Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 12 mars 2020 sous le numéro 20MA01201, la commune de Porto-Vecchio, représentée par Me C... de la SCP CGCB et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 13 février 2020 ;
2°) de rejeter les conclusions de la SAS Corsea Promotion ;
3°) de mettre à la charge de la SAS Corsea Promotion la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- il a également méconnu les dispositions de l'article R. 111-28 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2020, la SAS Corsea Promotion, représentée par la SCP Berenger-Blanc-Burtez-Doucede et Associés, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Porto-Vecchio de lui délivrer le permis de construire qu'elle a sollicité, ou subsidiairement de statuer sur sa demande, à l'issue d'un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à venir sous astreintes de 500 euros par jour de retard, et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Porto-Vecchio une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute d'habilitation du maire ;
- les autres moyens soulevés par la commune de Porto-Vecchio ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 13 mars 2020 sous le numéro 20MA01213, la commune de Porto-Vecchio, représentée par Me C... de la SCP CGCB et Associés, demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 13 février 2020 ;
2°) de mettre à la charge de la SAS Corsea Promotion la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conditions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont réunies ;
- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- il a également méconnu les dispositions de l'article R. 111-28 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2020, la SAS Corsea Promotion, représentée par la SCP Berenger-Blanc-Burtez-Doucede et Associés, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Porto-Vecchio une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de sursis à exécution ne peut qu'être rejetée faute de moyens fondés ;
- la requête est irrecevable faute d'habilitation du maire ;
- les autres moyens soulevés par la commune de Porto-Vecchio ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me A... de la SCP CGCB et Associés, représentant la commune de Porto-Vecchio, et de Me B... de la SCP Berenger-Blanc-Burtez-Doucede et Associés, représentant la SAS Corsea Promotion.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes numéros 20MA01201 et 20MA01213 sont relatives à un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
2. La SAS Corsea Promotion a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 janvier 2018 par lequel le maire de Porto-Vecchio a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l'édification d'un immeuble de dix-huit logements et d'une piscine sur une parcelle cadastré section AH n° 16, route d'Avretto Balesi. La commune de Porto-Vecchio relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bastia a fait droit à cette demande.
Sur l'affaire numéro 20MA01201 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
4. Il ressort des pièces du dossier que si, le long de la route d'Avretto Balesi, les constructions mitoyennes du terrain d'assiette du projet en litige comme les constructions situées en face de ce terrain, sont des maisons individuelles implantées sur des parcelles comportant des espaces verts, les immeubles collectifs d'habitation qui sont implantés dans l'îlot constitué par les constructions situées entre cette route et celle qui est à quelques mètres à l'est de ce terrain présentent des caractéristiques architecturales variées et comportent pour certains d'entre eux une hauteur proche de la construction projetée. Les constructions avoisinantes ne sauraient ainsi être regardées comme présentant, par leur architecture et leur volumétrie, un caractère particulier au sens des dispositions citées ci-dessus, auquel la construction projetée viendrait porter atteinte. Enfin, à supposer même que ce secteur puisse être regardé comme présentant un caractère ou un intérêt au sens de ces mêmes dispositions parce que de nombreuses constructions qui y sont implantées sont bordées d'espaces verts et en particulier d'arbres de haute tige, si le projet en litige prévoit une surface de plancher totale de 1 062 mètres carrés sur une parcelle d'une surface de 1 290 mètres carrés, il prévoit la préservation d'espaces verts avec la plantation d'arbres de haute tige autour de la construction projetée, laquelle est découpée horizontalement et verticalement de manière à alléger les masses bâties, permettant ainsi à la végétation située à proximité immédiate des façades de prendre toute sa place. L'ensemble de ces éléments n'est pas utilement contesté par les seules affirmations de la commune soutenant que les maisons mitoyennes du projet sont des maisons individuelles ou que la configuration du projet ne permettrait pas d'implanter des arbres de haute tige ou encore que " Le site a donc un aspect arboré et ayant conservé un caractère relativement naturel ". Aussi et comme l'a jugé le tribunal à juste titre, le maire de Porto-Vecchio a fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
5. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-28 du code de l'urbanisme : " Dans les secteurs déjà partiellement bâtis, présentant une unité d'aspect et non compris dans des programmes de rénovation, l'autorisation de construire à une hauteur supérieure à la hauteur moyenne des constructions avoisinantes peut être refusée ou subordonnée à des prescriptions particulières ".
6. Il ressort de ce qui a été jugé au point 4 que le secteur dans lequel s'insère la construction projetée ne peut être regardé comme présentant une unité d'aspect au sens des dispositions de l'article R. 111-28. Il en résulte que le maire de Porto-Vecchio a également fait une inexacte application de ces dispositions.
7. Au total, la requête de la commune de Porto-Vecchio, qui au demeurant ne conteste pas l'avis conforme positif du préfet de la Corse-du-Sud, ne peut qu'être rejetée.
Sur l'affaire numéro 20MA01213 :
8. La Cour statuant sur le fond de l'affaire, il n'y a pas lieu, pour elle, de statuer sur les conclusions en sursis à exécution.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
9. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, comme le juge d'appel confirmant un jugement de même teneur, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. Il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est pas soutenu par la commune de Porto-Vecchio qu'un autre motif que ceux retenus par la commune ou qu'un changement de circonstances serait susceptible de permettre à la commune de refuser la demande qui lui a été adressée. Il y a dès lors lieu d'ordonner à la commune de délivrer le permis de construire sollicité par la SAS Corsea Promotion dans le délai d'un mois, à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
10. Les conclusions de la commune de Porto-Vecchio fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, la SAS Corsea Promotion n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance. Il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Porto-Vecchio une somme de 2 500 euros au titre des mêmes dispositions, à verser à la SAS Corsea Promotion.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20MA01213.
Article 2 : La requête n° 20MA01201 est rejetée.
Article 3 : Il est ordonné à la commune de Porto-Vecchio de délivrer à la SAS Corsea Promotion le permis de construire qu'elle a sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Il est mis à la charge de la commune de Porto-Vecchio une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à la société Corsea Promotion. Les conclusions de la commune de Porto-Vecchio fondées sur ces dispositions sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Corsea Promotion est rejeté.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la société Corsea Promotion et à la commune de Porto-Vecchio.
Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. E..., président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 28 septembre 2020.
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N° 20MA01201 - 20MA01213