Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2015, Mme A..., représentée par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 avril 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 30 octobre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit ;
- la décision de refus de séjour a été signée par une autorité incompétente ;
- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet, en lui refusant l'admission exceptionnelle au séjour, a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale dès lors que la décision de refus de titre de séjour est illégale ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation avant de fixer la Turquie comme pays de destination ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les observations de MeB..., substituant Me Ruffel, représentant Mme A....
1. Considérant que MmeA..., née en 1986, de nationalité turque, relève appel du jugement en date du 17 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A..., entrée sur le territoire français en décembre 2007, a épousé au mois de novembre 2009 un compatriote avec lequel elle a eu deux enfants nés en France en 2009 et 2012 ; que M. A..., dont il n'est pas contesté qu'il est arrivé en France en 2003, à l'âge de quatorze ans, séjourne régulièrement sur le territoire français sous le couvert d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce et alors même que Mme A...relève des catégories ouvrant droit au regroupement familial, l'arrêté attaqué du 30 octobre 2014 a porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, cet arrêté méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que le jugement en litige et l'arrêté contesté doivent par suite être annulés ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Ruffel, avocat de Mme A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Ruffel renonce à la perception de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1406032 en date du 17 avril 2015 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 30 octobre 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Ruffel, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2016.
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N° 15MA04407