Résumé de la décision
M. A..., un ressortissant turc, a demandé l'asile à son arrivée à l'aéroport de Marseille. Le ministre de l'intérieur a refusé son entrée sur le territoire français au titre de l'asile, considérant sa demande comme manifestement infondée. M. A... a contesté cette décision, arguant que l'entretien qui a eu lieu par téléphone ne respectait pas les garanties procédurales prévues par la loi. Le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du ministre, estimant que l'entretien téléphonique avait privé M. A... d'une garantie essentielle. Le ministre a fait appel de cette décision, mais la cour a confirmé l'annulation, rejetant le recours du ministre.
Arguments pertinents
1. Sur la procédure d'entretien : La cour a souligné que l'entretien avec l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) doit se dérouler en principe en présence physique du demandeur. L'article L. 723-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile stipule que l'entretien doit se faire dans des conditions garantissant la confidentialité et la réception personnelle par le demandeur. La cour a noté que le recours à un entretien téléphonique, en l'absence de circonstances exceptionnelles, constitue une violation de ces garanties.
> "L'entretien avec l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a lieu en principe en présence physique du demandeur d'asile."
2. Sur l'excès de compétence réglementaire : La cour a également jugé que le pouvoir réglementaire avait excédé sa compétence en prévoyant la possibilité d'un entretien par téléphone, qui ne peut être considéré comme un moyen de communication audiovisuelle au sens de la loi.
> "En prévoyant la possibilité d'un entretien par voie téléphonique, alors que le téléphone n'a pas le caractère d'un moyen de communication audiovisuelle, le pouvoir réglementaire a excédé sa compétence."
3. Sur l'impact du vice de procédure : La cour a conclu que le vice de procédure, résultant de l'entretien téléphonique, était de nature à priver M. A... d'une garantie essentielle, ce qui a conduit à l'annulation de la décision du ministre.
> "Ce vice de procédure est de nature à priver M. A... d'une garantie."
Interprétations et citations légales
1. Article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Cet article précise que la décision de refus d'entrée ne peut être prise que si la demande d'asile est manifestement infondée, après consultation de l'OFPRA. Cela implique que l'entretien doit être conduit dans des conditions qui permettent une évaluation adéquate de la demande.
> "La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) la demande d'asile est manifestement infondée."
2. Article L. 723-6 du même code : Cet article établit les conditions dans lesquelles l'entretien doit se dérouler, notamment le droit du demandeur d'être assisté par un avocat ou un représentant d'une association.
> "Le demandeur peut se présenter à l'entretien accompagné soit d'un avocat, soit d'un représentant d'une association."
3. Article R. 723-9 : Cet article définit les cas dans lesquels l'entretien peut se dérouler par voie de communication audiovisuelle, limitant cette possibilité à des situations spécifiques, ce qui exclut le recours au téléphone.
> "L'office peut décider de procéder à l'entretien personnel en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle dans les cas suivants : (...)"
4. Article 11 du décret n° 2018-1159 : Ce décret a introduit la possibilité d'un entretien par téléphone, mais la cour a jugé que cette disposition était illégale car elle ne respectait pas les exigences de la loi.
> "Lorsque l'entretien personnel ne peut être conduit ni en présence de l'étranger ni au moyen d'un service de visioconférence, l'office peut, pour procéder à cet entretien, recourir à un moyen de communication téléphonique."
En conclusion, la décision de la cour souligne l'importance des garanties procédurales dans le traitement des demandes d'asile et la nécessité de respecter les conditions légales établies pour assurer un traitement équitable des demandeurs.