Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 mai 2018 et le 22 octobre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 mars 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler la décision implicite du président d'Espace Gard Découverte ;
3°) d'enjoindre à Espace Gard Découverte de prendre toute mesure de nature à faire cesser des nuisances sonores ;
4°) de mettre les dépens à la charge d'Espace Gard Découverte, ainsi que la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors qu'il n'a pas pris en compte l'ensemble des éléments produits sur les nuisances sonores, n'a pas examiné la carence du maire de Méjannes-le-Clap dans l'exercice de ses pouvoirs de police, et n'a pas répondu au moyen tiré de l'autorité de la chose jugée par la cour administrative d'appel de Lyon ;
- la décision contestée a méconnu l'autorité de la chose jugée par l'arrêt n° 13LY20198 du 22 mai 2014 ;
- les mesures prises par l'établissement sont insuffisantes au regard des nuisances sonores ;
- l'irrégularité de sa situation ne peut lui être opposée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2018, l'établissement public Espace Gard Découverte représenté par la SCP C... - Bargeton - Dyens - Sergent - Alcade, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par M. A... ;
2°) de mettre à sa charge la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions de première instance sont irrecevables, dès lors que la demande initialement adressée par M. A... à son conseil ne revêtait qu'un caractère indemnitaire ;
- les installations de l'établissement préexistaient à la construction des gîtes de M. A... ;
- aucune nuisance n'est constatée dans les bâtiments à usage d'habitation ;
- les gîtes ne peuvent être regardés comme des bâtiments à usage d'habitation ;
- il a pris des mesures suffisantes concernant les nuisances sonores.
La clôture de l'instruction a été fixée au 26 octobre 2020 par une ordonnance du même jour.
Un mémoire a été enregistré pour M. A... le 25 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant M. A..., et de Me C..., représentant Espace Gard Découverte.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a acquis en 2003 et en 2007 auprès de la commune de Méjannes-le-Clap deux parcelles dans la zone d'activités économiques Les Catananches pour y installer un centre de formation en ferronnerie d'art. Ces parcelles sont riveraines d'un espace de loisirs géré par l'établissement public départemental Espace Gard Découverte, dont M. A... se plaint des nuisances sonores. Par un arrêt n° 13LY20198 du 22 mai 2014, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté les conclusions indemnitaires de M. A... dirigé contre le département du Gard et la commune de Méjannes-le-Clap, écarté la responsabilité sans faute d'Espace Gard Découverte et retenu sa responsabilité pour faute pour le condamner à verser la somme de 5 000 euros à M. A... en réparation de ses troubles dans les conditions d'existence.
2. Par un courrier du 16 novembre 2015, M. A... a notamment demandé à l'établissement Espace Gard Découverte de prendre des mesures de nature à faire cesser les nuisances émanant des différentes activités de l'espace de loisirs. Il fait appel du jugement du 16 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de refus née du silence conservé sur sa demande et à ce qu'il soit enjoint à l'établissement de prendre de telles mesures.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, le tribunal administratif n'avait pas à répondre expressément à chacun des éléments invoqués par M. A... sur les nuisances sonores dont il se plaint. En outre, la contestation de l'appréciation portée sur ces nuisances relève du bien-fondé du jugement attaqué, et non de sa régularité.
4. En deuxième lieu, M. A... n'avait pas invoqué en première instance la carence du maire de Méjannes-le-Clap dans l'exercice de ses pouvoirs de police. Le tribunal administratif n'avait dès lors pas à répondre à ce moyen. Celui-ci était au demeurant étranger au litige qui l'opposait à Espace Gard Découverte dans l'instance enregistrée sous le numéro 1600851, à laquelle la commune n'était pas partie.
5. En troisième lieu, le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée par la cour administrative d'appel de Lyon au point 6 du jugement attaqué. Il n'a donc pas omis d'y répondre.
6. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
7. Le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée par la cour administrative d'appel de Lyon au point 6 du jugement attaqué par des motifs appropriés qui ne sont pas utilement contestés et qu'il y a lieu d'adopter en appel.
8. L'article R. 1334-31 du code de la santé publique, devenu l'article R. 1336-5 du même code, prévoit qu' " aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité. " L'article R. 1334-32, devenu l'article R. 1336-6, ajoute que lorsque ce bruit " a pour origine une activité professionnelle [...] ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. "
9. Les nuisances sonores dont se plaint M. A... ont fait l'objet d'une expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes et ont donné lieu à des mesures au cours du mois de mai 2016, puis durant une période de haute activité du centre, du 5 juillet au 1er août suivant. Ces mesures sont représentatives des nuisances sonores générées par l'établissement. L'expert n'a relevé aucune nuisance sonore au niveau de l'habitation présente sur la propriété de M. A..., occupée par son ex-compagne. La propagation du bruit est limitée à une bande de quatre-vingt mètres en limite de propriété comprenant plusieurs gîtes. Si M. A... fait valoir que ces mesures sont insuffisantes et ne reflètent pas la réalité des nuisances subies, les allégations sur les bruits variés dont il fait état ne sont pas établies par des pièces versées au dossier.
10. Contrairement à ce que soutient M. A..., le seul dépassement des seuils prévus par la réglementation relative au bruit, quand bien même il caractérise une gêne, ne justifie pas par lui-même d'enjoindre à l'administration de prendre toute mesure pour y mettre fin. Le bien-fondé du refus de l'administration de prendre de telles mesures s'apprécie au regard de ses éventuels manquements à son obligation de prendre des précautions appropriées pour limiter le bruit émanant de ses ouvrages et installations compte tenu des circonstances.
11. S'agissant des soirées musicales organisées dans la salle d'animation, l'expert a initialement relevé que le limiteur sonore n'était pas étalonné conformément à la réglementation sur la diffusion de sons amplifiés. Cependant ce réglage a été effectué au cours des opérations d'expertise.
12. L'expert a relevé que sur les sept soirées programmées au cours de la période de mesures, une seule d'entre elles, qui s'est terminée à 22h30, s'est caractérisée par une émergence de 9 décibels pondérés A, supérieure au seuil réglementaire. En outre, une soirée non programmée, qui s'est terminée à 23h20, s'est caractérisée par une émergence plus importante de 15 décibels pondérés A. Il estime que ces constatations mettent en évidence des problèmes de comportement de l'animateur et du groupe qui ne respectent pas les consignes concernant l'ouverture des portes et fenêtres et les horaires. Après l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 22 mai 2014, le conseil d'administration d'Espace Gard Découverte a modifié son règlement intérieur en y précisant que " Chaque responsable de groupe doit veiller à faire respecter la propriété d'autrui ainsi qu'à minimiser les nuisances sonores eu égard au voisinage (...) ". Des actions de sensibilisation du personnel et des groupes ont été entreprises, notamment à travers des réunions d'accueil et des affichages en plusieurs points sensibles du centre, telles les aires de jeux. Ces consignes sont majoritairement respectées, ainsi que cela ressort des mesures faites par l'expert. Il n'apparaît pas que ces évènements occasionnels puissent justifier d'autres mesures d'organisation du service pouvant être utilement enjointes à Espace Gard Découverte.
13. L'expert a préconisé de créer un sas sur une porte vitrée et d'asservir le fonctionnement de la sonorisation à la fermeture des fenêtres. Les gîtes où l'émergence sonore a été mesurée ont été construits dans une zone du plan local d'urbanisme dédiée aux activités économiques sur le fondement d'un permis de construire délivré en 2009, bien après la construction des installations de l'espace de loisirs géré par Espace Gard Découverte. Ils n'ont vocation qu'à accueillir un hébergement temporaire. L'expert relève leur mauvaise isolation sonore. Compte tenu en outre de leur caractère limité, les troubles occasionnés ne résultent pas de l'exécution défectueuse de travaux ou d'un défaut ou d'un fonctionnement anormal de l'ouvrage, seuls susceptibles de justifier une injonction de réaliser des travaux.
14. L'expert a indiqué qu'un groupe avait utilisé des enceintes portatives individuelles dans les dortoirs au cours des opérations d'expertise pour une dizaine de minutes. Pour regrettable qu'elle soit, cette circonstance isolée n'appelle aucune mesure d'organisation du service de la part d'Etablissement Gard Découverte.
15. S'agissant de l'aire de jeux principale, qui comprend notamment une pyramide de cordes, le conseil d'administration d'Espace Gard Découverte en a limité l'accès aux horaires compris entre 10 heures et 20 heures. Si M. A... fait valoir que l'établissement ne justifie pas d'un dispositif concret pour s'assurer du respect de ces consignes, lui-même n'apporte, à l'inverse, aucun élément de nature à démontrer qu'elles ne seraient pas respectées. L'expert n'a d'ailleurs mesuré aucun dépassement des seuils réglementaires en dehors des horaires d'ouverture de la pyramide de cordes.
16. Au cours des horaires d'ouverture de la pyramide de cordes, l'expert a relevé une émergence comprise entre 8 et 17 décibels pondérés A pour une émergence admise de 7 décibels, avec une tonalité marquée dans les fréquences aiguës. Il n'est pas contesté que ce bruit résulte de la fréquentation normale de l'aire de jeux par le public juvénile de l'établissement. L'expert considère que seul le déplacement de la pyramide de cordes serait de nature à y mettre fin. Cependant, le choix de la localisation de cette pyramide de cordes, édifiée en 2008 alors que le permis de construire les gîtes de M. A... a été délivré en 2009, n'est entaché d'aucune illégalité susceptible de justifier une injonction de déplacer cet ouvrage public.
17. S'agissant de l'espace autour des dortoirs, l'expert a relevé que le bruit des jeux ou des rassemblements dans cet espace est peu perceptible au niveau des gîtes existants, mais que ces bruits sont perceptibles sur le site de gîtes dont la construction a commencé au cours des opérations d'expertise. Les bruits perçus sur un chantier ne sont pas de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'être humain compte tenu de l'usage normal des lieux.
18. S'agissant du réfectoire extérieur, l'expert a relevé que le bruit des groupes qui y déjeunent n'est pas perceptible depuis les gîtes existants en l'absence de vent portant.
19. S'agissant du stade de football, l'expert a enfin relevé que l'émergence mesurée à l'intérieur de l'habitation sur la propriété de M. A... est inférieure à l'émergence admise pour une fréquentation de vingt-quatre joueurs. Si M. A... fait valoir que le bruit est plus important lors des matchs joués en présence d'un public, les circonstances qu'il décrit résultent du fonctionnement normal de cet ouvrage public, dont la construction est antérieure à celle de ses propres bâtiments. Elles ne révèlent pas par elles-mêmes un manquement d'Espace Gard Découverte.
20. Il résulte de ce qui précède qu'aucun manquement d'Espace Gard Découverte à son obligation de prendre des précautions appropriées pour limiter le bruit émanant de ses ouvrages et installations n'est susceptible de justifier utilement une injonction pour y mettre fin. M. A... n'est en conséquence pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
21. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 500 euros à Espace Gard Découverte au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
22. En revanche, Espace Gard Découverte n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. A... sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à Espace Gard Découverte la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et à l'établissement public Espace Gard Découverte.
Délibéré après l'audience du 3 février 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.
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No 18MA02216