Par une requête, enregistrée le 6 juin 2017, le département de Vaucluse, représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 6 avril 2017 ;
2°) de rejeter la demande de Mme A...présentée devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de retrait vise des dysfonctionnements relevés lors de plusieurs contrôles ;
- il a démontré le caractère répétitif et grave des dysfonctionnements de l'activité de MmeA..., qui mettent en cause la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants gardés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2018, Mme A...conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du département de Vaucluse en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les faits antérieurs au renouvellement de son agrément ne peuvent fonder la décision de retrait de son agrément ;
- les conditions d'accueil qu'elle propose garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants ;
- aucun dépassement de la capacité d'accueil n'a eu lieu depuis 2012 ;
- les griefs mentionnés dans la décision sont infondés ;
- la décision de retrait n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreurs de fait et d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 27 juillet 2018, le département de Vaucluse conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et ajoute en outre que :
- il pouvait se fonder pour prendre la décision de retrait sur des visites de contrôle intervenues antérieurement au renouvellement de l'agrément de MmeA... ;
- l'agrément de Mme A...pouvait également être retiré, ainsi que la décision contestée le mentionne, sur le fondement de l'article R. 421-26 du code de l'action sociale et des familles.
Un avis d'audience portant clôture d'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative a été adressé aux parties le 26 octobre 2018.
Un mémoire présenté pour Mme A...a été enregistré le 1er novembre 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant le département de Vaucluse, et de MeD..., représentant MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...a été agréée le 2 août 2010 pour l'accueil de deux enfants. Son agrément a été étendu le 17 décembre 2010 pour l'accueil d'un troisième enfant et renouvelé en avril 2015. Elle exerce depuis novembre 2011 ses fonctions au sein d'une maison d'assistantes maternelles à Vedène. Par décision du 28 juin 2016, le président du conseil départemental de Vaucluse a procédé au retrait de son agrément. Le département de Vaucluse relève appel du jugement du 6 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision de retrait qu'il avait édictée.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles : " L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet ". L'alinéa 5 de l'article L. 421-3 du même code prévoit que l'agrément est accordé à la profession des assistants maternels " si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. Les modalités d'octroi ainsi que la durée de l'agrément sont définies par décret. (...) ". Le 1° de l'article R. 421-3 précise que pour obtenir l'agrément d'assistant maternel ou d'assistant familial, le candidat doit : " Présenter les garanties nécessaires pour accueillir des mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique, intellectuel et affectif ". L'alinéa 3 de l'article L. 421-6 ajoute que " Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil général peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-26 du même code : " Un manquement grave ou des manquements répétés aux obligations de déclaration et de notification prévues aux articles R. 421-38, R. 421-39, R. 421-40 et R. 421-41 ainsi que des dépassements du nombre d'enfants mentionnés dans l'agrément et ne répondant pas aux conditions prévues par l'article R. 421-17 peuvent justifier, après avertissement, un retrait d'agrément " et de l'article R. 421-39 : " L'assistant maternel est tenu de déclarer au président du conseil départemental,
dans les huit jours suivant leur accueil, le nom et la date de naissance des mineurs accueillis ainsi que les modalités de leur accueil et les noms, adresses et numéros de téléphone des représentants légaux des mineurs. Toute modification de l'un de ces éléments est déclarée dans les huit jours. L'assistant maternel tient à la disposition des services de protection maternelle et infantile des documents relatifs à son activité prévisionnelle, ainsi qu'à son activité effective, mentionnant les jours et horaires d'accueil des enfants qui lui sont confiés. Il informe le président du conseil départemental du départ définitif d'un enfant et, selon des modalités fixées par le conseil départemental, de ses disponibilités pour accueillir des enfants ".
3. En vertu des dispositions précitées, il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis et graves pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être.
4. La décision de retrait fait tout d'abord grief à Mme A...de ne pas prendre en compte les besoins particuliers de chaque enfant en terme de sécurité, de rythme de sommeil et de bien-être. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, ce grief se fonde essentiellement sur la visite de la maison d'assistantes maternelles qui a eu lieu le 29 septembre 2015, dès lors que, si la visite du 24 avril 2012 avait noté des dysfonctionnements, il avait été constaté à l'issue de la visite du 28 juin 2012 que des améliorations avaient été apportées, et que la visite du 19 juin 2014 avait conclu à une prise en charge correcte. Si les inspectrices de la Protection maternelle et infantile ont notamment relevé lors de la visite du 29 septembre 2015 que les enfants avaient tous été couchés à la même heure après le repas, que lors de leur arrivée certains enfants pleuraient, que certains enfants étaient éveillés dans leurs lits avec une couche sale, que d'autres qui montraient des signes de fatigue n'avaient pas été recouchés, que des surnoms dévalorisants étaient parfois utilisés pour nommer les enfants, que le goûter manquait de convivialité ou encore qu'un enfant avait été placé dans un parc alors qu'il est en capacité d'évoluer librement, ces faits et attitudes, dont il n'est pas établi qu'ils auraient un caractère répété, ne revêtent pas le caractère de gravité justifiant une mesure de retrait d'agrément. Mme A... fait valoir en outre sans être contestée que les enfants gardés avaient presque tous le même âge, soit entre 2 et 3 ans, ce qui justifiait qu'ils soient couchés en même temps, et elle produit de nombreuses attestations précises et circonstanciées, étalées sur plusieurs années, de parents satisfaits de la prise en charge.
5. La décision de retrait reproche ensuite à Mme A...des manquements à l'obligation de déclarer dans les huit jours suivant l'accueil, le nombre et l'âge des mineurs accueillis et d'avoir dépassé le nombre d'enfants prévu dans l'agrément. S'il a pu être constaté en 2011 et 2012 l'absence de fiches de liaison et des dépassements du nombre d'enfants autorisés, il n'est pas établi par les pièces du dossier que ces manquements auraient perduré après 2012. Si à l'issue de la visite du 29 janvier 2016, il a pu être noté des discordances entre les enfants déclarés présents lors des visites, les fiches de liaison fournies par les assistantes maternelles et les présences possibles d'enfants déclarés à la CAF par des parents employeurs, ce constat, qui démontre seulement des manquements de Mme A...dans l'établissement des fiches de liaison, ne saurait justifier un retrait d'agrément sur le fondement de l'article R. 421-26 du code de l'action sociale et des familles, en l'absence de caractère répété et grave, et alors que le département n'est pas en mesure d'établir, en l'absence d'investigations complémentaires menées notamment auprès des parents, que le taux d'occupation effective de la maison d'assistantes maternelles serait supérieur à celui autorisé.
6. La décision de retrait reproche enfin à Mme A...des difficultés de communication et de dialogue avec les professionnels de la PMI. Si ces difficultés sont avérées, elles ne justifient pas à elles seules, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, que l'agrément de Mme A... lui soit retiré.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le département de Vaucluse n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 28 juin 2016. Par suite, sa requête doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au département de Vaucluse, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de Vaucluse au profit de Mme A...une somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du département de Vaucluse est rejetée.
Article 2 : Le département de Vaucluse versera une somme de 2 000 euros à Mme A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au département de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2018.
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N° 17MA02300