Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 juin 2019, Mme G... B... et Mme E... D... épouse B..., représentées par Me C..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 avril 2019 ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 25 000 euros chacune ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que l'Etat a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Mme G... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2019.
Mme E... D... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (55%) par une décision du 25 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., placé en détention au centre pénitentiaire d'Aix-Luynes à Aix-en-Provence s'est suicidé par pendaison dans sa cellule, le 28 février 2014. Mme E... B..., sa grand-mère, et Mme G... B..., sa tante, relèvent appel du jugement du 26 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande de réparation à l'Etat des préjudices occasionnés par son décès.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. La responsabilité de l'Etat en cas de préjudice matériel ou moral résultant du suicide d'un détenu peut être recherchée pour faute des services pénitentiaires en raison notamment d'un défaut de surveillance ou de vigilance. Une telle faute ne peut toutefois être retenue qu'à la condition qu'il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas pris, compte tenu des informations dont elle disposait, en particulier sur les antécédents de l'intéressé, son comportement et son état de santé, les mesures que l'on pouvait raisonnablement attendre de sa part pour prévenir le suicide.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... B..., âgé de trente-huit ans, incarcéré le 14 décembre 2013 au centre pénitentiaire d'Aix-Luynes, a présenté dès son arrivée dans l'établissement, des signes de troubles psychiatriques qui ont conduit à son hospitalisation d'office au centre hospitalier de Montperrin du 17 décembre 2013 au 24 décembre 2013. Il a fait l'objet, à son retour, d'une surveillance particulière et, à la suite d'une nouvelle aggravation de son état, il a été admis en consultation au service de soins psychiatriques aux détenus les 26 et 27 février 2014. Le 28 février au matin, après avoir déclaré, lors de l'appel des détenus, ne pas se sentir bien, il a immédiatement été admis en consultation psychiatrique puis, le médecin n'ayant pas recommandé son hospitalisation, il a réintégré sa cellule et a continué à faire l'objet d'une surveillance spécifique, comme l'avait prescrit le psychiatre dans la fiche de liaison du service le 27 février 2014. Dans ces conditions et ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal administratif, les requérantes ne sont pas fondées à invoquer un dysfonctionnement de la transmission des informations médicales et l'administration doit être regardée comme ayant identifié le risque suicidaire présenté par le détenu, qui au demeurant lors de l'entretien qui a eu lieu le 10 février 2014 avec la conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation, semblait se projeter dans un avenir, notamment professionnel, plus lointain et avait déclaré que son incarcération avait été bénéfique au regard des problèmes d'addiction qu'il rencontrait, liés en particulier à la consommation de drogue.
4. En second lieu, et comme l'ont jugé également à juste titre les premiers juges, si les requérantes invoquent une absence de prise en charge du risque suicidaire présenté par M. A... B..., il résulte toutefois de l'instruction, non contredite en cause d'appel, qu'il a été placé dès son arrivée au centre pénitentiaire en surveillance renforcée laquelle consiste à vérifier à intervalle régulier le comportement du détenu, qui, par ailleurs n'avait fait l'objet d'aucune recommandation du corps médical visant à le placer dans une cellule avec un codétenu. C'est ainsi que le 28 février 2014, il a été constaté, au moment de la distribution du repas, que l'intéressé présentait, malgré l'incident du matin, un comportement apaisé, ce qu'a confirmé, lors de la ronde de 12h45, le surveillant d'étage qui l'a retrouvé inanimé à 14h25, soit 1h40 plus tard. Il n'est pas établi ni même allégué à cet égard qu'une fréquence des rondes plus importante aurait pu permettre d'éviter son décès. Le comportement de M. A... B... ne pouvant laisser présager un passage à l'acte imminent, il ne peut, par ailleurs, être reproché au personnel de l'établissement de ne pas lui avoir confisqué l'écharpe avec laquelle il s'est pendu. Enfin, si l'administration pénitentiaire est tenue de prendre toutes mesures utiles pour combattre le trafic de substances illicites en prison, la seule circonstance que le détenu ait pu avoir accès à du cannabis, ne suffit pas à démontrer l'existence d'une faute en lien direct avec le décès de M. B....
5. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a rejeté leur demande dirigée contre l'Etat.
Sur les frais de l'instance :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse aux consorts B... une somme au titre des frais que celles-ci ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête des consorts B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... épouse B..., Mme G... B..., à Me C... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. F..., président assesseur,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2020.
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N° 19MA02854