Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 avril 2019 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) de rejeter le déféré présenté par le préfet de Corse-du-Sud en première instance ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le recours gracieux et le déféré préfectoral ne lui ont pas été régulièrement notifiés, en méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- le projet respecte l'article UD-10 du règlement du plan local d'urbanisme, dès lors que la hauteur maximale du projet atteint 6,99 mètres et que le projet prévoit une construction sur deux niveaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2019, la préfète de Corse-du-Sud conclut au rejet de la requête présentée par M. B....
Elle soutient que :
- le litige n'est pas susceptible d'appel en application de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la commune d'Ajaccio, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné M. Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 26 avril 2010, le maire d'Ajaccio a délivré à M. B... un permis de construire une maison d'habitation implantée au lieu-dit Les Calenches, route des Sanguinaires. M. B... a ensuite demandé un permis modificatif portant sur l'agrandissement de cette construction le 30 avril 2014. Du silence conservé sur cette demande est né un permis tacite. M. B... fait appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a fait droit au déféré de la préfète de Corse-du-Sud et annulé ce permis modificatif tacite.
Sur l'exception d'incompétence :
2. En vertu des dispositions de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative, issu du décret du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige, les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours, introduits entre le 1er décembre 2013 et le 1er décembre 2018, dirigés contre " les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation ou contre les permis d'aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d'une des communes mentionnées à l'article 232 du code général des impôts et son décret d'application ". Ces dispositions, qui ont pour objectif, dans les zones où la tension entre l'offre et la demande de logements est particulièrement vive, de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d'opérations de construction de logements, dérogent aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative qui prévoient que " toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif (...) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance ", et doivent donc s'interpréter strictement. Si ces dispositions sont susceptibles de s'appliquer aux permis de construire autorisant la réalisation de travaux sur une construction existante, c'est à la condition que ces travaux aient pour objet la réalisation de logements supplémentaires. Il ne peut en aller différemment que lorsque les travaux sur une construction existante ont fait l'objet d'un permis de construire modificatif, lequel, pour l'application des dispositions de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative, obéit nécessairement aux mêmes règles de procédure contentieuse que le permis de construire initial auquel il se rattache.
3. Le permis de construire initialement délivré à M. B... le 26 avril 2010 portait sur la création d'un logement individuel. En revanche, et ainsi que la préfète de Corse-du-Sud le faisait elle-même valoir en première instance, le permis modificatif en litige constitue en réalité, compte tenu de la nature et de l'ampleur des travaux projetés, un nouveau permis de construire, qui n'entraîne pas la création d'un logement supplémentaire. Le litige est ainsi susceptible d'appel, contrairement à ce que soutient la préfète de la Corse-du-Sud devant la cour.
Sur la recevabilité du déféré :
4. L'article R. 600-1 du code de l'urbanisme prévoit, dans sa rédaction applicable, qu' : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'auteur d'un recours administratif ou contentieux à l'encontre d'un permis de construire est tenu de le notifier au titulaire de l'autorisation. En revanche, ces dispositions ne prévoient pas qu'une telle notification ne pourrait valablement être effectuée qu'à l'adresse indiquée par ce dernier dans le dossier de demande de permis de construire. En l'espèce, M. B... avait déclaré, dans le cadre de l'instance pénale initiée à son encontre pour l'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, que sa nouvelle adresse était celle de la construction faisant l'objet du projet en litige. Son conseil l'a d'ailleurs expressément souligné devant le tribunal correctionnel d'Ajaccio, ainsi qu'il est indiqué en page 6 du jugement rendu le 18 décembre 2017 par ce dernier. Cette adresse est également celle indiquée par M. B... dans le cadre de la procédure devant le tribunal administratif. La préfète de Corse-du-Sud a valablement pu notifier son recours gracieux et son déféré à la nouvelle adresse de M. B....
6. En outre, et ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, il résulte des termes mêmes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme que la notification prévue par cet article est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre de recommandée auprès des services postaux, qui est établie par le certificat de dépôt de cette lettre. Par suite, les conditions dans lesquelles le pli est ensuite remis à son destinataire sont sans incidence sur la régularité des notifications effectuées par l'auteur du recours gracieux et du déféré.
7. Le tribunal administratif a ainsi écarté à bon droit la fin de non-recevoir soulevée par M. B... en première instance.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
8. L'article UD-10 du règlement du plan local d'urbanisme d'Ajaccio, applicable à la construction en litige, prévoit que " 1. La hauteur des constructions, définie et mesurée comme il est indiqué à l'annexe 2 du présent règlement, ne peut excéder : (...) - en secteurs UDa, UDd et Udc : 7 mètres et 2 niveaux (...) ". L'annexe 2 de ce règlement prévoit que : " pour les constructions dont la façade principale est implantée sur espace privé : - la hauteur se mesure, sur la façade donnant sur cet espace, à partir du terrain naturel jusqu'à l'égout du toit ou à l'arase de l'acrotère, à la date de la demande du permis de construire (...) ".
9. Il ressort du plan annexé à la demande de permis de construire que la construction projetée comporte trois niveaux et que sa façade est d'une hauteur supérieure à dix mètres, quand bien même ce plan déterminerait une hauteur de construction de 6,99 mètres à compter du plancher du premier étage de la construction et non à partir du terrain naturel. Les premiers juges ont retenu à juste titre que le permis délivré avait méconnu les dispositions de l'article UD-10 du plan local d'urbanisme.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé le permis de construire tacite délivré le 11 octobre 2014.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à la ministre de la transition écologique et à la commune d'Ajaccio.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2021, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. C... et Mme D..., premiers conseillers.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2021.
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No 19MA02498