Par un jugement n°1800786 du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 novembre 2019 et 11 février 2020, MM. B... et D..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 19 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Patrimonio du 30 mai 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SARL Lina Maria une somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la défenderesse n'établit pas que le permis affiché mentionnait les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, de telle sorte qu'elle ne peut se prévaloir du défaut de notification de l'appel ; en tout état de cause, la juridiction l'a informée du recours dans le délai fixé par cet article ;
- le projet ne respecte pas les dispositions des articles L. 121-8 et L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ;
- le projet porte atteinte au caractère des lieux avoisinants, aux paysages urbains et à la conservation des perspectives monumentales, en méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- les terrains d'assiette du projet répondent aux critères d'identification des espaces stratégiques agricoles définis par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse et sont de ce fait inconstructibles ;
- la commune et la préfecture ont reconnu que la zone ne pouvait être ouverte à l'urbanisation ;
- les pièces relatives au système d'assainissement envisagé sont contradictoires, ce système est sous-dimensionné et sera source de nuisance de voisinage ; celui-ci ne peut être regardé comme conforme à la réglementation ;
- les voies d'accès sont insuffisamment larges et dangereuses et le projet méconnaît à cet égard les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires enregistrés le 27 janvier, 18 février et 15 juillet 2020, la SARL Lina Maria, représentée Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute pour les requérants d'avoir notifié leur recours conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- elle est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2020, le ministre en charge de l'urbanisme conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable faute pour les requérants d'avoir notifié leur recours conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- elle est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MM. B... et D... relèvent appel du jugement du 19 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2018, par lequel le maire de la commune de Patrimonio a délivré à la SARL Lina Maria un permis de construire trois bâtiments à usage de logements collectifs, lieu-dit Agianella.
2. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. / (...) ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier. (...) / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. / (...) / Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage. ". L'article A. 424-17 de ce code prévoit ainsi : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : " Droit de recours : " Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). " Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme). " ".
3. Il résulte de ces dispositions que, conformément à l'objectif de sécurité juridique qu'elles poursuivent, l'obligation faite à l'auteur d'un recours contentieux dirigé contre un permis de construire de notifier ce recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation, est prolongée par une obligation similaire lorsque, le recours ayant été en tout ou en partie rejeté, son auteur ou, le cas échéant, un intervenant en demande ayant qualité de partie à l'instance, décide d'interjeter appel du jugement de première instance. L'appel doit être notifié de la même façon que le recours introduit devant les premiers juges, à l'auteur de la décision attaquée et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation. En revanche, l'irrecevabilité tirée de l'absence d'accomplissement des formalités de notification prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne peut être opposée, en première instance, en appel ou en cassation, qu'à la condition, prévue au deuxième alinéa de l'article R. 424-15 du même code, que l'obligation de procéder à cette notification ait été mentionnée dans l'affichage du permis de construire.
4. En l'espèce, la SARL Lina-Maria produit à l'instance un procès-verbal d'huissier dont il ressort que l'affichage du permis de construire litigieux comportait la mention de l'obligation de procéder à la notification de tout recours prévue au deuxième alinéa de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme, selon la forme fixée à l'article A. 424-17 cité ci-dessus. Il n'est pas contesté que MM. B... et D... n'ont, malgré cet affichage, pas notifié leur requête d'appel à l'auteur et au bénéficiaire de la décision attaquée. Contrairement à ce que les requérants soutiennent, la communication de la requête par la juridiction à l'Etat, à la commune de Patrimonio et à la SARL Lina-Maria n'a pu avoir pour effet de régulariser à cet égard leur recours, alors même qu'elle est intervenue dans le délai prévu par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.
5. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que la SARL Lina Maria et le ministre en charge de l'urbanisme opposent une fin de non-recevoir à cet égard et que la requête d'appel de MM. B... et D... doit être rejetée comme irrecevable.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme de 2 000 euros à verser à la SARL Lina Maria au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de MM. B... et D... est rejetée.
Article 2 : MM. B... et D... verseront la somme globale de 2 000 euros à la SARL Lina au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à M. F... D..., au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et à la SARL Lina Maria.
Copie en sera adressée à la commune de Patrimonio et au préfet de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Merenne, premier conseiller,
- Mme E..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 16 novembre 2020.
N°19MA04946 5