Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 février 2015, sous le n° 15MA00628, Mme B... C... épouseA..., représentée par Me D...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 novembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté susvisé en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me D...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- à la date du dépôt de sa demande de titre de séjour, elle n'était pas éligible à solliciter le regroupement familial ;
- le préfet de l'Hérault était tenu de soumettre son cas à la commission de titre de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'au vu des moyens soulevés dans la présente requête, il s'en remet à l'argumentation qu'il a produite en première instance.
Mme C...épouse A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 janvier 2015.
Un courrier du 8 octobre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 2 décembre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré présentée pour Mme C...a été enregistrée le 27 janvier 2016.
1. Considérant que Mme C...épouseA..., de nationalité turque, relève appel du jugement en date du 24 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 27 mai 2014 du préfet de l'Hérault en tant qu'il a refusé de lui délivrer son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...épouse A...s'est mariée le 8 octobre 2010 avec un compatriote titulaire d'un titre de séjour " salarié " et d'un contrat à durée indéterminée pour un emploi de serveur ; que la requérante ne saurait utilement soutenir qu'à la date du dépôt de sa demande d'admission au séjour, le 11 février 2014, elle n'était pas éligible au regroupement familial conformément aux dispositions des articles L. 411-4 et R. 411-4 du code précité dès lors que le préfet dispose en la matière d'un pouvoir d'appréciation et n'est jamais tenu de rejeter une demande de regroupement familial, même dans le cas où le demandeur ne justifierait pas remplir les conditions tenant, notamment, aux ressources ; qu'ainsi, en sa qualité d'épouse d'un étranger titulaire d'un titre de séjour, elle entre dans la catégorie ouvrant droit au regroupement familial ; que, par suite, l'intéressée, dont la situation ne relève pas du champ d'application des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne saurait utilement se prévaloir de leur violation ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...épouse A...s'est mariée le 8 octobre 2010 avec un compatriote lequel est titulaire d'un titre de séjour " salarié " et d'un contrat à durée indéterminée pour un emploi de serveur depuis le 1er septembre 2013 ; qu'elle est entrée régulièrement en France le 21 novembre 2012 pour le rejoindre ; que de cette union est né, sur le territoire national un enfant le 29 septembre 2013 ; que, cependant, à la date de la décision querellée, la communauté de vie de la requérante avec son époux d'une durée de près de dix-huit mois était brève tout comme sa durée de séjour de moins de deux ans ; qu'en outre, sa fille n'était âgée que de sept mois ; que la circonstance postérieure à la décision contestée que Mme C...épouse A...soit enceinte de son deuxième enfant est sans incidence ; que par ailleurs, elle ne justifie pas être dépourvue d'attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans et où résident son père, sa mère et ses deux frères ; que, dans ces conditions, la décision en litige qui n'a pas pour objet de la contraindre à retourner en Turquie pour mettre en oeuvre la procédure de regroupement familial n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de soumettre le cas de la requérante à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les mêmes motifs que ceux mentionnés au considérant n° 5 précédent ;
8. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
9. Considérant que Mme C...épouse A...soutient que la décision attaquée est contraire à l'intérêt de son enfant qui, dans tous les cas, sera durablement privé de l'un de ses parents ; que, cependant, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la requérante ne puisse pas emmener son enfant seulement âgé de sept mois avec elle en Turquie ; que, par ailleurs, la décision contestée n'a pas pour objet de séparer durablement l'enfant de son père qui peut solliciter le regroupement familial au bénéfice de l'appelante ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, (...). / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, (...) II- Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;
11. Considérant que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français correspond au délai de droit commun susceptible d'être accordé en application de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ; que, dans ces conditions, la fixation à trente jours du délai de départ volontaire accordé à Mme C...épouse A...n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, dès lors notamment qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante aurait expressément demandé au préfet à bénéficier d'une prolongation de ce délai ; qu'au demeurant, l'arrêté contesté, qui mentionne des éléments de fait propres à la situation de Mme C...épouseA..., précise, dans son article 2, que cette dernière est obligée de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de l'arrêté ses déclarations et les éléments produits sur sa situation personnelle ne justifiant pas l'octroi d'un délai supérieur, à titre exceptionnel ; que la motivation de cette décision, qui se réfère aux éléments d'appréciation de la situation de l'intéressée qui sont relevés dans les considérants de l'arrêté contesté, ne peut être regardée comme stéréotypée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire doit, en tout état de cause, être écarté ;
12. Considérant qu'il ne résulte pas de la décision en litige que le préfet de l'Hérault se serait estimé à tort en situation de compétence liée au regard du délai de départ volontaire de trente jours déterminé par le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans examiner la situation particulière de l'intéressée ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...épouse A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
14. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C...épouse A...n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions susvisées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
15. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme C... épouse A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...épouse A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...épouse A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Hameline, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 février 2016.
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N° 15MA00628