Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 septembre 2017 et le 29 novembre 2018, M. A...et MmesA..., représentés par MeE..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2017 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de condamner la commune de Cagnes-sur-Mer à leur payer à titre principal la somme de 30 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral et à titre subsidiaire 1 euro symbolique ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cagnes-sur-Mer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le maire a commis une faute en autorisant la circulation en centre-ville des véhicules de plus de 19 tonnes ;
- l'accident était inévitable au regard de la configuration des lieux ;
- il n'y avait aucune nécessité à ce que le camion emprunte cet itinéraire ;
- leur préjudice moral doit être réparé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2017, la commune de Cagnes-sur-Mer representée par MeB..., demande à la Cour de rejeter la requête.
Elle fait valoir que :
- le maire n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
- la configuration des lieux n'imposait pas, pour un motif de sécurité, l'interdiction de circulation des véhicules de plus de 19 tonnes ;
- la circonstance que certaines catégories de camions soient autorisées à circuler en agglomération se justifie pleinement ;
- la fréquence de passage de ces véhicules est nécessairement limitée ;
- l'accident n'est pas survenu sur une voie concernée par les dérogations prévues par l'arrêté du 6 août 2010 ;
- la cause de l'accident résulte exclusivement d'une conduite fautive du chauffeur ;
- le préjudice moral de la famille a sans doute déjà été indemnisé par l'assureur du véhicule en cause dans l'accident.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant les consortsA....
Considérant ce qui suit :
1. ClémenceA..., alors âgée de 18 ans, a été victime d'un accident mortel de la circulation le 9 août 2010 après avoir été heurtée, alors qu'elle traversait la rue à l'angle de l'avenue Renoir et de l'avenue de l'Hôtel de Ville sur un passage protégé sur le territoire de la commune de Cagnes-sur-Mer, par un camion de ramassage des déchets appartenant à la société Sud-Est Assainissement. Ses parents Jean-Louis et CorinneA..., ainsi que sa soeur PaulineA..., relèvent appel du jugement du 11 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande de condamnation de la commune de Cagnes-sur-Mer à réparer le préjudice moral résultant pour eux de ce décès.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-1 du même code : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation (...) ". Aux termes, enfin, de l'article R. 141-3 du code de la voirie routière : " Le maire peut interdire d'une manière temporaire ou permanente l'usage de tout ou partie du réseau des voies communales aux catégories de véhicules dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution de ces voies, et notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée ou des ouvrages d'art ".
3. Les requérants, qui ne contestent plus dans leurs écritures d'appel l'arrêté du maire de Cagnes-sur-Mer du 6 août 2010, font grief à l'article 3 de l'arrêté pris par le maire le 24 juillet 2000, lequel en son article 1er interdit la circulation des véhicules d'un poids total supérieur à 19 tonnes sur certaines voies situées en centre-ville, de permettre aux seuls véhicules assurant un service public et les transports en commun, quel que soit leur poids total en charge, de circuler sur ces mêmes voies, et notamment d'emprunter l'avenue sur laquelle a eu lieu l'accident. Il résulte cependant de l'instruction, et notamment des photographies produites, que la configuration des lieux ne rendait pas, ainsi que le soutiennent les requérants, l'accident inévitable, même si les manoeuvres effectuées par les chauffeurs de ces véhicules nécessitent une vigilance accrue de leur part. En outre, la dérogation accordée par l'article 3 de l'arrêté est limitée aux seuls véhicules affectés à des missions de service public. Est à cet égard sans incidence le fait qu'il n'était pas nécessaire au chauffeur du camion en cause dans l'accident de circuler ce jour-là sur l'avenue A. Renoir. Enfin et en tout état de cause, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, il ressort de la lecture du jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 9 novembre 2010 que l'accident a eu lieu alors que la jeune femme était déjà engagée sur le passage protégé et résulte ainsi de la seule grave faute d'inattention du chauffeur. Dans ces conditions, le maire n'a pas commis de faute en n'interdisant pas à tout véhicule d'un poids total supérieur à 19 tonnes, qu'il soit ou pas affecté à une mission de service public, de circuler sur l'avenue A. Renoir.
4. Il résulte de ce qui précède que M. et Mmes A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande de condamnation de la commune de Cagnes-sur-Mer.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Cagnes-sur-Mer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme aux consortsA..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mmes A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Jean-LouisA..., à Mme C...D...épouseA..., à Mme F...A...et à la commune de Cagnes-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pecchioli, premier conseiller,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 janvier 2019.
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N° 17MA03882