Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 février 2014, la SARL Loisirs d'été, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires et rappels en cause ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les pièces comptables autres que les justificatifs des recettes ont été communiquées au service ;
- les éléments recueillis auprès des établissements Malaval ne pouvaient être retenus par le service que s'ils étaient corroborés par des constatations propres à son activité et à sa situation ;
- elle a apporté la preuve qu'elle n'a pas procédé aux achats relevés chez ce fournisseur.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 juin 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public,
- et les observations de Me B...représentant la SARL Loisirs d'été.
1. Considérant que la société Loisirs d'été, titulaire d'une concession de plage à Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), a pour activités l'exploitation d'un bar-restaurant et la location de matériel de plage ; que cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a conduit le service à écarter les résultats qu'elle avait déclarés et à reconstituer le chiffre d'affaires imposable pour les exercices 2005 à 2007 ; qu'à raison de cette reconstitution, elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; que la SARL Loisirs d'été relève appel du jugement du 31 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'imposition ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
2. Considérant que si la société requérante fait valoir que le tribunal aurait à tort estimé qu'elle n'avait pas tenu de comptabilité, elle ne conteste toutefois pas que, comme l'a relevé le vérificateur, elle n'a présenté à l'administration aucune pièce justifiant de ses recettes ; que, dès lors, le service a pu, à bon droit, tenir la comptabilité de la société Loisirs d'été pour non probante et procéder à la reconstitution extra-comptable du chiffre d'affaires annuel ;
En ce qui concerne la détermination des bases d'imposition :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge... " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la comptabilité de la SARL Loisirs d'été était dépourvue de caractère probant ainsi qu'il est dit au point 2 et que l'administration s'est conformée à l'avis rendu le 17 novembre 2009 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, il appartient à la société requérante, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'établir que les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige présentent un caractère exagéré ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 F du livre des procédures fiscales : " Pour rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée en application du code général des impôts ainsi qu'aux dispositions adoptées par les Etats membres pour l'application de l'article 22-3 de la sixième directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977, les agents des impôts ayant au moins le grade de contrôleur peuvent se faire présenter les factures, la comptabilité matière ainsi que les livres, les registres et les documents professionnels pouvant se rapporter à des opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation et procéder à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation. A cette fin, ils peuvent avoir accès de 8 heures à 20 heures et durant les heures d'activité professionnelle de l'assujetti aux locaux à usage professionnel, à l'exclusion des parties de ces locaux affectées au domicile privé, ainsi qu'aux terrains et aux entrepôts. Ils ont également accès aux moyens de transport à usage professionnel et à leur chargement. Ils peuvent obtenir ou prendre copie, par tous moyens et sur tous supports, des pièces se rapportant aux opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation. Ils peuvent recueillir sur place ou sur convocation des renseignements et justifications. Ces auditions donnent lieu à l'établissement de comptes-rendus d'audition. L'enquête définie au présent article ne relève pas des procédures de contrôle de l'impôt prévues aux articles L. 10 à L. 47 A. En outre, chaque intervention fait l'objet d'un procès-verbal relatant les opérations effectuées. " ; qu'aux termes de l'article L. 80 H du même livre : " (...). Les constatations du procès-verbal ne peuvent être opposées à cet assujetti ainsi qu'aux tiers concernés par la facturation que dans le cadre des procédures de contrôle mentionnées à l'article L. 47 au regard des impositions de toute nature et de la procédure d'enquête prévue à l'article L. 80 F. " ; qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) " ; que les dispositions combinées des articles L. 80 F et L. 80 H du livre des procédures fiscales permettent à l'administration fiscale d'enquêter, dans les conditions qu'elles définissent, sur les manquements aux règles de facturation applicables aux personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et de rechercher notamment d'éventuelles factures fictives ; qu'elle peut ensuite, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 80 H de ce livre, se fonder sur les éléments recueillis dans le cadre de cette enquête pour les opposer à un tiers concerné dans le cadre d'une vérification de comptabilité, dans les conditions prévues notamment par l'article L. 47 du même livre ;
6. Considérant que le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de la société requérante, selon la procédure contradictoire prévue par les articles L. 55 à L. 61 du livre des procédures fiscales, en prenant en compte, ainsi qu'il était en droit de le faire sur le fondement des dispositions précitées, les renseignements obtenus auprès de la SARL Malaval, grossiste en boissons, dans le cadre de la procédure d'enquête conduite à l'encontre de cette dernière société et consignés dans un procès-verbal en date du 28 novembre 2007 ; que le vérificateur s'est ainsi fondé sur des achats non déclarés pour des montants de 90 200 euros en 2005, 83 800 euros en 2006 et 74 600 euros en 2007, effectués par la requérante auprès de la société Malaval, dès lors que cette dernière société avait désigné dans le procès-verbal du 28 novembre 2007 la SARL Loisirs d'été comme étant le client réel de ventes payées en argent liquide qu'elle facturait à des clients fictifs, figurant dans ses livres sous les noms de Plage Quicksilver et Plage Quicksilver II ainsi que sous le numéro 41120547 ; qu'à ces achats non déclarés le vérificateur a appliqué le coefficient de marge déclaré par la SARL Loisirs d'été ;
7. Considérant que si l'administration ne peut, en principe, pour déterminer les bases d'imposition d'un contribuable, utiliser les éléments qu'elle a recueillis auprès de tiers, dans le cadre de son droit de communication ou d'enquête, que si ces éléments sont corroborés par des constatations propres à l'entreprise, aux activités ou à la situation de ce contribuable, elle peut néanmoins se fonder sur ces seuls éléments lorsque le contribuable ne lui fournit aucun élément propre à son entreprise, à ses activités ou à sa situation ;
8. Considérant que si la SARL Loisirs d'été soutient qu'ayant produit l'ensemble des éléments en sa possession de nature à démontrer qu'elle n'a pas procédé aux achats en cause, le service ne pouvait lui opposer les factures émises par la société Malaval, la société requérante ne conteste pas formellement être le client de la société Malaval identifié sous les noms de Plage Quicksilver et Plage Quicksilver II, ainsi que sous le numéro 41120547 ; que les relevés bancaires, les factures d'achats régulières et les déclarations CA3 produits par la requérante ne pouvaient suffire à établir l'absence d'achats auprès de la société Malaval, alors que dans le cadre de l'enquête menée par l'administration avait été relevée la circonstance que les achats retracés dans le compte Quicksilver II étaient payés en espèces ; que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les informations recueillies par le service ne seraient pas corroborées par des constatations propres à sa situation, dans la mesure où elle ne conteste pas davantage le fait, retenu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qu'ont été découverts dans ses documents comptables des " éléments révélateurs de la même pratique, à savoir des factures établies par d'autres fournisseurs au nom d'autres entreprises, enregistrées en poste achats et réglées par débit bancaire " ; qu'enfin, ainsi qu'il a été dit au point 6, la reconstitution des recettes a été effectuée à partir des achats non déclarés auxquels a été appliqué un coefficient déterminé par la société requérante ;
9. Considérant que, dans ces conditions, la SARL Loisirs d'été n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que les factures émises par la société Malaval ne lui seraient pas opposables, ni que la méthode mise en oeuvre par le service pour reconstituer le montant de ses recettes présenterait un caractère radicalement vicié ou excessivement sommaire ; qu'il s'ensuit que sa critique des redressements en cause ne peut être accueillie ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Loisirs d'été n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Loisirs d'été demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Loisirs d'été est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Loisirs d'été et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- M. Martin, président-assesseur,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juin 2016.
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N° 14MA00751
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