Par un jugement n°1901957 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 mai 2019 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Hérault du 18 mars 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;
- il est exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine, lesquels sont justifiés par de nouvelles circonstances survenues depuis les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur sa demande d'asile ; les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination sont à cet égard entachées d'erreur de fait ; la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et celle fixant le pays de destination d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire est insuffisamment motivée ;
- le prononcé même d'une interdiction de retour est disproportionné au regard de sa situation et des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève et s'en remet à son argumentation de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu en audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant turc né en 1992, relève appel du jugement du 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 18 mars 2019 par lesquelles le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de quatre mois.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire, le tribunal administratif a, dans le jugement attaqué, étudié précisément les pièces produites par le requérant au sujet des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que ce dernier alléguait encourir en cas de retour dans son pays d'origine, ainsi que les décisions prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile sur la demande d'asile de l'intéressé. Si, pour écarter ensuite les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, le tribunal a simplement mentionné que le requérant n'apportait pas la preuve des risques allégués, il a ce faisant, compte-tenu des éléments qu'il avait précédemment exposés au titre de l'examen de la décision portant obligation de quitter le territoire, suffisamment motivé son jugement.
Sur la légalité des décisions contestées :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) / (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée.".
4. En l'espèce, l'arrêté litigieux vise les dispositions applicables et énonce notamment que, par une décision du 29 septembre 2017, confirmée par une décision du 29 janvier 2019 de la Cour nationale du droit d'asile, le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile présentée par M. A.... Alors même que la production de pièces complémentaires par le requérant le 4 mars 2019 et l'intégralité des éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé n'y sont pas mentionnées, la décision portant obligation de quitter le territoire est dès lors suffisamment motivée.
5. Si l'intéressé soutient, malgré la décision de la Cour nationale du droit d'asile, qu'il serait exposé à des risques s'il était obligé de rejoindre son pays d'origine, de telles circonstances sont inopérantes à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire qui n'implique pas, en elle-même, une telle obligation. Les moyens tenant à l'erreur de fait et à l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle du requérant doivent dès lors être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
6. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à des peines ou des traitements inhumains ".
7. D'une part, si M. A... produit un document destiné à établir qu'il a bien été employé par une école appartenant au réseau Gülen entre les années 2012 et 2014, cette circonstance a été admise par la Cour nationale du droit d'asile qui n'a toutefois pas estimé que l'intéressé était exposé de ce fait à des risques justifiant sa protection. M. A... ne fournit pas, dans la présence instance, d'explication et de justification quant aux risques que ce seul emploi lui ferait courir. D'autre part, le requérant ne justifie pas être exposé à de quelconques dangers en produisant la copie d'un courrier électronique peu probant, daté du 12 février 2019, qui lui aurait été adressé par son frère et qui rapporte que les gendarmes seraient venus le chercher dans son village. Dès lors, ainsi que l'a relevé le préfet sans entacher sa décision d'erreur de fait ou d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. A... n'apporte pas, eu égard aux éléments déjà exposés devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, d'éléments nouveaux de nature à établir la réalité des risques personnels qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine et n'établit pas l'existence de tels risques.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :
8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) / (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
9. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Il incombe ainsi à l'autorité compétente de faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet et à la menace pour l'ordre public que sa présence représente.
10. En l'espèce l'arrêté contesté mentionne, au titre de ces éléments de situation, les conditions d'entrée et de séjour de M. A..., la durée de sa présence, l'absence d'établissement de liens familiaux en France et de justification d'un isolement dans son pays d'origine, enfin la circonstance qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public. S'il n'est pas mentionné qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, ce qui au demeurant se comprend des mentions relatives à ses conditions d'entrée et de séjour sur le territoire, il n'en résulte pas que la décision portant interdiction de retour serait insuffisamment motivée.
11. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte ni des éléments qu'il produit afin d'établir les risques qu'il encourrait dans son pays d'origine, analysés ci-dessus au point 7, ni des circonstances qu'il n'a jamais fait l'objet de précédente mesure d'éloignement et que sa présence ne représente pas une menace pour l'ordre public que le prononcé même d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire serait, dans son principe, disproportionné.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme sur leur fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Me C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2021.
N°19MA04871 2