appliquées sont irrégulières dès lors qu'elle a désigné les bénéficiaires des revenus réputés distribués.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Le Poisson Rouge, qui exploite à Port Vendres un restaurant de bord de mer ouvert d'avril à octobre et qui a pour associés M. A... et Mme C..., a fait l'objet en 2008 d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007 ; que le vérificateur a écarté la comptabilité comme dépourvue de valeur probante et a reconstitué le chiffre d'affaires de l'entreprise ; qu'il en est résulté des redressements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités, qui ont été notifiés par proposition de rectification en date du 19 décembre 2008 ; qu'en réponse aux observations formulées par la SARL Le Poisson Rouge, le vérificateur a, par lettre du 16 mars 2009, confirmé ces redressements et lui a appliqué, au titre des années 2006 et 2007, l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts pour absence de désignation des bénéficiaires des revenus réputés distribués ; que la SARL Le Poisson Rouge relève appel du jugement en date du 17 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions susmentionnées ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; que, d'autre part, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification des pièces comptables saisies et détenues par l'autorité judiciaire, de soumettre l'examen de ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable ;
3. Considérant que si la SARL Le Poisson Rouge soutient que l'administration ne l'a pas informée en temps utile du déplacement du vérificateur au tribunal de grande instance de Perpignan, aucune disposition n'impose que le contribuable soit présent lorsque le vérificateur consulte des documents saisis par l'autorité judiciaire ; que si la SARL Le Poisson Rouge fait également valoir qu'elle n'a pu examiner contradictoirement avec le vérificateur les éléments qui ont été consultés par celui-ci dans l'exercice, le 14 novembre 2008, de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire et qui ont servi à fonder les impositions, il résulte cependant de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 19 décembre 2008 et de la réponse faite le 16 mars 2009 aux observations de la société requérante, que les coordonnées du lieu de la consultation sont précisément données dans cette proposition de rectification, laquelle précise également les sources des renseignements recueillis, à savoir les deux cahiers découverts au siège du restaurant et au domicile de MmeC..., et la teneur de ces cahiers, à savoir les recettes journalières pour les trois exercices en cause ; que ces éléments ont été débattus le 11 décembre 2008 avec le conseil de la société requérante ; que dans la réponse aux observations de cette dernière, le vérificateur lui a indiqué que son avocat avait la possibilité de consulter au tribunal de grande instance les pièces saisies ; que rien ne démontre que le vérificateur aurait pris copie des sources de renseignements en litige ; qu'enfin, si la société requérante affirme que d'autres éléments que les deux cahiers de recettes occultes auraient été consultés par le vérificateur et exploités par celui-ci, l'exactitude de cette allégation n'est pas établie ; que par suite le moyen selon lequel les dispositions susmentionnées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales auraient été méconnues doit être écarté, tout comme le moyen selon lequel la société requérante aurait été privée, s'agissant de l'examen de pièces saisies, d'un débat oral et contradictoire ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge... " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que la comptabilité de la SARL Le Poisson Rouge était dépourvue de caractère probant et que l'administration s'est conformée à l'avis rendu le 16 février 2010 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, il appartient à la société requérante, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'établir que les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2005 à 2007 présentent un caractère exagéré ;
En ce qui concerne les charges déductibles :
6. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ;
7. Considérant que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
8. Considérant que si la SARL Le Poisson Rouge soutient que l'administration aurait dû prendre en compte, au titre des charges déductibles, les sommes occultes versées aux deux associés à titre de salaires ainsi que les charges sociales correspondantes, dans la mesure où elle l'a admis pour les autres salariés de l'entreprise, conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la société requérante n'apporte aucun élément de preuve quant à l'exactitude des salaires dont elle revendique la déduction, soit pour chacun des associés les sommes de 18 500, 22 500 et 19 500 euros au titre des trois années, ni quant à la matérialité du paiement de ces sommes aux deux personnes qui en auraient été bénéficiaires ; qu'en outre, s'agissant des charges sociales correspondantes, les rappels de cotisations sociales consécutifs à des redressements doivent être compris dans les charges de l'exercice au cours duquel l'entreprise s'est reconnue débitrice des droits rappelés ou, en cas de contestation, de l'exercice au cours duquel la décision de rappel a été rendue exécutoire ; que la décision de gestion exprimant la reconnaissance par l'entreprise d'une telle dette est matérialisée, soit par l'inscription à un compte de charges à payer, soit par le paiement ; qu'en l'espèce, la société requérante ne justifie pas s'être reconnue débitrice des cotisations en cause avant la fin de l'exercice 2007, le montant des cotisations dues n'ayant d'ailleurs été déterminé qu'au cours de l'année 2008, à la suite d'un contrôle effectué par l'URSSAF ; que, dès lors, c'est à bon droit que le service vérificateur n'a pas admis la déduction en charges, au titre des exercices 2005, 2006 et 2007, des sommes occultes en cause ;
Sur l'amende infligée en application de l'article 1759 du code général des impôts :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées... " ; qu'aux termes de l'article 117 : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 " ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que vérificateur a demandé à la SARL Le Poisson Rouge, dans la proposition de rectification en date du 19 décembre 2008, de désigner les bénéficiaires des revenus regardés comme distribués ainsi que les montants et les dates d'appréhension par bénéficiaire ; que dans ses observations en date du 15 janvier 2009 faisant suite à cette proposition de rectification, la société requérante a répondu en indiquant : " Mme C...est désignée comme bénéficiaire des revenus " ; que le service a regardé cette réponse comme non vraisemblable dès lors, d'une part, que les deux associés avaient déclaré, lors de leur audition dans le cadre de la procédure pénale, que les recettes occultes étaient réparties par moitiés entre eux deux, et, d'autre part, que M. A...établissait en qualité de gérant la plupart des notes clients ;
11. Considérant que devant la Cour la société requérante persiste comme en première instance à soutenir que l'administration aurait dû regarder les deux associés comme désignés à part égale à raison de diverses informations qu'elle détenait ; que toutefois, alors qu'une telle double désignation ne ressortait pas des observations formulées le 15 janvier 2009, la société requérante se borne à se prévaloir de courriers tardifs au regard du délai de trente jours prévu par les dispositions susmentionnées de l'article 117 du code général des impôts, assimilables à un défaut de réponse ; qu'il s'ensuit que les conclusions en décharge de l'amende en cause doivent être rejetées ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Le Poisson Rouge n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Le Poisson Rouge est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Poisson Rouge et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- M. Martin, président-assesseur,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juin 2016.
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N° 14MA00875
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