Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juin 2018, M. A..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 mai 2018 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 2 août 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté, qui a pour conséquence de séparer les enfants de leur père, est également contraire au paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Carotenuto a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 31 mai 2018 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié au Maroc le 5 décembre 2004 avec Mme C... A...néeB..., compatriote, qui réside en France depuis 2004, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en octobre 2024, avec laquelle il a eu trois enfants nés en France en 2008, 2012 et 2016 et dont les deux aînés sont scolarisés à Nice respectivement à l'école primaire et à l'école maternelle. Si le requérant n'est pas en mesure d'établir la date précise de son entrée sur le territoire français, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté qu'il justifie la réalité de sa vie familiale sur le territoire français au moins depuis le mois d'avril 2015. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet des Alpes-Maritimes, en refusant à M. A... le titre de séjour sollicité, a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Il y a lieu d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 août 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
6. Le présent arrêt implique nécessairement, compte tenu de ses motifs et alors qu'aucun changement des circonstances de droit ou de fait n'est invoqué, que le préfet des Alpes-Maritimes délivre à M. A... un titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à l'intéressé un tel titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 31 mai 2018 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 août 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A... un titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 décembre 2018.
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N° 18MA02783
jm